Et voilà que...
Actualités - OPINION
LE POINT Entre rêve et réalité Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 27 février 2007 à 00h00
Les leçons, c’est à peine un truisme, ne servent à rien si elles ne sont pas retenues. On n’est pas près d’oublier les années de la guerre en Afghanistan, quand la Maison-Blanche, obsédée par le danger que représentait à ses yeux la présence de l’Armée rouge jusqu’aux contreforts de la Khyber Pass, encadrait, armait et formait à tour de bras les farouches guerriers qui allaient constituer peu après l’essentiel des effectifs des talibans puis leur noyau pur et dur, l’internationale du terrorisme qui devait s’illustrer un certain et inoubliable 11 septembre 2001. Pas plus que l’on ne saurait passer dans la colonne des pertes (plutôt que des profits) la désastreuse expédition mésopotamienne qui n’en finit pas d’alimenter en cauchemars les nuits blanches des césarillons du Pentagone.
Et voilà que l’Administration républicaine remet ça avec un dada qu’elle nourrit depuis des années : des raids-éclair visant certains sites iraniens. On peut imaginer le scénario concocté par des généraux désireux de plaire à leurs maîtres politiques : lancer des chasseurs-bombardiers contre des objectifs tels que Natanz et Bouchehr, c’est à la fois venir à bout d’un ambitieux programme, accélérer peut-être la chute d’une théocratie honnie, alléger la pression que celui-ci passe pour exercer à Bagdad à travers l’Armée du mahdi, contrer efficacement la montée en puissance des chiites dans l’ensemble du Proche-Orient et, du même coup, consolider les assises des régimes sunnites en place.
Tout cela, bien qu’un tantinet ambitieux, vous semble-t-il réalisable ? Eh bien, sachez que le projet du Grand Moyen-Orient, incluant une généreuse distribution de la manne démocratique, était tout aussi grandiose au départ. Nous vivons, en ces moments pénibles pour tous, la fin d’une folle illusion à laquelle personne ne croit plus. Personne ? Si, quand même, puisqu’ils sont quelques-uns encore, sur les bords du Potomac, à croire qu’impossible n’est pas américain. Une nouvelle fois, le New Yorker vient de vendre la mèche en dévoilant, sous la signature de son journaliste de choc Seymour Hersh, le pot aux roses. Un dangereux récidiviste que ce prix Pulitzer, bête noire de toutes les chancelleries et de toutes les armées du monde, qui vient de révéler la présence sur le sol de l’antique Perse d’une multitude de James Bond, parlant sans doute un excellent farsi, chargés de repérer de futures cibles, de donner à des chefs de tribu des raisons sonnantes et trébuchantes de se soulever contre les mollahs. Autant de missions initiées l’été dernier, avec le concours actif d’équipes pakistanaises et israéliennes. De tels commandos – relevant du département de la Défense plutôt que de la Central Intelligence Agency, afin de n’avoir pas de comptes à rendre au Congrès, précise l’auteur de l’article –- existeraient en outre dans une dizaine de pays proches, capables de lancer des opérations militaires d’envergure moyenne et même de préparer des attentats terroristes. Lundi, les services de Robert Gates faisaient paraître un communiqué laconique pointant « des erreurs si évidentes qu’elles mettent en pièces la crédibilité de l’information ». La veille déjà, un porte-parole avait qualifié tout l’échafaudage de « faux, trompeur et malfaisant», démentant dans le même temps que « le prochain objectif stratégique soit la République islamique». Ce qui n’empêchait pas une autre source,elle aussi sérieuse, elle aussi « ayant requis l’anonymat », pour reprendre l’expression consacrée, de révéler : « Nous répandons de l’argent autant que nous le pouvons. »
Il est déjà arrivé à Seymour Hersh, dans un passé relativement récent, de faire allusion à un plan d’attaque américain contre le pouvoir en place à Téhéran. À la mi-janvier 2005 puis de nouveau dans les premiers jours d’avril de l’année suivante, il évoquait « un accroissement des activités clandestines US » et « une accélération dans l’élaboration des plans militaires » en vue d’un blitzkrieg d’envergure. Couplées avec les nouvelles sur les renforts récemment envoyés dans les eaux du Golfe – où croisent déjà deux des plus gros porte-avions de la flotte américaine –, ces rumeurs pourraient accréditer la thèse suivant laquelle il pourrait s’agir d’une manœuvre d’intoxication propre à inspirer aux dirigeants iraniens une sainte terreur génératrice d’un début de sagesse. Tout comme il pourrait s’agir d’une sonnette d’alarme tirée par un homme qui n’a pas envie de voir une guerre, encore une, embraser une zone littéralement assise sur un baril de poudre.
L’hypothèse d’une Amérique réédifiant ailleurs ce qu’elle vient à peine de détruire en Irak et d’un État hébreu rêvant de brûler son protégé de la première guerre du Golfe devrait prêter à sourire. Elle glace d’épouvante les plus endurcis des va-t-en-guerre.
Les leçons, c’est à peine un truisme, ne servent à rien si elles ne sont pas retenues. On n’est pas près d’oublier les années de la guerre en Afghanistan, quand la Maison-Blanche, obsédée par le danger que représentait à ses yeux la présence de l’Armée rouge jusqu’aux contreforts de la Khyber Pass, encadrait, armait et formait à tour de bras les farouches guerriers qui allaient constituer peu après l’essentiel des effectifs des talibans puis leur noyau pur et dur, l’internationale du terrorisme qui devait s’illustrer un certain et inoubliable 11 septembre 2001. Pas plus que l’on ne saurait passer dans la colonne des pertes (plutôt que des profits) la désastreuse expédition mésopotamienne qui n’en finit pas d’alimenter en cauchemars les nuits blanches des césarillons du Pentagone.
Et voilà que...
Et voilà que...