Et l’Amérique dans tout cela, que fait l’Amérique...
Actualités - OPINION
LE POINT Mission impossible
Par MERVILLE Christian, le 05 octobre 2006 à 00h00
Les Territoires sont à feu et à sang, livrés aux hélicoptères Apache (le beau nom pour des machines de mort...) qui moissonnent tous les jours leur lot de victimes. L’ombre de la terrible guerre livrée par Israël au Liban, avec la bénédiction affichée du grand frère yankee, continue de planer sur la scène proche-orientale. « Libéré » de la sanglante tyrannie de Saddam Hussein, l’Irak en est encore à se demander à quelle sauce démocratique son nouveau régime va être assaisonné. Pendant ce temps, de l’autre côté du Chatt el-Arab, l’Iran poursuit le développement de son programme nucléaire, insensible aux menaces de sanctions qu’agite une communauté internationale bien incapable, en attendant, de faire respecter ses multiples rappels à l’ordre.
Et l’Amérique dans tout cela, que fait l’Amérique ? Eh bien, elle envoie dans la région le bras droit de son président, le chef de sa diplomatie, Condoleezza Rice en personne, avec pour mission essentielle, dit-elle, de relancer un processus de paix qui n’en finit pas d’agoniser et que même un miracle serait incapable de relancer. Il est évident que la tâche est ardue : rouvrir un dialogue, suspendu depuis des années, entre un Ehud Olmert affaibli par la désastreuse équipée de son armée au Liban – ce n’est pas le Hezbollah qui le dit mais la presse israélienne elle-même et l’ensemble de la caste politique, du Likoud au Kadima en passant par la multitude de minuscules partis qui font l’opinion publique – et un Mahmoud Abbas qui se démène sans grand succès sur plus d’un front, relève de la gageure impossible à tenir. D’autant plus que, depuis quelque temps, les groupes armés, les Brigades d’el-Aqsa en tête, oubliant leur objectif jadis affiché, paraissent reprendre goût au sport éminemment palestinien des combats fratricides.
En l’espace de quarante-huit heures, l’honorable secrétaire d’État a réussi le tour de force de commettre deux erreurs de parcours : d’abord donner la nette impression qu’elle entame sa tournée sans aucun plan détaillé en tête ; ensuite chercher à tout prix à embrigader les pays dits modérés sous la bannière étoilée et les opposer ainsi à leurs frères supposés extrémistes. « Je veux, a-t-elle affirmé à quelques heures de son arrivée à Djeddah, un engagement saoudien au processus de stabilisation de l’Irak ; je veux un engagement saoudien dans la stabilisation du Liban, à travers un appui politique et une aide matérielle. » C’est trop demander au royaume wahhabite ; ce n’est pas assez pour normaliser la situation dans les deux pays concernés. Tout en se défendant de vouloir mettre sur pied une nouvelle coalition, comprenant l’Égypte, la Jordanie et les pays du Golfe – déjà baptisée CCG+2 –, le chef de la diplomatie US n’en a pas moins jugé qu’il s’agit là d’ « un groupe positif, innovateur, qui souhaite promouvoir un environnement de paix dans lequel l’extrémisme et le terrorisme seraient combattus vigoureusement ». Vaste programme, aurait dit, il y a un demi-siècle, le général de Gaulle...
Le rappel au réalisme, point tellement discret, est venu du ministre égyptien des Affaires étrangères, assumant ainsi le relais de son homologue saoudien. Le problème palestinien, voilà le fléau dans cette région, a souligné Ahmad Aboul Gheit à l’intention de la représentante d’une superpuissance qui aurait trop tendance, sous le règne de Bush fils, à l’oublier. Quand elle n’accommode pas à sa façon, quelque peu particulière, la notion de démocratie.
C’est l’étape israélienne qui reste, et de loin, la plus délicate de ce périple, le second qu’entreprend Mme Rice dans la région en l’espace de trois mois. Il s’agit pour la « Dame de fer » de l’Administration républicaine de calmer les ardeurs bellicistes de l’establishment militaire, le général Dan Haloutz en tête, qui se prend de nouveau à ne rêver que plaies et bosses. Plus facile à dire qu’à faire, surtout qu’avec la soudaine et définitive éclipse d’Ariel Sharon, l’effacement progressif (dû à l’âge tout autant qu’au caractère de l’homme) de l’éternel second Shimon Peres, la sainte terreur enfin qu’inspire une relève incarnée par l’opportuniste Benyamin Netanyahu, la scène est en passe de se vider totalement de ce qui constituait sa substantifique moelle politique.
À Washington, des voix s’étaient élevées la semaine dernière pour demander au département d’État de surseoir à ses efforts diplomatiques en attendant les résultats de la consultation électorale du 7 novembre. Cela, c’était avant le triple coup de tonnerre représenté par le désolant bilan irakien, les ravages causés par le dernier opus de Bob Woodward et le triste épisode des escapades de Mark Foley. Condie a préféré allumer un contre-feu. Au risque de se brûler les doigts et, plutôt que de régler les vieux problèmes, d’en créer de nouveaux.
Christian MERVILLE
Les Territoires sont à feu et à sang, livrés aux hélicoptères Apache (le beau nom pour des machines de mort...) qui moissonnent tous les jours leur lot de victimes. L’ombre de la terrible guerre livrée par Israël au Liban, avec la bénédiction affichée du grand frère yankee, continue de planer sur la scène proche-orientale. « Libéré » de la sanglante tyrannie de Saddam Hussein, l’Irak en est encore à se demander à quelle sauce démocratique son nouveau régime va être assaisonné. Pendant ce temps, de l’autre côté du Chatt el-Arab, l’Iran poursuit le développement de son programme nucléaire, insensible aux menaces de sanctions qu’agite une communauté internationale bien incapable, en attendant, de faire respecter ses multiples rappels à l’ordre.
Et l’Amérique dans tout cela, que fait l’Amérique...
Et l’Amérique dans tout cela, que fait l’Amérique...