DISTINCTION Spéculations et rumeurs pour le prix Nobel de littérature 2006

À l’approche de l’attribution du prix Nobel de littérature, les spéculations vont bon train dans les cercles littéraires qui donnent favoris, cette année encore, l’Américain Philip Roth, l’Israélien Amos Oz, le Syrien Adonis ou le Péruvien Mario Vargas Llosa. Fidèle à la tradition, l’Académie suédoise, qui décerne chaque année la prestigieuse récompense depuis la création des Nobel en 1901, fait preuve de mutisme absolu. Chacun y va donc de sa petite idée. « La seule chose qui soit très claire, explicite, c’est que la littérature de témoignage a le vent en poupe », estime Jonas Axelsson, éditeur chez les éditions Bonnier, l’une des plus grosses maisons de Suède. « Nous avons souvent pensé que des écrivains provenant de différentes régions en proie à la guerre pouvaient être primés », explique-t-il à l’AFP, affirmant que pour cette année, « Amos Oz serait très approprié ». Selon cet éditeur, l’attribution du prix au Hongrois Imre Kertész en 2002 puis au Sud-Africain J.M. Coetzee en 2003 révèle l’intérêt de l’académie et particulièrement de son secrétaire perpétuel de l’instance, Horace Engdahl, pour cette « littérature témoignant d’une réalité ». En 2001, pour marquer le centenaire du prix, l’Académie suédoise avait organisé un symposium sur le thème de la littérature de témoignage. Le prix de littérature est le seul Nobel dont on ignore avec exactitude le jour où il est décerné. Le comité dira avec un préavis de 48 heures si ce sera jeudi prochain ou le jeudi 12 octobre. Comme les autres, il est doté d’un montant de 10 millions de couronnes suédoises (1,08 million d’euros). D’après M. Axelsson, le Tchèque Milan Kundera et Philip Roth, un « nobiliaire » cité depuis des années, sont également très bien placés. Pour obtenir le prix, un lauréat doit avoir déjà figuré sur la petite liste de l’académie, explique-t-il. « Je suis certain que ces deux écrivains ont été sur la liste », dit-il. Selon Stephen Farran-Lee, éditeur chez la maison d’édition Norstedts, l’Américaine Joyce Carol Oates « est l’auteure américaine la mieux placée ». Mais pour lui, le poète syrien Adonis, pseudonyme d’Ali Ahmad Saïd Esber, et le Turc Orhan Pamuk sont les favoris. Il exprime aussi son désir de voir récompensé le Japonais Haruki Murakami. « Les choix de l’académie sont devenus moins prévisibles avec les années (...). Dans les années 80, on avait le sentiment qu’ils avaient un ordre du jour (...) établi en fonction des continents, des genres, des sexes (...) maintenant, on ne sait jamais ce qui va se produire », explique M. Farran-Lee. « Ils ont réussi à surprendre le monde entier l’année dernière avec (le dramaturge britannique Harold) Pinter, je suis sûr qu’ils peuvent encore nous surprendre ! » met-il en garde. Alors, dans les milieux littéraires, on cite le Suédois Tomas Tranströmer, le Français J.-M. G. Le Clezio, ou une femme comme l’Algérienne Assia Djebar ou la Britannique Doris Lessing. Selon Gunilla Sandin, responsable du programme du Salon du livre de Göteborg, le plus important de Suède, le sexe n’est pas un aspect pris en compte par les académiciens. « Même s’il ne faut pas fonder son jugement littéraire sur le sexe, il est tout de même temps qu’une femme ait le prix », glisse-t-elle. Le Sud-Coréen Ko Un, le Néerlandais Cees Noteboom, le Mexicain Carlos Fuentes sont eux aussi bien placés au palmarès de la rumeur, tout comme le Britannique d’origine indienne Salman Rushdie et le Polonais Ryszard Kapuscinski. Sur le site de paris en ligne Ladbrokes.com, les parieurs, eux, donnent Orhan Pamuk gagnant à 3 contre 1, devant Adonis (4/1), Ryszard Kapuscinski (5/1), Joyce Carol Oates (6/1), Philip Roth (10/1) et, très loin derrière, l’Américain Bob Dylan (500/1).