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Actualités - OPINION

Citoyen Grognon Toute la misère du monde...

Que fait un petit garçon de 8 ans tout seul à Beit-Méry un lundi matin, à l’heure où les enfants du village sont à l’école ? Quelques billets de loterie à la main, qu’il tente désespérément de vendre, il mendie un millier de livres par-ci, cinq cents par-là. « Que Dieu te garde. Donne-moi un peu d’argent », demande-t-il aux rares passants, l’air suppliant. Débouté, refoulé par les villageois, il continue son chemin et s’en va quémander l’aumône quelques mètres plus loin, à la librairie du coin. Là, même scénario. « Va demander l’aumône à ton chef religieux », lui lance une vendeuse avec ironie, alors que les clientes plongent carrément le nez dans les revues qu’elles convoitent, indifférentes. Peut-on rester indifférent à la misère de cet enfant haut comme trois pommes, sale et déguenillé, jeté à la rue par des parents indignes, contraint à la mendicité à l’âge où d’autres croulent sous les gâteries ? Son quotidien est ponctué de souffrance, de violence, de travail forcé. Lundi dernier, il avait effectué seul le trajet de Nabaa jusqu’à Beit-Méry. Demain, c’est dans d’autres régions qu’il ira, toujours seul, le ventre vide, à la recherche de son gagne-pain. Tous les jours, qu’il pleuve, qu’il vente ou par un soleil de plomb, il n’aura d’autre choix que celui de tendre la main et de supplier, la larme à l’œil, pour tenter d’apitoyer quelque bonne âme. Sujet aux quolibets, à l’ironie, aux réprimandes des gens, à leur violence parfois, il passera des journées entières à errer dans les rues, les mains noires de saleté, le visage saturé de soleil, les cheveux en bataille et si crasseux. Pas question de rentrer chez lui sans quelques milliers de livres dans les poches. Dieu seul sait ce qui l’attendrait alors. L’école ? Il ne sait même pas ce que c’est. Il n’y est jamais allé. Il ne sait ni lire ni écrire. Il sait cependant compter les billets qu’il reçoit, surtout les bleus, ceux de 1 000 LL, mais aussi les roses, ceux de 5 000 LL, qu’il ne reçoit que rarement. Ce jour-là, lundi 12 juin, c’était la Journée mondiale de l’ONU contre le travail des enfants. Mais c’était un jour comme un autre pour ce petit garçon de 8 ans et pour tous ses compagnons d’infortune, quotidiennement contraints au travail forcé ou à la mendicité. Avec, dans leurs yeux, toute la misère du monde. Une misère à laquelle l’État libanais est toujours aussi indifférent. Peu soucieux de célébrer une journée qui ne lui fait pas honneur ! Anne-Marie EL-HAGE

Que fait un petit garçon de 8 ans tout seul à Beit-Méry un lundi matin, à l’heure où les enfants du village sont à l’école ?
Quelques billets de loterie à la main, qu’il tente désespérément de vendre, il mendie un millier de livres par-ci, cinq cents par-là.
« Que Dieu te garde. Donne-moi un peu d’argent », demande-t-il aux rares passants, l’air suppliant. Débouté, refoulé par les villageois, il continue son chemin et s’en va quémander l’aumône quelques mètres plus loin, à la librairie du coin. Là, même scénario. « Va demander l’aumône à ton chef religieux », lui lance une vendeuse avec ironie, alors que les clientes plongent carrément le nez dans les revues qu’elles convoitent, indifférentes.
Peut-on rester indifférent à la misère de cet enfant haut comme trois pommes, sale et...