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Actualités - OPINION

Damas joue au Liban un jeu redoutable de diversion

Une sorte de compte à rebours : on en est à se demander qui va porter le coup de grâce à la Syrie, et comment… Est-ce que cela va venir de la communauté internationale, après un dernier rapport Mehlis ne laissant subsister aucun doute, aucun moyen de couvrir les commanditaires de l’assassinat du président Rafic Hariri… Est-ce que cela va advenir plus tôt, après l’éventuel interrogatoire des six officiers syriens, suivi potentiellement d’une demande d’arrestation… La Syrie tente de s’en tirer en louvoyant, en tentant de poser des conditions. Mais aussi, et surtout, en cherchant à détourner l’attention en direction de la scène libanaise. Cette tactique de diversion s’articule, après une longue vague d’attentats et d’assassinats, sur la provocation de remous économiques et sociaux autant que politiques. Attaquant le gouvernement libanais, dans le prolongement des menaces à peine voilées du président Bachar el-Assad, qui avait, dans son discours, prévenu que si la Syrie devait payer un prix, des pays voisins connaîtraient l’anarchie. Une allusion assez évidente au Liban, maillon faible de la chaîne. Pays où, en outre, la Syrie dispose encore d’appuis solides qu’elle peut instrumentaliser, ce qu’elle ne manque d’ailleurs pas de faire. Visiblement, le régime syrien, et il l’a du reste dit dans son discours, pense qu’il peut encore négocier. Il croit qu’en perturbant la scène libanaise, dont la stabilité importe aux États-Unis comme à la France, ces puissances accepteraient de traiter avec lui, pour qu’il laisse le Liban tranquille. Lui donnant en échange un relâchement de leurs pressions qui l’isolent de plus en plus. Et Washington cesserait de le harceler sur l’Irak, sur la Palestine, sur le Liban ou sur les droits de l’homme. A priori, les Américains ne devraient pas se laisser amadouer. Ils indiquent clairement qu’il n’y a absolument rien à négocier avec la Syrie. Mais la question est différente pour la communauté internationale. C’est vrai que Gambari répète que Damas n’a qu’un seul choix, coopérer. Cependant, il situe son propos sur un plan strictement judiciaire. Politiquement, c’est autre chose. Au Conseil de sécurité, il n’y a pas que les Américains, les Français et les Britanniques. Il y a aussi les Chinois et surtout les Russes. Qui développent une politique de réintroduction d’influence dans la région, par une proximité avec l’Iran et avec la Syrie. Ils font de leur mieux en sa faveur. Ivanov s’est ainsi pointé à Damas, pour se féliciter de la coopération syrienne avec l’enquête internationale. Mais la Syrie devrait réaliser que les Russes, et ils le soulignent toujours, ne veulent pas d’une confrontation avec les États-Unis. Elle devrait également comprendre que même si les Russes parviennent à empêcher des sanctions internationales, son isolement, aggravé par une mise en quarantaine économique par les pays riches, persisterait. En tout cas, cette sourde rivalité entre grands, la Syrie s’efforce de l’exploiter, à travers notamment ses alliés sur la scène libanaise. Elle compte sans doute sur le plus puissant d’entre eux, le Hezbollah. Une formation qui se distingue cependant beaucoup des autres amis de la Syrie. Car si ces derniers n’ont pour leur part plus rien à perdre, vu qu’ils tiraient uniquement leurs avantages du soutien syrien, le Hezbollah, pour sa part, a son propre capital, ses propres calculs et ses propres intérêts, qu’il lui serait difficile de compromettre rien que par gratitude à l’égard de Damas. Le parti a d’ailleurs montré qu’il y a des limites précises à ce qu’on peut lui demander du côté syrien. Il répète ainsi qu’il ne veut ni quitter le gouvernement ni le faire sauter. Il ne souhaite pas que la solidarité des Libanais autour de la Résistance qu’il incarne se trouve ébréchée. Il en a en effet besoin pour contourner la 1559 ou la 1614. Dès lors, il lui faut choisir entre être un ferment de division, en s’engageant définitivement, et à fond, aux côtés des prosyriens dans leur lutte contre la majorité. Ou tenter d’arrondir les angles, d’apaiser les tensions, de promouvoir un dialogue national réfléchi, sans paraître tourner le dos à la Syrie. En continuant, pour montrer à cette dernière sa gratitude, à critiquer le gouvernement, le tracé et les rapports onusiens. Sans aller plus loin, sans agiter la rue. Pour ne pas se voir reprocher de se détourner de l’intérêt national libanais bien compris. Ce qui semble le plus plausible, quand on constate que les Iraniens eux-mêmes, ses grands amis, proposent de leur côté leurs bons offices entre les Libanais et les Syriens. Émile KHOURY
Une sorte de compte à rebours : on en est à se demander qui va porter le coup de grâce à la Syrie, et comment… Est-ce que cela va venir de la communauté internationale, après un dernier rapport Mehlis ne laissant subsister aucun doute, aucun moyen de couvrir les commanditaires de l’assassinat du président Rafic Hariri… Est-ce que cela va advenir plus tôt, après l’éventuel...