Actualités - OPINION
Courrier Quand la « génération du 14 mars » se révolte...
le 18 novembre 2005 à 00h00
À l’AUB, la période la plus attendue, la plus chargée en émotions, est sans conteste celle des élections du SRC (Student Representative Council). Le sujet le plus débattu est donc, dans la plus pure logique, les alliances entre les différents partis en présence. Les indépendants, eux, se retrouvent face à deux options : se présenter seuls, ou avec l’appui de partis… ! Mais dans ce Liban miniature – de par sa grande diversité sociale, culturelle et communautaire – qu’est l’AUB, il leur est impossible de survivre dans cette jungle de menaces, de rumeurs et de machines électorales les unes plus puissantes que les autres. La seule option possible est donc la seconde. Mais, dans ce cas, les candidats indépendants seront très probablement et immédiatement étiquetés et taxés, ad vitam aeternam, de « partisans », chose qui n’est peut-être pas mauvaise en soi, mais qui ne correspond pas à ce qu’ils sont réellement.
Ainsi, ces alliances électorales ont été copiées sur celles conclues cette année pour les législatives, et cela dans le même esprit de rigidité : la « sacro-sainte » alliance-réconciliation Forces libanaises-Courant du futur-Parti socialiste progressiste contre les « brillantissimes » aounistes, souverainistes et patriotiques, mais qui n’ont trouvé à s’allier qu’avec le mouvement Amal, le Hezbollah et le Mouvement du peuple (Haraket el-Chaab).
Il peut par ailleurs paraître utile de signaler que le drapeau fasciste du Parti syrien national social a été brandi dans la partie orange-jaune-vert de la foule, qui scandait
« Berry, Nasrallah, Général » et « Allah, Nasrallah woul dahieh kella ». Sans oublier, bien sûr, les « No Frontiers », indépendants, à vocation marxiste, mais qui ne se sont guère démarqués du lot, puisqu’ils étaient alliés avec le premier camp. Après une longue lutte acharnée de deux semaines – au cours de laquelle beaucoup d’argent a été dépensé – la majorité des sièges au sein du SRC a été remportée d’une courte tête par le Courant du futur et ses alliés.
Coincés entre ces géants, les indépendants peuvent, selon l’humeur, couler ou rattraper le bateau, embarcation bien frêle puisque construite sur un système politique libanais archaïque. En effet, le pouvoir politique partisan étant instauré autour d’une seule et même figure politique – et plus tard autour de sa descendance –, le « culte de la personne » a atteint les universités et les étudiants. Figé, le système ne permet aucune fluidité et les mentalités n’évoluent guère.
Cette génération, celle du 14 mars, souffre d’un effroyable manque de confiance en soi. Elle reprend le plus souvent aveuglément les slogans et la « langue de bois » de ses aînés. Cet enlisement est bien significatif de la « situation politique » à l’AUB : il ne peut rien exister en dehors de l’archaïsme politique libanais. Et cela continuera tant que les jeunes resteront convaincus du système en place.
Le manque d’originalité tue. Il frappe bien fort, puisque cette génération, figée dans ce bourbier qu’est la politique libanaise, oublie qu’elle est l’avenir du pays. Cette « génération du 14 mars » montre qu’elle est désormais incapable de lutter pour la liberté de penser le renouveau, la liberté d’agir pour ce renouveau, et de s’affranchir, ou presque, – on ne vous demande pourtant pas la lune – de toute emprise des politiciens dont le discours est vieux comme le monde.
Ainsi, ces mêmes jeunes qui ont tenu bon des mois durant à la place de la Liberté n’ont prouvé que cela – du moins a l’AUB : toute leur volonté souverainiste n’était en fait dictée que par le sentiment d’obéissance à leurs chefs communautaires. Dès qu’il s’agit pour eux de réfléchir seuls, de peser le pour et le contre des discours de leurs leaders, ils ne sont plus capables d’émettre une pensée cohérente. Ainsi, le mouvement estudiantin aouniste, qui a lutté des années durant contre l’occupation syrienne du Liban, se retrouve à peine quelques mois après le 14 mars, dont il réclame la paternité, à conclure des alliances avec le mouvement Amal et le parti de Dieu qui n’ont, jusque là, renié ni leur amour ni leur sentiment filial vis-à-vis de la Syrie !
Cela n’est pas un appel à la révolte contre la vie partisane ni contre l’ordre établi – ou peut-être si, un peu ! Mais, pour être réaliste, il ne faut pas exiger l’impossible. Ce qu’il faut, uniquement, c’est que les jeunes se rendent compte qu’il existe d’autres options. La jeunesse du 14 mars ne peut pas disparaître ainsi, écrasée par des tonnes de béton brut. Quelle est l’alternative ? C’est d’arrêter de croire tout ce que dit le chef communautaire, d’arrêter de toujours accuser l’autre et de se croire intouchable. L’autocritique est essentielle afin d’arriver à quelque chose de productif.
Une autre option est de créer un nouvel (et nécessaire) espace de dialogue et de rencontre, de citoyenneté, sur de nouvelles bases démocratiques, modérées et innovatrices, bien à l’écart de toutes les luttes politiciennes qui opposent nos chefs.
Quand la « génération du 14 mars » se révolte, elle peut faire des merveilles. Il suffit juste qu’elle recommence à y croire…
Tania ALAM
Étudiante à l’AUB
À l’AUB, la période la plus attendue, la plus chargée en émotions, est sans conteste celle des élections du SRC (Student Representative Council). Le sujet le plus débattu est donc, dans la plus pure logique, les alliances entre les différents partis en présence. Les indépendants, eux, se retrouvent face à deux options : se présenter seuls, ou avec l’appui de partis… ! Mais dans...
Les plus commentés
Un officier de la Finul blessé dans l'attaque d'un convoi dans la banlieue sud de Beyrouth
L’Iran ferme son espace aux avions libanais tant que Beyrouth refuse les siens
Au moins 25 personnes arrêtées après l'attaque contre un convoi de la Finul