Actualités - OPINION
Eclairage - L’ancienne police secrète de Saddam Hussein sème toujours la peur
Par GEORGY Michael , le 13 juillet 2005 à 00h00
Le coup à la porte à minuit appartient au passé. Mais les Irakiens estiment que l’ancienne police secrète de Saddam Hussein, deux ans après la chute du dictateur, est parvenue à recréer une « République de la peur ». La Moukhabarat, calquée sur la police stalinienne, a longtemps paru si omnisciente qu’une simple critique contre le régime, même dans un cadre privé, pouvait valoir à son auteur la prison ou la mort.
Les autorités irakiennes estiment aujourd’hui que les agents de Saddam Hussein ont réagi à l’invasion américaine de mars 2003, puis au démantèlement de l’armée qui les a privés de postes lucratifs, en offrant leur appui financier et logistique aux insurgés. « Il s’agit de gens très intelligents qui savaient qu’ils ne pourraient gagner la guerre contre les États-Unis, donc ils se sont patiemment préparés pour la guérilla », explique un consultant occidental en sécurité. « Ils ont creusé des tunnels et caché des armes. »
Les attentats-suicide qui ont tué plusieurs centaines de responsables irakiens et de membres des forces de sécurité sont le plus souvent attribués à de jeunes combattants étrangers, mais de nombreux Irakiens décèlent dans leur planification, souvent sophistiquée, la signature de la Moukhabarat. « Ils sont capables de mener une surveillance attentive. Ils savent comment rassembler un grand nombre d’informations et peuvent les analyser mieux que quiconque », estime un policier sous le sceau de l’anonymat.
La difficulté de recrutement que connaissent les forces de sécurité irakiennes, constamment prises pour cibles, a sans doute facilité l’infiltration parmi les candidats d’anciens agents du régime baasiste. « À l’époque de Saddam, les gens subissaient une enquête approfondie avant d’entrer dans la police. On les interrogeait sur leur famille, leur histoire et leurs opinions politiques. Désormais n’importe qui peut nous rejoindre », déplore un policier en exercice. « Quelques centaines de dollars suffisent pour être informé du moindre geste des policiers », poursuit-il. Un ancien policier en uniforme a tué en juin au moins trois de ses anciens collègues, membres d’une brigade d’élite, dans leurs locaux de Bagdad.
L’état-major américain estime que le seul moyen de vaincre la Moukhabarat est de la battre à son propre jeu, le renseignement, mais les Irakiens connaissent les risques qu’ils courent en livrant d’anciens baasistes et les policiers sont trop accaparés par leur sort pour mener la chasse à la guérilla. « La clef, désormais, est de tenter de reconquérir ces gens en leur proposant des postes dans les forces de sécurité, l’armée et les autres institutions de l’État, ou en leur offrant les moyens de prendre leur retraite », juge pour sa part Nabil Salim, professeur de relations internationales à l’Université de Bagdad.
Le gouvernement à majorité chiite s’efforce d’inclure des sunnites dans le processus politique en les faisant participer à la rédaction de la Constitution, mais renâcle à intégrer à la police d’anciens agents baasistes, accusés d’avoir trop de sang sur les mains. Le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a récemment accusé les partisans de l’ancien régime d’être à l’origine de l’essentiel des attaques de la guérilla, y compris l’assassinat du chef de la diplomatie égyptienne, pourtant revendiqué par la branche irakienne d’el-Qaëda.
Michael GEORGY (Reuters)
Le coup à la porte à minuit appartient au passé. Mais les Irakiens estiment que l’ancienne police secrète de Saddam Hussein, deux ans après la chute du dictateur, est parvenue à recréer une « République de la peur ». La Moukhabarat, calquée sur la police stalinienne, a longtemps paru si omnisciente qu’une simple critique contre le régime, même dans un cadre privé, pouvait valoir...
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