Au-delà des lamentations...
Actualités - REPORTAGE
Export INDUSTRIE Des textiles libanais plus compétitifs que les chinois sur le marché américain
le 13 janvier 2004 à 00h00
Un industriel libanais qui exporte aux États-Unis des collants, des slips et des T-shirt en coton bas de gamme et concurrence les produits chinois... Impossible? Ce mot n’appartient pas au vocabulaire de Ralph Sayyad, un jeune entrepreneur de 41 ans, qui se fait un plaisir de démentir une à une toutes les idées reçues concernant l’industrie libanaise.
Au-delà des lamentations perpétuelles sur les coûts de l’électricité et l’absence de politique de l’État, le jeune homme prouve que l’industrie libanaise n’est pas condamnée, à condition d’adopter la bonne attitude, c’est-à-dire de savoir prendre des risques calculés. Car si produire suppose d’abord de trouver un marché, ensuite, il faut investir, c’est-à-dire accepter de ne pas encaisser des bénéfices immédiats.
Telle est la méthode que Ralph Sayyad a commencé à appliquer il y a sept ans. Il exporte aujourd’hui vers les États-Unis pour près de 10 millions de dollars de textiles. Et ce n’est qu’un début.
Investissement
L’histoire a commencé dans le New Jersey où, après avoir achevé un MBA de finances, Ralph Sayyad a créé une structure de distribution de bas.
Pour l’alimenter, il s’est tourné vers une usine libanaise, dont les prix étaient trop élevés, ce qui l’a obligé, pour compenser le manque de compétitivité, à démarcher un à un les détaillants américains et élargir ainsi sa clientèle. Au bout de deux ans, il a mis à contribution une deuxième usine et a acheté lui-même la matière première. Ensuite, lorsqu’il a décroché une grosse commande, il a mobilisé d’autres usines encore. Ayant testé sa capacité à répondre à des commandes importantes, l’étape suivante a consisté pour Ralph Sayyad à investir dans le rachat de l’une de ces usines afin d’augmenter sa capacité de production.
Concurrencer la Chine
« Au total, avec mes associés, nous avons investi 1,5 million de dollars et emprunté un million de dollars pour porter la capacité de l’usine de 8000 à 110000 douzaines de collants par mois », dit-il. Le calcul est simple, explique-t-il. Un producteur chinois qui vend un million de bas avec une marge de 50 cents l’unité réalise un bénéfice de 500 000 dollars. « Le seul moyen de le concurrencer c’est de produire des quantités suffisantes pour réaliser des économies d’échelle. La clé de l’export c’est le volume. Or pour faire du volume, il faut investir. »
Résultat, le coût de production des bas de la société libanaise Textile Industry fondée par Ralph Sayyad est équivalent à celui d’un concurrent chinois à 10 % près.
Le prix de la matière première est le même partout, car il est fixé sur les marchés internationaux. La main-d’œuvre intervient de façon marginale. Quant à la production de fil, Ralph Sayyad a décidé de la réaliser lui-même pour faire des économies de 20 %. La légère différence qui subsiste par rapport à la Chine est compensée, à l’arrivée aux États-Unis, par les coûts de transport et, surtout, par le fait que Ralph Sayyad maîtrise lui-même le circuit de distribution sur place.
Diversification
Avec 1,44 million de douzaines de collants vendus par an, soit un chiffre d’affaires à l’export de cinq millions de dollars, Ralph Sayyad a relevé son premier défi : la création de ce qu’il appelle « une unité de production efficiente ». Aller au-delà de 1,6 million d’unités par an ne l’intéresse pas, car ce volume est proche du maximum mondial pour une unité de production, explique-t-il. D’où son autre projet, déjà bien entamé : la diversification. « Mon idée est de créer d’autres produits dont l’écoulement se fera à travers le même créneau de distribution. La conception du premier projet a pris six ans. Celle du deuxième moins d’un an. »
Le deuxième projet a déjà permis d’employer 800 personnes dans les zones rurales, un effectif que Ralph Sayyad espère porter à 2 000 personnes en 2004. Il s’agit de fabriquer des cotonnades (slips T-shirts...). Un travail nécessitant l’emploi d’une main-d’œuvre abondante, car aucune machine n’est en mesure de réaliser toutes les coutures nécessaires.
L’originalité de la chaîne de production imaginée par Ralph Sayyad est qu’elle fait travailler des employées chez elles, à domicile, dans leur village. Chaque couturière reçoit une formation spécifique pendant deux semaines et une machine à coudre. Elles ne sont pas productives avant deux mois, ce qui signifie que leur formation représente un réel investissement. Les maisons d’un même village ou de plusieurs villages avoisinants sont regroupées autour d’un centre qui délivre des kits contenant un code barre, le tissu, le fil, l’étiquette et tout le nécessaire à la fabrication d’une pièce. Celle-ci passe de maison en maison, chacune étant spécialisée dans un type de couture, la dernière maison étant chargée du contrôle qualité. Un deuxième contrôle est effectué au centre, ainsi que des contrôles réalisés au hasard par une équipe itinérante.
Le capital doit suivre
« Nous en sommes déjà à 150000 douzaines d’unités fabriquées par mois, la main-d’œuvre est là pour produire davantage, mais le capital ne suit pas assez vite », explique Ralph Sayyad. Après la région d’Amchit dans laquelle il a commencé la production, le projet devrait s’étendre ailleurs. « Contrairement aux collants, je n’ai pas de problème de plafond, je peux aller jusqu’à faire travailler 7 000 personnes, je resterai plus petit que la plus petite usine chinoise. »
Outre l’expansion régionale, l’industriel compte à terme maîtriser verticalement l’ensemble du circuit de production, en assurant lui-même le tissage et la teinture des tissus. Après le marché américain, il s’intéresse aussi au marché européen. Enfin, Ralph Sayyad s’est attelé à mettre en place un circuit de financement qui pallie l’absence de marchés de capitaux au Liban, car il lui faut de l’argent pour accompagner son expansion qui semble sans limite. « La demande est forte et nous sommes encore tout petits. »
Sibylle RIZK
Un industriel libanais qui exporte aux États-Unis des collants, des slips et des T-shirt en coton bas de gamme et concurrence les produits chinois... Impossible? Ce mot n’appartient pas au vocabulaire de Ralph Sayyad, un jeune entrepreneur de 41 ans, qui se fait un plaisir de démentir une à une toutes les idées reçues concernant l’industrie libanaise.
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