Actualités - CHRONOLOGIE
Les grandes navigations en Méditerranée avant les Grecs
Par BERARD Victor, le 28 septembre 2000 à 00h00
L’histoire écrite de la Méditerranée commence pour nous avec les Grecs. Si haut que nous remontions dans notre notion commune des navigations méditerranéennes, ce sont les Grecs qui en occupent l’arrière-fond. Leurs héros navigateurs nous semblent perdus dans la brume des mythes, dans le crépuscule des dieux. Nous croyons, d’une foi plus ou moins raisonnée, mais assez générale, qu’au commencement il y avait des Grecs et que les Grecs firent tout pour l’aménagement commercial de cette mer : nous rangeons leurs Argonautes en tête des plus vieux conquistadors, dont l’audace ouvrit le chemin des océans mystérieux. À la réflexion, pourtant, des impossibilités apparaissent. L’histoire grecque ne remonte qu’à une dizaine de siècles avant notre ère. Si l’on songe aux milliers d’années des chronologies chinoises, assyriennes ou égyptiennes, cette histoire grecque apparaît comme le début des temps modernes et, vraiment, l’histoire moderne s’ouvre aux guerres Médiques. Est-il croyable que jusqu’à des temps si proches de nous, la Méditerranée n’ait pas eu de navigateurs ? Que l’on examine, même superficiellement, les sites et les conditions de cette mer. La Méditerranée est découpée par les péninsules en un grand nombre de tout petits bassins. Elle a une ceinture de côtes hospitalières, une multitude de rades et de ports, des chapelets d’îles qui sollicitent la curiosité du terrien et créent chez lui l’esprit d’aventures. Elle a un régime de vents stables et modérés. La Méditerranée a ses tempêtes et ses dangers. Mais elle n’a ni les cyclones ni les récifs des grands océans. Pour une période de mauvais temps, qui occupe quatre ou cinq mois de son hiver, elle offre au cours de son été sept ou huit mois de beaux temps presque fixes. Cette alternative de saisons tranchées est faite pour inspirer la confiance aux barques les moins stables. Dressez le compte d’autres avantages encore : voisinage des forêts, abondance des bois résineux et faciles à travailler, absence des marées, faiblesse des courants et, surtout, rareté de ces barres et mascarets qui, dans les océans, dressent un mur entre la batellerie fluviale et la navigation maritime, etc. Conclusion à peu près inévitable : la Méditerranée n’a pu demeurer, des centaines de siècles durant, une mer désertée des hommes, abandonnée aux troupes des oiseaux et des monstres marins. «Les grandes navigations, dira-t-on, n’ont commencé qu’au IXe ou Xe siècle avant notre ère, avec les Grecs, avec les populations actuelles ou leurs ancêtres directs. Car il est des races à qui la navigation et la colonisation sont antipathiques». – Sur le pourtour de la Méditerranée, toutes les humanités, indo-européennes ou sémitiques, grecques ou barbares, franques ou maures, espagnoles ou arabes, turques ou chrétiennes, sont en quelques générations devenues maritimes et navigantes. Arabes et druzes de Syrie, Lazes et Turcs d’Asie mineure, Nègres de Cyrénaïque, Maures et Berbères d’Afrique, latins d’Espagne, d’Italie ou de France, Slaves de Russie ou de Macédoine, à travers tous les changements de civilisation et de races, toutes les humanités méditerranéennes ont été influencées et tournées vers la mer par les mêmes conditions de nourriture et de vie. Le gardien de moutons, en Espagne comme en Grèce, en Italie comme en Asie mineure, vit, durant l’été, sur la montagne ou le plateau. Mais, l’hiver, il doit ramener son troupeau aux pâturages maritimes et, durant de longs mois, il séjourne avec lui au bord des golfes tranquilles, en face de la mer souriante, à quelques brasses de ces îles qui, toutes proches, tentent sa rêverie. Vers ces îles, parfois, une ligne de roches émergées semble faire un pont. Le berger s’embarque. Il découvre les îles côtières. Il les trouve propres à la pâture. Il y transporte des chèvres ou des moutons, qui facilement s’acclimatent, se reproduisent et reviennent à l’état presque sauvage : il n’est besoin ni d’enclos ni de gardiens pour les surveiller ; il suffit de venir à l’époque des fromages ou de la tonte. Peu à peu le berger prend l’habitude de la mer... L’Albanais descendu en Grèce durant le XVIIe ou le XVIIIe siècle devient au début du XIXe le matelot d’Hydra et de Spetzia.
L’histoire écrite de la Méditerranée commence pour nous avec les Grecs. Si haut que nous remontions dans notre notion commune des navigations méditerranéennes, ce sont les Grecs qui en occupent l’arrière-fond. Leurs héros navigateurs nous semblent perdus dans la brume des mythes, dans le crépuscule des dieux. Nous croyons, d’une foi plus ou moins raisonnée, mais assez générale, qu’au commencement il y avait des Grecs et que les Grecs firent tout pour l’aménagement commercial de cette mer : nous rangeons leurs Argonautes en tête des plus vieux conquistadors, dont l’audace ouvrit le chemin des océans mystérieux. À la réflexion, pourtant, des impossibilités apparaissent. L’histoire grecque ne remonte qu’à une dizaine de siècles avant notre ère. Si l’on songe aux milliers d’années des chronologies...
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