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Science et philosophie chez - les Arabo-musulmans
Par CAHEN CLAUDE, le 25 octobre 2001 à 00h00
La production scientifique et philosophique en Orient atteignait son apogée au cours des IXe et Xe siècles. Ses auteurs ayant tous l’ambition d’être omniscients, à la manière des Pic de la Mirandole de notre Renaissance, aucun classement méthodique n’en est possible. Distinguons toutefois deux grandes familles d’esprits : les «philosophes», nom réservé en islam aux penseurs qui partent de la raison et de la sagesse antique ; ceux, au contraire, qui s’appuient sur la foi et n’admettent la raison que pour autant qu’elle vient au secours de leur foi. Philosophes et hommes de sciences ne font généralement qu’un, car la science reste plus orientée vers les problèmes philosophiques que ces derniers ne dépendent d’elle. Entre la science et la technique des diverses professions, au contraire, le contact est imparfaitement établi ; l’observation et l’expérimentation servent sans doute à des mises au point particulières ; elles n’établissent point les bases du travail. Qu’il s’agisse des mesures et des calculs du mathématicien, des recherches de l’astrologue et de l’alchimiste, le savant vise bien des buts pratiques ; mais, encore une fois, les résultats ne conditionnent point l’orientation du travail. À l’inverse des penseurs, répandus dans tout l’islam, on ne voit de savants qu’en Orient, surtout dans l’Iran, même du Nord-Est. Les progrès les plus étonnants sont ceux de la médecine : organisée en corporations, où l’on ne pouvait exercer qu’après examen, elle attire aussi bien juifs, musulmans que chrétiens, telle la fameuse dynastie des Bokhtîchoû nestoriens, héritiers de l’Académie de Djoundichâpoûr. À partir du IXe siècle, tous les gouvernements créent et entretiennent des hôpitaux, remarquables et exceptionnels pour leur temps ; à la cour comme à la ville, le «toubib» est un personnage important. Beaucoup sont réputés pour leurs aptitudes pratiques, dont nous ne pouvons juger. Nous sommes du moins assurés de leur dévouement, comme des progrès empiriquement réalisés en ophtalmologie, en obstétrique, en pharmacologie, comme de la découverte de certains phénomènes, telle la «petite circulation» du sang, entre le cœur et les poumons. Auprès de la postérité, deux noms dominent toute la médecine musulmane : Râzï – le Thazès des traductions occidentales – fameux aussi comme alchimiste, et qui tire son nom de sa ville natale, Rayy, plus tard supplantée par Téhéran (865-925) ; Ibn Sina ou Avicenne (980-1037) de Boukhâra, plus important peut-être comme philosophe, mais d’une influence plus étendue comme médecin, car son Canon, encyclopédie médicale, méthodique et exhaustive, devait rester presque jusqu’à nos jours la bible des médecins d’Orient, et de ceux d’Occident jusqu’à Molière. L’astronomie, trop imbriquée dans l’astrologie, n’en marque pas moins des progrès décisifs. Le point de départ en était, outre Ptolémée, la traduction de recueils sassânides et hindous. Dès le début du IXe siècle, le calife Ma’moûn faisait établir un observatoire à Baghdad, que d’autres suivirent, tel celui du Bouyide Charaf ad-Daoula à la fin du Xe. Les observations faites sur l’écliptique, les éclipses, le mouvement des planètes, la mesure d’un degré de la circonférence terrestre, dans l’hypothèse de la rotondité de la terre, forcent l’admiration, si l’on pense au caractère encore rudimentaire de l’astrolabe et des autres instruments, hérités de l’Antiquité, dont on devait se contenter pour ces recherches. Al-Battânî (877-918) est sans conteste le plus grand nom de cette science : Çabien de Harrân, comme il se doit puisque la religion harrânienne était d’essence astrologique, sa réputation se répandit jusqu’en Occident, où on l’appela Battenius. Bien que les musulmans aient été assez lents à adopter l’usage des chiffres hindous, à numération décimale avec zéro, c’est en définitive eux qui nous les ont transmis, avec les mots même de «chiffre» et de «zéro». Le plus illustre et le plus ancien de leurs mathématiciens, al-Khwârizùî (780-850), né au Khwârizm, près de la mer d’Aral, a donné chez nous son nom aux «algorismes» ou logarithmes, bien qu’il ne les eût pas connus ; mais son principal ouvrage sur les équations, al-Djabr, a transmis au monde le nom et les premières méthodes de l’algèbre. Ses émules cultivèrent également la géométrie, avec des éléments de trigonométrie d’utilité pratique. L’alchimie a moins de consistance à nos yeux, mais passionnait autant les esprits médiévaux. L’élixir, qu’ont cherché tous les alchimistes d’Europe et d’Orient, porte un nom arabe. Cette science eut comme père Djâbir ibn Hayyân, latinisé plus tard en Geber, personnage historique du VIIIe siècle, mais sous le nom duquel nous sont parvenues des œuvres dont la plupart lui sont d’un ou de deux siècles postérieurs.
La production scientifique et philosophique en Orient atteignait son apogée au cours des IXe et Xe siècles. Ses auteurs ayant tous l’ambition d’être omniscients, à la manière des Pic de la Mirandole de notre Renaissance, aucun classement méthodique n’en est possible. Distinguons toutefois deux grandes familles d’esprits : les «philosophes», nom réservé en islam aux penseurs qui partent de la raison et de la sagesse antique ; ceux, au contraire, qui s’appuient sur la foi et n’admettent la raison que pour autant qu’elle vient au secours de leur foi. Philosophes et hommes de sciences ne font généralement qu’un, car la science reste plus orientée vers les problèmes philosophiques que ces derniers ne dépendent d’elle. Entre la science et la technique des diverses professions, au contraire, le contact est...
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