Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Le bateau , un luxe accessible ?

Très longtemps, la possibilité d’acheter ou non un bateau a été considérée comme le symptôme de l’accomplissement financier et social. Le bateau était bel et bien un signe extérieur de richesse. Cependant, le vent tourne et l’accès aux joies de la mer se démocratise. Dans quelle mesure, telle est la question que se posent les professionnels, car comme dans n’importe quel autre secteur, la qualité se paie encore cher. Les joies de la navigation ne semblent plus se réserver à une élite financière. Est-ce à dire qu’au même titre que la voiture, performance, sécurité et confort seront à la portée de tout un chacun à un prix accessible? C’est à voir… Qualité peut-elle rimer avec bon marché? Alain Maaraoui, directeur de Sea Pros, constate : «Le Libanais tient à son confort, mais ne veut pas payer trop cher. Le rapport qualité-prix est très important. Mais un bateau d’excellente qualité reste inévitablement cher, car il demande un gros investissement de temps, de matériel, de main-d’œuvre». Alecco Chiha, directeur de Team 9, ajoute : «Le bateau reste un produit de luxe, le seul au Liban. Pour importer un bateau américain qui coûte 10 000$, j’aurai au moins 4 000 à 4 500$ de frais, qui vont nécessairement se répercuter sur mes prix. Mais le marché de l’occasion est florissant, même si on ne doit pas se permettre d’acheter un bateau de qualité moyenne». «On peut aujourd’hui acheter une moto marine neuve à 7 000$ et goûter les mêmes plaisirs, sinon plus qu’avec un canot, ajoute Roula Kamel, responsable du marketing de Philka. Nous vendons d’ailleurs plus de motos que de bateaux. Toutefois, nous proposons aujourd’hui de petits bateaux canadiens, avec deux moteurs, très sûrs et bien compartimentés, à 18 000$». De plus, l’achat d’un bateau devient envisageable pour les budgets moyens grâce aux systèmes de crédit. Alain Maaraoui propose aussi des crédits sur trois à quatre ans pour des bateaux neufs. La Société Générale Libano-Européenne de Banque a aussi mis au point un produit adapté, Sogémer, qui se propose de financer 70% de l’achat d’un bateau de plaisance dont le prix ne doit pas excéder 70 000$. Toutefois, le prêt est envisageable pour des montants supérieurs si le client avance un apport personnel plus important. L’intérêt correspond à un taux bancaire de 14%. Le client doit présenter un justificatif de revenu, ainsi qu’un dossier précisant les spécificités du bateau. Une assurance perte totale ou tous risques est obligatoire. Ce type d’assurance peut aussi être requis par des marinas comme l’ATCL. Roger Saghbini, adjoint de direction de la clientèle de particuliers, observe : «Le bateau n’est pas une voiture, ou une maison. Il constitue un luxe intéressant une clientèle haut de gamme, même si certains bateaux ne coûtent pas plus cher qu’une voiture aujourd’hui. Mais le système de prêt est de plus en plus populaire, même si la demande reste réduite, d’autant plus que cette dernière est saisonnière. Les gens pensent à acheter un bateau au printemps et nous n’avons octroyé pour l’instant qu’une centaine de prêts, en un an. Notre objectif est la classe moyenne, afin de lui donner accès à ce loisir, même si elle a pour l’instant d’autres priorités». C’est à la demande d’un concessionnaire de bateaux que Sogémer a été élaboré, afin de soulager les trésoreries privées ne pouvant plus supporter les crédits. Des accords ont été passés avec certains concessionnaires, tels que Philka. «Longtemps, les Libanais ont trouvé plus simple de se rendre directement chez le vendeur et payer cash, plutôt que d’aller dans une banque et donner des justificatifs. Mais, aujourd’hui, le système est entré dans les mœurs», conclut Roger Saghbini. Production locale et concurrence La production locale de bateaux libanais constitue une autre option, mais provoque des réactions mitigées. Pour Roula Kamel, «c’est un bon départ. Les produits locaux sont plus accessibles au client». «L’avantage de cette production reste qu’elle est moins chère, explique Philip Kamel. L’importation d’un bateau implique en moyenne une hausse du prix de 15% pour le transport et de 25% pour les douanes. Au niveau de la qualité, nous ne produisons pas au Liban suffisamment pour importer des pièces de qualité à très bon prix. Les trois usines libanaises ne produisent pas plus de cinquante bateaux par an chacune. Il s’agit donc d’une sorte de compromis». Alain Maaraoui déclare : «Cette production n’est pas mauvaise, mais elle a encore beaucoup à faire au niveau des finitions de la coque, même si les moteurs utilisés sont les mêmes... À l’étranger, la fabrication d’une coque peut prendre plus d’un an, en raison de tous les tests effectués. Ce n’en est pas le cas au Liban. Et ces deux produits n’ont pas la même clientèle. Les bateaux importés offrent une sécurité plus importante. Ainsi, nous garantissons à vie la coque de nos bateaux Regal. Au Liban, nous manquons du personnel, de l’équipement et des compétences pour obtenir une production de haute qualité». Par ailleurs, les prix pratiqués localement continuent d’être élevés selon Alain Maaraoui qui poursuit : «Du jour au lendemain, le gouvernement a décidé de protéger la production locale en augmentant les taux de douanes à l’importation. Nous payons actuellement 19% de douanes fixes, plus les frais. Mais les producteurs locaux ont alors augmenté leurs prix. Si bien qu’un bateau que je vends aujourd’hui à 30 000$ trouve son équivalent local à 25 000$. Car chez Sea Pros, nous préférons vendre plus de bateaux en faisant de petites marges que de vendre peu de bateaux avec de grosses marges. Nous avons voulu casser les prix dans l’intérêt du client et dans le nôtre à long terme. Il est inconcevable de faire des bénéfices de 30 000 ou 40 000$ sur la vente d’un seul bateau». «Certains se contentent d’acheter quelques bateaux aux États-Unis pour les revendre au Liban, sans accessoires, sans service après-vente, sans garantie, constate Alecco Chiha. Et le Libanais s’intéressera plus au prix qu’à la qualité et qu’au service après-vente. Par exemple, il y a quelque temps, un revendeur qui a fermé depuis rachetait des bateaux d’occasion à des prix plus élevés que leur valeur, si le client lui rachetait un bateau neuf. Il a fait faillite et les clients se retrouvent aujourd’hui sans garantie, sans pièces de rechange...». Le marché libanais du bateau se cherche encore et demande de la part du client beaucoup de discernement, tant dans son choix du professionnel auquel il s’adresse qu’en ce qui concerne le produit.
Très longtemps, la possibilité d’acheter ou non un bateau a été considérée comme le symptôme de l’accomplissement financier et social. Le bateau était bel et bien un signe extérieur de richesse. Cependant, le vent tourne et l’accès aux joies de la mer se démocratise. Dans quelle mesure, telle est la question que se posent les professionnels, car comme dans n’importe quel autre...