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Chawki Azouri : Résistanse à l'analyse ou résistance à soi
Par J. Je., le 30 avril 1999 à 00h00
Dès qu’il s’agit de parler de la cure analytique et de défendre sa pratique, Chawki Azouri, psychanalyste et psychiatre (l’inverse l’aurait offusqué) se mobilise pour répondre avec beaucoup de passion : «Tant que la résistance à la psychanalyse existera, tant que cette discipline survivra». Une résistance qui est, selon lui, un phénomène subjectif et en même temps universel. Freud a eu trois maîtres, explique Chawki Azouri : Charcot, Breuer et Chrobak qui lui disaient, tous les trois, que les symptômes de l’hystérie – qui se manifestait de manière très grave à l’époque – relevaient des secrets d’alcôve. «Penis normalis dosim répéta tur» ira même jusqu’à lui dire Chrobak, un gynécologue, pour lui signifier que beaucoup de femmes souffrant de symptômes parfois divers guériraient à l’aide de rapports sexuels fréquents. «C’est avec horreur que j’entendais ces phrases-là» écrit par la suite Freud, non seulement horrifié du fait que “ces choses là” qui généralement, n’étaient pas soulevées en public – même dans un milieu scientifique – mais aussi et surtout, enchaîne Dr Azouri, parce qu’inconsciemment, Freud était «dégoûté» de la bisexualité qui couvait en lui. Voilà donc comment Freud lui-même avait résisté à son propre inconscient, nous explique Chawki Azouri, les manifestations de cette résistance étant précisément le dégoût, l’horreur, l’indignation, la moralité. Pour Freud, qui a compris par la suite le sens de son dégoût «pour les choses génitales» surtout lorsqu’il a découvert plus tard ses propres désirs œdipiens, ce sont, précisément, nos pulsions sexuelles et nos fantasmes qui parfois «nous rendent malades de culpabilité ou d’angoisse». Pourquoi résistons-nous ? Eh bien parce que nous avons tout simplement peur, disent les analystes ; une peur atroce de faire remonter à la surface ces pulsions et fantasmes qui peuvent prendre les formes les plus horribles, les plus monstrueuses parfois, et qui sont d’autant plus répulsifs qu’ils contredisent tout ce que la culture nous apprend depuis que nous sommes tout petits. En d’autres termes, rétorque ce sondeur de l’inconscient, si les scientifiques puisent aujourd’hui une argumentation pour “attaquer” la méthode analytique et ses partisans (comme par exemple celle que l’analyse est un processus interminable, fastidieux et coûteux, qu’il ne donne pas les effets requis etc.), la raison en est toute simple, dit-il, «c’est qu’eux-mêmes résistent à leur propre inconscient». Le facteur temps : ami ou ennemi? À l’instar de ses collègues, Chawki Azouri relève que la psychanalyse est foncièrement liée au temps. Cependant, il est indiscutable que la durée d’une cure dessert la thérapie du divan. Un temps que beaucoup de gens trouvent extrêmement long, à une époque où rapidité, productivité et efficacité constituent la trilogie sacrée des temps modernes. Par conséquent, toutes ces personnes en mal d’être ont besoin de devenir ou redevenir fonctionnelles, sereines et productives, tout à la fois, et tout de suite. Il n’y a pas lieu de se payer le luxe d’attendre l’effet d’une analyse où un voyage dans “les profondeurs de l’être” sont requises. Un bon argument en somme aux mains des «scientifiques» qui font fonctionner, très efficacement d’ailleurs, leur patients à coup d’antidépresseurs, tout en leur apportant le soutien thérapeutique requis, dans les cas indiqués. Ce à quoi Dr Azouri répond sur un ton non moins passionné : «Il n’est pas dit que la chimie va régler nos problèmes, encore moins la génétique, que si l’on manipule les gens on va réussir à avoir des êtres normaux. C’est un monde de fous ! Revoyez donc Orange Mécanique !» ( le film de Stanley Kubrick ). En définitive, c’est véritablement un choix de vie, note le psychiatre rebelle. «Je reconnais que les pilules peuvent aider quelqu’un. Mais je dis que c’est une façon de concevoir le monde que de dire “je veux vivre toute ma vie avec du Prozac, ou alors je refuse d’être dépendant d’une pilule et je vais m’interroger sur ce qui m’arrive”». S’interroger sur ce qui arrive, c’est commencer par laisser en paix ce symptôme «au sens noble du terme», c’est-à-dire ne plus chercher à le guérir à tout prix, nous explique Chawki Azouri, puisqu’il n’est que l’expression apparente d’un malaise profond. «Mon but est d’ aider l’analysant à mettre des mots à la place du symptôme en respectant ce dernier comme première tentative d’exprimer la souffrance. C’est cela la thérapeutique».
Dès qu’il s’agit de parler de la cure analytique et de défendre sa pratique, Chawki Azouri, psychanalyste et psychiatre (l’inverse l’aurait offusqué) se mobilise pour répondre avec beaucoup de passion : «Tant que la résistance à la psychanalyse existera, tant que cette discipline survivra». Une résistance qui est, selon lui, un phénomène subjectif et en même temps universel....
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