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Actualités - CHRONOLOGIE

Les raids divisent allemands de l'est et de l'ouest

Dix ans après la chute du Mur de Berlin, les frappes aériennes de l’Otan en Yougoslavie ont rouvert un vieux front idéologique entre Allemands de l’Ouest, bien ancrés dans l’Alliance, et ceux de l’Est, majoritairement hostiles à l’intervention. Les deux tiers des citoyens de l’ex-RDA (63% exactement) réclament un arrêt immédiat des frappes, contre 43% seulement à l’Ouest, selon un sondage de l’institut Forsa réalisé du 8 au 10 avril auprès de 1 500 personnes. La participation de pilotes allemands à l’opération creuse encore un peu plus le fossé, la moitié des Allemands de l’Est (48%) y étant opposés là où une écrasante majorité (70%) de ceux de l’Ouest l’approuvent, ajoute le sondage publié le 15 avril dans l’hebdomadaire allemand Stern. Les Allemands de l’Est, encore imprégnés de 40 ans d’endoctrinement anticapitaliste, ne comprennent pas pour la plupart cette guerre de l’ère post-communiste, décrite dans les médias avec un vocabulaire qui n’est pas le leur. «On nous a inculqué pendant des années que l’Otan était une alliance agressive, qu’elle avait été conçue pour attaquer» le bloc communiste, explique le journaliste est-allemand Jens Bisky, 32 ans. «Après la chute du Mur et la réunification allemande en 1989-90, les gens ont cru que tout cela était terminé», dit-il. Ils se retrouvent subitement confrontés à une armada d’avions de l’Otan jetant des bombes au-dessus de la Yougoslavie, ajoute-t-il. Le courrier des lecteurs des quotidiens est-allemands est de ce point de vue souvent édifiant. Les «politiques et militaires de l’Ouest» y apparaissent comme autant de «va-t-en-guerre» irresponsables, l’Otan comme «l’agresseur». Le chef de file des députés communistes allemands (PDS, héritier du PC de la RDA), Gregor Gysi, très populaire dans l’ex-RDA, n’a fait qu’ajouter au malaise en allant voir le président yougoslave Slobodan Milosevic le 14 avril à Belgrade. Traité de «cinquième colonne de Belgrade» par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, vilipendé par ses collègues du Bundestag, M. Gysi s’est retrouvé en phase avec l’opinion dans l’ex-RDA, où son parti représente d’ailleurs encore 20% des électeurs. Plusieurs rédactions de grands quotidiens berlinois sont elles-mêmes divisées, entre rédacteurs ouest-allemands et est-allemands, sur la manière de présenter la guerre en Yougoslavie. «Du temps de la RDA, l’Ouest n’était rien d’autre que l’empire du mal dans l’imaginaire collectif de la RDA», souligne Bernd Rudolph, politologue à l’Université protestante de Berlin. «Avec la réunification, les Allemands de l’Est se sont retrouvés subitement confrontés sans la moindre transition aux valeurs occidentales», ajoute-t-il. «Ils ont ‘atterri’ en Allemagne, dans la République fédérale, mais pas à l’Ouest», estime-t-il en citant en exemple la forte réticence également des Allemands de l’Est à l’égard de l’euro et des autorités européennes. En revanche, les Allemands de l’Ouest ont eu largement l’occasion dans le contexte de la guerre froide et de l’anticommunisme qui dominait en RFA de s’identifier à l’Union européenne et à l’Otan. Pendant des décennies, les Allemands de l’Est, poussés par l’idéologie communiste en vigueur à l’Est, ont eu l’impression quant à eux de vivre dans la «meilleure Allemagne», celle de «la paix et de la solidarité entre les peuples», souligne Hans-Joachim Maaz, psychanalyste à Halle (est). La RFA, accablée par les scandales sur d’anciens nazis devenus juges, chef de l’État ou chancelier, engoncée dans son bien-être matériel, faisait figure de pays perverti et égoïste. Après 1990, l’euphorie de la réunification a rapidement cédé la place à la frustration dans l’ex-RDA, face à l’explosion du chômage. «Tout cela nous a rendu peut-être plus prudents, moins réceptifs au discours officiel», conclut Ilona Rothe, 49 ans, membre d’une initiative pour la paix à Erfurt (Est).
Dix ans après la chute du Mur de Berlin, les frappes aériennes de l’Otan en Yougoslavie ont rouvert un vieux front idéologique entre Allemands de l’Ouest, bien ancrés dans l’Alliance, et ceux de l’Est, majoritairement hostiles à l’intervention. Les deux tiers des citoyens de l’ex-RDA (63% exactement) réclament un arrêt immédiat des frappes, contre 43% seulement à l’Ouest,...