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Actualités - CHRONOLOGIE

Le bilan contrasté du dernier des Kibboutznik

Yitzhak Ben Aharon, l’ancien chef de la centrale syndicale Histadrout, n’avait pas seulement rêvé d’un Etat juif mais d’une société égalitaire qui verrait la naissance d’un «nouvel homme» juif. Cinquante ans après la création d’Israël, ce vieillard de 91 ans étonnamment pugnace, figure emblématique du mouvement travailliste, doit reconnaître que seule la première partie de ce programme s’est réalisée. M. Ben Aharon incarne une génération disparue de pionniers qui eut une influence marquante en Israël dans les premières années de l’Etat mais a depuis été oubliée. Responsable politique et même ex-ministre, il fut aussi un homme d’appareil, faisant partie du système tout en dénonçant ses tares. «Je n’aurais jamais imaginé qu’Israël décuplerait sa population en cinquante ans et acquerait une telle puissance économique et militaire», confie-t-il. L’envers du décor, c’est que le rêve d’un sionisme socialiste, longtemps incarné par le kibboutz, le village collectiviste, a fait long feu. «Nous étions une avant-garde élitiste, entretenant un véritable culte du travail physique», se souvient M. Ben Aharon qui participa à l’assèchement des marais après avoir débarqué en Palestine en 1928, en provenance de Roumanie. «Nous voulions transformer en ouvriers et paysans, des intellectuels, des commerçants et des jeunes qui avaient grandi sous la férule des rabbins. En fin de compte, cela n’a pas marché», constate-t-il avec quelque amertume. M. Ben Aharon impute cet échec à une série de facteurs, notamment à l’incapacité de la gauche à intégrer les immigrants arrivés massivement après la création de l’Etat d’Israël en 1948. Les rescapés des massacres nazis et les juifs des pays arabes venaient en Israël refaire leur vie. Ils étaient portés par la nécessité. Bien peu songeaient à se transformer en pionniers. Pouvoir corrompu Le drame, selon lui, est que pour ces immigrants démunis, la gauche incarnait un pouvoir souvent corrompu ,et le socialisme, une idéologie des nantis. En outre, note-t-il, la gauche allait creuser sa propre tombe par une politique «antisociale» qui a fait surgir une puissante classe moyenne. «Sous prétexte qu’il fallait avant tout construire l’Etat et attirer le capital privé, la gauche au pouvoir a rogné les acquis ouvriers et imposé lourdement les salaires, alors que les bénéfices boursiers échappaient à toute imposition», s’insurge M. Ben Aharon. Dès 1963, il avait lancé un cri d’alarme à la direction travailliste dans un manifeste au titre évocateur: «Oser changer avant le désastre». Ce Cassandre ne fut pas écouté. Après la guerre de juin 1967, ce nationaliste lucide fut également l’un des premiers à mettre en garde contre la poursuite de l’occupation des territoires arabes. Le meurtre du premier ministre Yitzhak Rabin, victime en novembre 1995 d’un extrémiste juif, ne l’a aucunement surpris. «J’avais en vain prévenu Rabin qu’une telle chose était possible, compte tenu des attaques haineuses de la droite contre lui», affirme-t-il. Il rappelle à ce propos le meurtre jamais élucidé du dirigeant travailliste Haïm Arlozorof à Tel-Aviv, en 1933, après que l’extrême-droite juive se fût déchaînée contre lui dans la presse. Givat Haïm (la Colline Haïm), le kibboutz où il habite au nord de Tel-Aviv, porte précisément le nom de ce dirigeant disparu. M. Ben Aharon y vit dans un deux-pièces spartiate. Comme bien d’autres de kibboutz, Givat Haïm connaît de graves difficultés économiques et la plus grande partie de ses jeunes le quittent après le service militaire. Il reste convaincu que le kibboutz en fin de compte survivra «sous une forme ou une autre», car «l’idéal communautaire ne peut disparaître». (AFP)
Yitzhak Ben Aharon, l’ancien chef de la centrale syndicale Histadrout, n’avait pas seulement rêvé d’un Etat juif mais d’une société égalitaire qui verrait la naissance d’un «nouvel homme» juif. Cinquante ans après la création d’Israël, ce vieillard de 91 ans étonnamment pugnace, figure emblématique du mouvement travailliste, doit reconnaître que seule la première partie de ce programme s’est réalisée. M. Ben Aharon incarne une génération disparue de pionniers qui eut une influence marquante en Israël dans les premières années de l’Etat mais a depuis été oubliée. Responsable politique et même ex-ministre, il fut aussi un homme d’appareil, faisant partie du système tout en dénonçant ses tares. «Je n’aurais jamais imaginé qu’Israël décuplerait sa population en cinquante ans et...