L’Allemagne, la Suède, l’Union européenne (UE) ainsi que plusieurs organisations de défense des droits de l’homme se sont inquiétées au cours des derniers jours du sort de cet intellectuel, Faraj Sarkouhi.
Téhéran a finalement affirmé lundi dernier avoir arrêté et vouloir juger Faraj Sarkouhi, accusé d’avoir tenté de fuir clandestinement l’Iran avec son frère Ismaël le 2 février.
Cette arrestation constitue le dernier épisode d’une longue série de démêlés de Faraj Sarkouhi — déjà emprisonné plusieurs années sous le régime du Shah qui a pris fin en 1979 — avec les autorités islamiques et leurs services de renseignements.
Elle survient alors que les relations irano-allemandes se sont sérieusement tendues après que la justice allemande eut accusé, dans un procès en cours à Berlin, les plus hautes autorités iraniennes d’avoir commandité l’assassinat d’opposants kurdes en 1992.
Cette affaire survient également alors que le régime iranien renforce depuis plusieurs mois sa campagne contre «l’invasion culturelle occidentale» et pour l’islamisation des universités.
Sarkouhi, âgé de 49 ans, a signé en octobre 1994 un appel d’intellectuels pour une plus grande liberté d’expression en Iran, la «pétition des 134».
Son mensuel, Adineh (Vendredi), tiré à environ 30.000 exemplaires, très lu dans les milieux intellectuels, s’efforce de traiter des thèmes sensibles comme la condition des femmes.
«C’est l’un des six ou sept magazines intéressants dans ce pays», selon un intellectuel iranien. Toutefois «on ne voit pas très bien pourquoi le pouvoir en veut à Sarkouhi», assure-t-il.
Mise en scène
Sarkouhi est en effet loin d’avoir la notoriété du philosophe islamiste Abdolkarim Sorouch, figure de proue de la contestation interne et tenu en haute suspicion par le régime.
Fin juillet dernier, Sarkouhi avait déjà été brièvement arrêté par les services de renseignements, avec plusieurs autres intellectuels iraniens invités à dîner chez l’attaché culturel allemand à Téhéran.
Trois mois plus tard, le 3 novembre, il disparaît à l’aéroport de Téhéran alors qu’il s’apprête à prendre un vol pour l’Allemagne. Téhéran, prenant pour preuve coupons de vol et cartes d’embarquement sur Iran Air, jure qu’il est bien parti.
Le 20 décembre, après un mois et demi sans avoir donné signe de vie, Sarkouhi réapparaît dans ce même aéroport, racontant à la presse qu’il était bien en Allemagne.
L’association française Reporters sans frontières dénonce, avec d’autres, un scénario «qui apparaît clairement comme une mise en scène». Le quotidien allemand Tageszetung publie fin janvier une lettre pathétique de l’écrivain dans laquelle il raconte avoir été séquestré à Téhéran par les services de renseignements, et contraint, pour être libéré, de raconter qu’il s’était bien rendu en Allemagne.
Après la nouvelle arrestation de l’écrivain début février, Téhéran a rapidement mis en garde contre toute «ingérence dans cette affaire intérieure».
Jeudi, la presse a été convoquée en toute hâte pour une conférence de presse dans un grand hôtel de Téhéran, tenue cette fois par un homme qui s’est présenté comme le frère de l’écrivain, Ismaël.
Dans ses déclarations, largement rapportées par les médias officiels, il a assuré que son frère s’était bien rendu en Allemagne l’an dernier.
Il a relaté par le menu les pérégrinations supposées de Faraj Sarkouhi en Iran, au Turkménistan et en Europe, et confirmé également l’accusation officielle selon laquelle les deux frères avaient voulu quitter le pays par Bouchehr.
Il a «demandé au guide de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, de pardonner son frère», selon les médias officiels.
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