Il y a sans aucun doute de tout cela et en tout cas M. Berry le dit nettement: la coupe déborde.
Cependant un officiel, commentant les récentes prises de position en flèche du leader d’«Amal» note insidieusement que «la disparition de la troïka serait une perte pour le chef du Législatif, puisqu’à travers ce système il parvient à s’immiscer en fait dans des décisions qui sont du domaine de l’Exécutif. C’est d’ailleurs là qu’au niveau de la démocratie le bât blesse: la troïka gomme en pratique le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et bloque le rôle de censeur vigilant que le Législatif doit assumer par rapport à l’Exécutif».
«Sous l’ancien régime, rappelle ce loyaliste gouvernemental, le pouvoir exécutif était aux mains du chef de l’Etat et les ministres n’étaient en quelque sorte que ses assistants. C’est avec lui que le Parlement devait appliquer la règle de la coopération (sans fusion évidemment) qui ne contredit pas mais complète le principe de la séparation des pouvoirs, comme Taëf est venu d’ailleurs le préciser par la suite. Les nominations étaient alors du ressort de la présidence de la République qui veillait cependant, d’une manière générale, à ce qu’elles se fissent dans un esprit de consensus, autre règle d’or du système composite libanais. Le président de la Chambre y avait une part qui le plus souvent n’était pas plus consistante que celle d’un ministre. Taëf, poursuit cette source, a changé tout cela. Fabriqué par des parlementaires, il a naturellement favorisé la Chambre dont le président obtiendrait désormais dans les désignations une part égale, sinon supérieure, à celle du chef de l’Etat ou du président du Conseil. Et si d’aventure les décrets devaient passer outre à une telle clause implicite, les projets du gouvernement se verraient entravés systématiquement ou totalement dénaturés par des retouches substantielles, lors de leur passage obligé au crible du Parlement. C’est ce qui s’est d’ailleurs produit à plusieurs reprises, un exemple connu restant ce que la précédente Chambre avait fait du projet d’épuration administrative élaboré par le premier gouvernement Hariri».
Calculs
«Dès lors, répète ce responsable, M. Berry pourrait bien être le plus gros perdant dans la disparition de la troïka. Il n’aurait plus sa part d’avantages et les deux autres pôles se la partageraient allégrement. Et il n’est pas dit qu’il pourrait contrôler suffisamment la Chambre pour engager des représailles législatives contre le gouvernement. D’ailleurs sur le papier il lui est pratiquement impossible de gagner un bras de fer qu’il tenterait de mener jusqu’au bout, pour la simple raison que l’Exécutif garde le pouvoir de dissoudre la Chambre...».
A ce propos, il est certain que personne n’envisage d’aller jusque là, car nul n’y trouverait son compte. Selon toute probabilité, bien avant que la crise de relations ne s’envenime autant, les décideurs seraient intervenus en arbitres, à la demande même des protagonistes, comme on l’a si souvent vu.
«Et puis, plaide timidement la personnalité citée, la disparition de la troïka serait-elle une aussi bonne chose que le soutiennent les défenseurs d’une utopique vraie démocratie? Ce système permet de résumer un débat public qui autrement tournerait souvent au chaos, à l’anarchie et au blocage. Quand les trois présidents s’entendent, c’est la cause même qui est entendue et il n’y a plus de difficultés à craindre du côté du Conseil des ministres ou de la majorité parlementaire. Cela permet donc de mettre au point des projets qui risqueraient sinon de se noyer dans les arguties interminables des ministres comme des députés. Il est vrai que les désaccords entre présidents ont le même effet-retard. Mais s’il arrive que trois hommes aient de la peine à s’accorder, que peut-il en être quand ils seraient deux cents dix-huit, nombre total des ministres et des députés...».
C’est là, de toute évidence, un argument assez spéciaux. Le problème reste cependant de savoir non pas si la troïka est morte, mais comment elle meurt: si c’est pour redonner vie aux institutions c’est une chose (bonne); et si c’est pour ouvrir une dispute d’héritage entre membres de la famille, c’est une autre chose (mauvaise). Or c’est malheureusement dans cet esprit même que de toute évidence s’inscrit le faire-part de M. Berry...
E.K.
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