Livres, sondages, émissions de télévision et couverture des hebdomadaires, l’anniversaire de son décès, le 8 janvier 1996, à l’âge de 79 ans, tourne à la nostalgie.
«Nous sommes en pleine Mitterrandolâtrie», soupire l’éditorialiste Max Clos du quotidien de droite «le Figaro», alors que pour Jean Daniel, directeur du magazine de gauche «le Nouvel Observateur», les Français «vénèrent» le président défunt.
Deux Français sur trois ont en effet déclaré, dans un récent sondage, qu’ils gardaient «un bon souvenir» des quatorze ans du règne de François Mitterrand, qui s’est achevé en mai 1995, huit mois avant son décès d’un cancer qu’il avait longtemps caché.
Une majorité pense que son action a été «globalement positive», à la grave exception du chômage, et qu’au panthéon des «grands hommes» de la Ve République, il se place au second rang, derrière son grand ennemi et modèle secret, le Général de Gaulle.
Cette «bonne photographie», que relaie une floraison médiatique sur le président défunt, contraste avec l’actuel discrédit qui frappe le président Chirac, bénéficiant seulement d’un tiers d’opinions favorables, à son vingtième mois de pouvoir.
La presse estime même que M. Chirac, au style de pouvoir beaucoup plus simple, se détermine toujours par rapport à son prédécesseur à qui il avait rendu un hommage émouvant, évoquant publiquement un «lien particulier» et de «l’admiration».
M. Chirac a baptisé en décembre du nom du président Mitterrand la nouvelle grande bibliothèque nationale inaugurée à Paris sur la rive gauche de la Seine, un des «Grands travaux» parfois controversés qu’il lança pendant ses deux mandats.
Pour le politologue Alain Duhamel, auteur d’un ouvrage sur François Mitterrand, le président socialiste «avait donné à la présidence de la République un style de monarchie latine, avec ses rituels, son cérémonial, sa représentation publique de la monarchie républicaine».
Pro-européen convaincu, François Mitterrand a engagé la France dans une ferme alliance avec l’Allemagne, entretenant d’étroites relations avec le chancelier Helmut Kohl. Il fit voter, à une courte majorité, en 1993, les Français en faveur du Traité de Maastricht.
Jean Daniel relève qu’il avait exprimé «l’inconscient collectif des Français», et que les «contradictions, parfois piteuses, de l’ancien président ont été celles de la majorité des Français», y compris pour la période sombre de la Seconde Guerre mondiale.
François Mitterrand, qui était proche de l’extrême-droite dans sa jeunesse, avait fini par s’expliquer sur sa participation à l’équipe collaborationniste du Maréchal Pétain, avant son entrée dans la résistance active contre l’occupation allemande.
Mais il refusa toujours d’admettre la responsabilité de l’Etat français dans la déportation de 70.000 juifs de France, ce que Jacques Chirac fit publiquement peu après son élection à la présidence.
Une autre révélation intime du président Mitterrand choqua beaucoup moins les Français, lorsqu’il admit l’existence «d’une seconde famille» et de sa fille naturelle Mazarine, née hors de son mariage avec Danielle Mitterrand, qui lui a donné deux fils.
Six nouveaux livres sur le président Mitterrand viennent d’être publiés à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, s’ajoutant aux trente livres déjà publiés depuis un an. Tous ont été de formidables succès d’édition, comme celui de Danielle Mitterrand, vendu à un demi-million d’exemplaires.
Dans l’un de ces ouvrages, «Le lion devenu vieux», un des derniers confidents, Georges-Marc Benamou, donne de durs détails sur l’ultime réveillon de François Mitterrand dans sa villa landaise de Latché (sud-ouest), et témoigne des relations difficiles qu’avait l’ancien président avec le nouveau chef des socialistes français, Lionel Jospin.
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