UN «SUCRE»
BAGDAD, 31 Décembre (AFP). — Soukkar, la lionne du zoo de Bagdad, changera bientôt de menu: elle mangera du porc. Les temps difficiles de l’embargo ont légitimé pour le zoo l’élevage du cochon, animal impur chez les musulmans.
«Nourrir Soukkar (sucre en arabe), les deux tigres, les loups et les chiens est un problème, il faut abattre tous les jours un âne pour les nourrir», dit le directeur du zoo, M. Hicham Mohammad Hussein.
Le zoo paie l’âne 10.000 dinars, ce qui ne représente que six dollars, mais correspond quand même à 200 billets d’entrées, fréquentation que le zoo ne peut espérer que les jours fériés.
De surcroît, le zoo a une foule d’autres problèmes découlant de l’embargo imposé par l’ONU à l’Irak depuis son occupation du Koweit, qui prive le pays de ses rentrées en devises pour pouvoir importer des produits.
Assurer la survie des fauves
«Nous manquons de vaccins, d’antibiotiques, de vitamines, de fourrage. Ce dont nous disposons couvre à peine 20% de nos besoins et provient de dons faits par d’autres zoos», affirme M. Hussein.
Pour assurer la survie des fauves, la direction leur a donné de 1991 à 1993 de la viande farcie avec des dattes, mais l’apport calorique restait faible. Alors, l’idée est venue d’élever des cochons, idée peu séduisante pour les musulmans irakiens, mais justifiée par l’extrême nécessité.
«Nous n’avons même pas consulté un religieux, l’important est que les animaux vivent», explique le directeur du zoo. «L’avantage des cochons est qu’ils se reproduisent très vite, ils mettent bas quatre fois par an, six à huit petits chaque fois, nous aurons de la viande à volonté. Le porc est interdit à la consommation pour les hommes, mais pas pour les animaux et il est permis de faire son élevage».
Dans un enclos, les cochons promis aux fauves suscitent peu d’intérêt parmi les visiteurs, toujours méfiants à l’égard de ces animaux.
Morts à cause de l’embargo
Seul un enfant regarde une demi-douzaine de porcelets sautillant ou tétant leur mère, couchée sur le flanc et gémissant de plaisir. Comparé à la laie, le sanglier solitaire dans l’enclos voisin a l’air bien triste.
Saadiya, babouin femelle de 20 ans, semble aussi chagrinée. Accroupie, elle reste impassible aux regards des visiteurs. «Elle a perdu son compagnon l’année dernière», explique le directeur du zoo. «Nous l’avons mise avec un chimpanzé pour briser sa solitude, mais elle l’a rejeté».
A côté de Saadiya, les cages vides se succèdent. «Morts à cause de l’embargo», dit le directeur qui précise que l’établissement comptait en 1990 douze espèces de singes, contre cinq actuellement.
Mais le grand regretté du zoo c’est Hani, le lion. «Il est mort il y a deux ans, touché par une maladie virale», dit Taleb Abdeljabbar, l’employé de 65 ans qui lui donnait à manger tous les jours.
L’administration affirme avoir tout tenté pour sauver la vie du fauve en lui donnant, à défaut de médicaments spéciaux, de fortes doses d’antibiotiques destinés aux humains.
En dernier recours, le zoo de Khartoum, au Soudan, a fait don de Soukkar, la lionne, «pour relever le moral de Hani et le pousser à s’accrocher à la vie», ajoute le vieux Taleb. Mais le lion était trop affaibli et la compagnie de la lionne n’a été qu’un maigre réconfort. Il est mort quelques mois plus tard sans avoir fait de petits à Soukkar.
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