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Culture - Photo

Beyrouth en guerre dans l’objectif d’Edmond el-Khoury

Dans la bibliothèque du musée Nicolas Sursock, 147 clichés nous invitent à une réflexion aussi personnelle qu’universelle sur la complexité du conflit libanais.

Beyrouth en guerre dans l’objectif d’Edmond el-Khoury

Edmond el-Khoury a travaillé pendant 45 ans pour l’agence Dalati & Nohra et a été vice-président de l’Union des photographes libanais entre 1994 et 1997. Image fournie par le musée Nicolas Sursock

Pas besoin d’avoir vécu la guerre civile libanaise pour reconnaître son reflet dans les clichés d’Edmond el-Khoury, exposés dans la bibliothèque du musée Nicolas Sursock. En noir et blanc, au format moyen ou en 13 x 18 centimètres, les 147 images parlent d’elles-mêmes d’un passé qui continue de nous définir aujourd’hui. C’est de là que vient le titre de l’exposition « Un message sans code », « parce que c’est un message clair, qui n’a pas besoin d’être décrypté », explique Rowina Bou Harb, directrice des archives au musée.

Pour illustrer l’épisode le plus sanglant de l’histoire moderne de Beyrouth, le photographe professionnel a immortalisé de tout : des enfants, des blessés, des morts, des décombres… mais aussi des mariages célébrés pendant une brève trêve, des combattants acharnés fêtant une « victoire », des amateurs de ski sur les pistes enneigées ou encore Julio Iglesias dans les coulisses de l’un de ses trois concerts à Beyrouth.

147 clichés sur la guerre du Liban. Photo avec l'aimable autorisation du musée Sursock

Le puzzle commence par une pièce

Edmond el-Khoury a travaillé pendant 45 ans pour l’agence Dalati & Nohra et a été vice-président de l’Union des photographes libanais entre 1994 et 1997. Il fut également le photographe officiel du palais présidentiel entre 1976 et 1990, couvrant ainsi trois mandats consécutifs (Élias Sarkis, Bachir Gemayel, Amine Gemayel), ainsi que la période du gouvernement militaire de Michel Aoun. De ce fait, la quasi-totalité de ses images à cette époque ont été prises à «Beyrouth-Est ».

Près de vingt ans après la mort du photojournaliste, c’est son petit-fils, Antoine Maalouf, qui décide de sortir les archives photographiques de son grand-père du grenier. « Nous ne voulons pas que les images prennent un tournant politique ou soient instrumentalisées, mais qu’elles servent plutôt à des fins éducatives et de recherche », affirme Maalouf à L’Orient-Le Jour. Pour lui, « les livres qui racontent l’histoire libanaise s’arrêtent là où ils devraient commencer » et, aujourd’hui, « il est de notre devoir de partager tout ce qui peut l’être ». Confier le travail de son grand-père à l’équipe du musée Sursock est donc une façon de participer à la construction de notre mémoire collective. « Un petit pas de plus vers une vraie réconciliation. »

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Comment choisir parmi les 1 000 photos livrées par la famille quand elles racontent toutes la même tragédie, prises par un seul et même regard ? Mais surtout, comment exposer cette sélection tout en mettant en valeur la singularité de chaque scène figée par l’objectif d’Edmond el-Khoury ? Pour Rowina Bou Harb et Ghassan Salem, qui ont relevé ce défi, la logique de « ce qui se ressemble s’assemble » a guidé le travail.

Tout au long de la bibliothèque, des planches regroupent ainsi les images analogues, selon une similarité thématique ou technique (angles, perspectives, etc.). Le parcours débute avec des clichés du centre-ville déchiré par les lignes de démarcation. Suivent des images de destructions, de murs effondrés, étrangement similaires à celles qui ont envahi nos téléphones et nos esprits après l’explosion au port en 2020. Plus loin, une planche met côte à côte les miliciens de différents partis : des hommes et des femmes qui n’avaient sans doute jamais rien partagé… avant de se retrouver à Sursock.

Pour l’instant, ces images ne sont ni indexées ni légendées. Afin de rendre l’exposition éphémère aussi informative que marquante, le département des archives y a ajouté sa contribution. Entre les différents ensembles, on trouve des QR codes qui éclairent le visiteur tant sur la technique que sur le contexte historique de certains clichés. Des publications disponibles dans la bibliothèque complètent ou contrastent l’héritage d’el-Khoury. Par exemple, puisque la majorité des photos ont été prises à Beyrouth-Est, un livre intitulé Les Enfants de la guerre rappelle des scènes de Beyrouth-Ouest. Sur une autre table, La Guerre des graffitis de Maria Chakhtoura, journaliste reporter et ancienne cheffe du service culturel à L’Orient-Le Jour, aide les visiteurs à identifier les logos des différents partis sur les uniformes des combattants. Enfin, sur un ordinateur équipé d’un casque, un documentaire réalisé par Fighters for Peace permet d’entendre la photojournaliste Aline Manoukian raconter les difficultés rencontrées par les photographes en période de conflit – une manière de nous plonger dans l’univers d’Edmond, qui n’est plus là pour témoigner lui-même.

La bibliothèque du musée Sursock abrite les archives du photographe Edmond el-Khoury. Photo avec l'aimable autorisation du musée Sursock

Un chantier en marche

Le dépôt de la famille d’Edmond el-Khoury ne pouvait mieux tomber. Chaque année, le musée est censé organiser une activité dans le cadre de la Semaine internationale des archives, qui commence le 9 juin. Une coïncidence parfaite, qui amplifie ce message sans code.

Mais le travail autour de ces précieuses archives ne s’arrête pas avec la fin de l’exposition. Objectifs de la phase 2 : indexer, numéroter, dater, classer dans des enveloppes, numériser… « Ce n’est qu’en ayant une vue intégrale et organisée de la collection que nous pouvons définir les thèmes qui en émanent », explique Rowina Bou Harb. Mais pour cela, il faut encore trouver un personnel qualifié… et un budget adapté.

L’exposition « Un message sans code » est visible dans la bibliothèque du musée Nicolas Sursock jusqu’au 21 juin.

Pas besoin d’avoir vécu la guerre civile libanaise pour reconnaître son reflet dans les clichés d’Edmond el-Khoury, exposés dans la bibliothèque du musée Nicolas Sursock. En noir et blanc, au format moyen ou en 13 x 18 centimètres, les 147 images parlent d’elles-mêmes d’un passé qui continue de nous définir aujourd’hui. C’est de là que vient le titre de l’exposition « Un message sans code », « parce que c’est un message clair, qui n’a pas besoin d’être décrypté », explique Rowina Bou Harb, directrice des archives au musée.Pour illustrer l’épisode le plus sanglant de l’histoire moderne de Beyrouth, le photographe professionnel a immortalisé de tout : des enfants, des blessés, des morts, des décombres… mais aussi des mariages célébrés pendant une brève trêve, des combattants acharnés...
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