(De g. à d.) Cette combinaison d'images créée le 29 mai 2025 montre la Première ministre italienne Giorgia Meloni, lors de l'arrivée du vice-président américain JD Vance au Palazzo Chigi le 18 avril 2025, et le président français Emmanuel Macron lors de la signature d'une lettre d'intention au palais présidentiel de l'Elysée à Paris, le 23 mai 2025. Photo Gildas Le Roux, Alberto Pizzoli et Thomas Samson /AFP
Chacun susurre à une oreille de Donald Trump : Emmanuel Macron sur l'Ukraine, Giorgia Meloni sur les droits de douane. Mais entre les dirigeants français et italienne, souvent en rivalité, le dialogue est compliqué. Tentative de rabibochage mardi soir en tête-à-tête à Rome.
Le président français, qui revendique l'initiative de cette visite, se rend en fin d'après-midi dans la capitale italienne pour un entretien et un dîner avec la Première ministre. L'Italie est « un partenaire important » avec « un rôle crucial à jouer dans les décisions européennes », notamment dans le conflit ukrainien, a expliqué la présidence française à la presse. Ce rendez-vous doit permettre de vérifier que « nous sommes bien capables d'avancer ensemble sur l'essentiel », a-t-elle ajouté. Une source gouvernementale italienne espère de son côté « poser les bases d'un nouveau renforcement des relations » entre ces deux pays « en première ligne sur les différents fronts de la politique internationale ».
Vendredi, Giorgia Meloni avait reconnu des « divergences » tout en les minimisant et en réfutant tout « problème personnel » avec Emmanuel Macron. « On fait beaucoup de mousse sur ce sujet », a-t-elle ironisé, se disant « très heureuse » de cette visite. La volonté affichée est donc d'aplanir les désaccords. Mais en termes d'affichage, celui de Rome sera minimal: sur le programme, aucune apparition commune devant les caméras, encore moins de déclaration à la presse.
Depuis 2022, année de la réélection d'Emmanuel Macron, le progressiste pro-européen, et de la victoire électorale de la nationaliste Giorgia Meloni à la tête d'une coalition entre la droite et l'extrême droite, la relation n'est pas simple. Mais les intérêts communs, à commencer par le soutien inconditionnel à l'Ukraine, ont longtemps permis de surmonter deux visions divergentes de l'Europe, d'autant que la Première ministre italienne, issue du post-fascisme, a fait le pari de peser à Bruxelles plutôt que de bouder les institutions européennes.
« Rivalité incontestable »
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, en janvier, a bousculé ces équilibres. « Il y a une rivalité incontestable », relève Marc Lazar, professeur à Sciences-Po à Paris. Les deux dirigeants ont adopté des « stratégies différentes » à l'égard du président américain, « médiation et compromis » pour l'Italienne, « fermeté sans rupture » pour le Français, dit à l'AFP ce spécialiste des relations transalpines. Selon lui, le gouvernement italien « pense que parce qu'il est proche idéologiquement de l'administration américaine », « il va pouvoir la faire reculer sur les tarifs commerciaux ».
Or, côté français, si l'on dit « respecter » que chacun puisse « entretenir avec le président Trump la meilleure relation possible », on insiste sur le fait que les négociations commerciales relèvent de la Commission européenne -- comme pour dénier à Giorgia Meloni un vrai rôle de médiatrice. Emmanuel Macron se pose à contrario en leader européen sur le dossier ukrainien, parlant à Donald Trump très régulièrement, en invoquant la relation nouée lors du premier mandat du milliardaire républicain. Et sa volonté de bâtir une « coalition des volontaires » prêts à apporter des « garanties de sécurité » à l'Ukraine, voire à y déployer des troupes dans le cadre d'un futur accord de paix avec la Russie, a troublé l'entente qui régnait jusque-là entre Rome et Paris sur ce sujet.
Ces dernières semaines, le déplacement à Kiev du président français avec les dirigeants britannique, allemand et polonais, mais sans Giorgia Meloni, puis la réédition de ce format en marge d'un sommet européen en Albanie, a fait éclater les bisbilles au grand jour. « Entre Européens, la question des formats doit être gérée selon le principe du meilleur impact que l'on peut avoir selon les circonstances », évacue l'Elysée. Sur le fond, la France relève que l'Italie, comme d'autres, « a toujours insisté » sur « la participation des Américains à ce dispositif ».
Pour Marc Lazar, les diplomates français minimisent le rôle italien en partant du principe que la France « est une puissance nucléaire, qui siège au Conseil de sécurité de l'ONU », et est donc déjà moins dépendante des États-Unis. Les convergences s'annoncent d'ailleurs difficiles sur ce sujet sensible, d'autant qu'un conseiller d'Emmanuel Macron a balayé la proposition italienne d'octroyer à l'Ukraine la protection prévue à l'article 5 du traité de l'Otan sans la faire adhérer à l'Alliance atlantique elle-même, pour contourner l'opposition russe et américaine. « C'est une formule qui mérite sans doute d'être discutée, mais dont la mise en œuvre est sans doute difficile, ne serait-ce que parce que si l'administration Trump refuse l'adhésion de l'Ukraine, c'est précisément parce qu'elle ne veut pas mettre en œuvre l'article 5 au profit de l'Ukraine », a dit ce conseiller.