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Culture - Rétrospective

Huguette Caland fait son entrée – par la grande porte – au musée Reina Sofia à Madrid

Une rétrospective d’envergure, couvrant les cinq décennies de production de cette figure majeure de l'art libanais, vient d’être inaugurée dans la prestigieuse institution ibérique. Elle y occupe 12 salles jusqu’au 25 août.

Huguette Caland fait son entrée – par la grande porte – au musée Reina Sofia à Madrid

Huguette Caland, un regard affranchi des conventions limitatives en art comme dans la vie. Photo L'Or Iman Puymartin

Comme beaucoup de femmes artistes de sa génération, il aura fallu du temps à Huguette Caland, née en 1931 et décédée en septembre 2019, pour que son talent et l’importance de son art soient enfin reconnus. Car ce n’est que dans les toutes dernières années de sa vie, avec sa participation à la 57e Biennale de Venise en 2017, que le travail de celle qui a embrassé la peinture dès l’âge de 16 ans comme une vitale expression d’émancipation acquiert une reconnaissance internationale. Aujourd'hui, largement représentée dans les collections des plus grands musées d'art contemporain du monde, on retrouve ses œuvres, entre autres, au Hammer Museum et au LACMA à Los Angeles, au MoMA et au MET à New York, au Centre Pompidou à Paris, à la Tate Modern et au British Museum à Londres ou encore à la Sharjah Art Foundation. Cela sans compter les expositions qui lui sont consacrées de manière régulière, voire quasi ininterrompue, dans les grandes galeries et les musées d’Europe, du Moyen-Orient et des États-Unis, la richesse de production de cette artiste libanaise à l’audacieuse liberté ainsi que le renouvellement périodique de son travail offrant amplement aux curateurs de quoi puiser chez elle diverses thématiques à proposer à leurs publics. À titre d’exemple, le galeriste parisien Kamel Mennour présentait cet automne une sélection d’œuvres des « Années parisiennes (1970-1987) d’Huguette Caland » et ses fameuses peintures érotiques Bribes de corps, qui voyagent de cimaises en cimaises à l’international, sont attendues en avril au Arts Club de Chicago.

Une vue de l'exposition « Huguette Caland : A Life in a Few Lines » à Madrid. Photo musée Reina Sofia


Un « Soleil rouge/Cancer » comme point de départ

Si l’art de Caland est régulièrement mis à l’honneur dans des expositions individuelles ou collectives à travers le monde, celle que lui consacre le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia à Madrid – en collaboration avec le Deichtorhallen Hamburg – est, semble-t-il, la plus importante qui lui ait été organisée en Europe jusque-là.

Et pour cause, il s’agit d’une rétrospective d’envergure courant sur six mois pleins (du 19 février au 25 août 2025) et couvrant, à travers plus de 280 peintures, sculptures, dessins, œuvres en papier maché ou sur textiles, les cinq décennies de travail de cette artiste à la créativité prolifique.

« Le Grand bleu » , 2012. Collection privée. Avec l'aimable autorisation du Fonds Huguette Caland


Déployé sur 12 salles du musée d’art moderne et contemporain madrilène, le corpus de pièces choisies par la curatrice et historienne d’art Hanna Feldman dresse un panorama complet de l’œuvre de cette artiste indissociable du récit de sa vie. Une femme libre qui a résolument enfreint les conventions esthétiques, sociales et sexuelles de son époque et des différents lieux où elle a vécu. Et cela depuis son premier tableau, le presque monochrome Soleil rouge/Cancer, peint en 1964, et dans lequel elle évoquait tout à la fois une impression de renouveau et la perte de son père, le président de la République libanaise Béchara el-Khoury, décédé d’un cancer.

Sauf qu’au-delà de ces lectures rapides « fondées exclusivement sur son attitude libertine, son esprit provocateur et son déracinement cosmopolite (…) », la curatrice de l’exposition (titulaire de la chaire Keith L. et Katherine Sachs d'histoire de l'art contemporain de l'Université de Pennsylvanie) propose « un nouveau récit autour de la pratique d’Huguette Caland, (…) montrant une artiste profondément connectée à la communauté, à la communication et à l’idée de chez-soi ». Et mettant en lumière « un travail qui explore les notions de genre, de corps, d’appartenance, d’amour, de vieillissement et de personnalité, le tout en opposition avec les courants géopolitiques plus larges d’un monde décolonisé et néolibéralisé ». Et cela à travers une sélection de pièces tirées de ses séries les plus célèbres, comme les érotiques Bribes de corps ou les singuliers Caftans, mais aussi d'autres moins connues, comme celle de ses autoportraits, ou encore L’Argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue largement, ironique dénonciation de la monétarisation du marché de l’art et de la précarité financière des artistes…

« Guerre incivile », une peinture réalisée par Huguette Caland en 1981 en pleine guerre libanaise. Avec l'aimable autorisation du Fonds Huguette Caland


Organisée de manière chronologique, cette rétrospective intitulée « Huguette Caland. A life In Few Lines » («Huguette Caland. Une vie en quelques lignes»), accompagnée d’une publication signée par plusieurs critiques d’art, emporte les visiteurs dans une découverte progressive des différentes phases artistiques et personnelles qu’elle a traversées. S’ouvrant et se clôturant à Beyrouth, la scénographie de l’exposition suit ainsi l’itinéraire des déplacements et des lieux de résidence de l’artiste, et leur conséquence sur sa production. Avec sa succession de périodes picturales imprégnées d’abord de l’esprit sixties vécu dans une tumultueuse capitale libanaise avant la guerre civile, puis du libéralisme utopique de Paris où elle s’installe dans les années 1970 /1980, ensuite de la scène artistique bohème de Los Angeles, concentrée à Venice Beach, où Caland résidera des années 1990 jusqu’au début des années 2000 avant son retour au bercail, dans un Liban où elle tente de retrouver le charme des souvenirs d’enfance et sa luminosité méditerranéenne.

Les œuvres de Huguette Caland occupent 12 salles au musée Reina Sofia à Madrid. Photo musée Reina Sofia


L’importance de la ligne dessinée et peinte

Une personnalité artistique « plus grande que nature » (Larger than Life), dont la vie et l’œuvre ne peuvent se résumer en quelques lignes, contrairement à ce que pourrait le laisser supposer une fausse lecture du titre de cette rétrospective. Alors que pour la curatrice de « Huguette Caland. Une vie en quelques lignes », il s’agissait de mettre l’accent sur l’une des « caractéristiques indéniables de la qualité du travail de Caland qu’est la ligne dessinée et peinte », indique-t-elle dans sa note d’intention. Signalant que « ses dessins à la ligne sinueuse trouvent leur origine dans les cours qu’elle a suivis à l'Université américaine de Beyrouth, auprès de John Carswell, artiste et islamiste amateur qui l’a initiée à l'art de la « ligne continue », consistant à faire des dessins sans lever le crayon ou le stylo du papier jusqu'à ce que l'idée ou le concept (…) ait été résolu », elle rapporte qu’au cours de l’une de ses dernières interviews, Huguette Caland avait confié sa croyance en « une ligne unique qui traverse l'univers ». « C'est ma grande fantaisie... » disait-elle. « C'est une ligne élastique et totalement imaginaire. Pour moi, elle existe. Chaque fois que l'on fait un croquis, on emprisonne cette ligne, puis on la laisse partir. »

Huguette Caland, « Visages », 1979. The Museum of Modern Art, New York. Don de Sandra et Tony Tamer, Anonymous, Xin Zhang, Lonti Ebers et The Modern Women’s Fund, 2021. Avec l’aimable autorisation du fonds Huguette Caland


Après Madrid, Hambourg

Vu sous cet angle, le corpus d’œuvres présenté révèle donc, en sus des différentes phases formelles de l’œuvre de Caland, « ses ressources et stratégies visuelles construites sur les couleurs, les formes, les lignes, les grilles ou la répétition des figures, ainsi que sur les mots et les lettres qui apparaissent dans son travail », développe Hanna Feldman.

Des références linguistiques qui, parcourant de manière feutrée les premières œuvres de Caland, vont atteindre leur apogée de pure expression linéaire dans la série Silent Letters. Une suite de grandes œuvres sur papier entamée dans les années 2000 et qui, de la manière la plus minimaliste possible, raconte son histoire de vie… en quelques lignes.

Lire aussi

Les années parisiennes d’Huguette Caland, entre érotisme et humour

À découvrir jusqu’au 25 août au Muséo Reina Sofia, si vous avez la chance de vous trouver à Madrid. Ou encore à partir du 25 octobre 2025 au Deichtorhallen à Hambourg, où « Huguette Caland. A life In Few Lines » se déplacera jusqu’au 6 avril 2026. Avec une version augmentée « d’une vingtaine d'œuvres en provenance de collections libanaises qu'il n'a pas été possible d'inclure à Madrid à cause de la guerre », signale Brigitte Caland, la fille de l’artiste.

 

Les célèbres caftans signés Huguette Caland exposés au musée Reina Sofia à Madrid. Avec l’aimable autorisation du fonds Huguette Caland


 

Huguette Caland, sa vie résumée en quelques lignes
Née à Beyrouth en 1931, Huguette Caland (née el-Khoury) suit ses premières leçons de peinture à l’âge de 16 ans avec Manetti, un artiste italien résidant au Liban. À la suite du décès de son père, le président Béchara el-Khoury, l’un des pères de l’indépendance libanaise, Caland décide de poursuivre son rêve de devenir artiste. Après quatre années d’études en beaux-arts à l’Université américaine de Beyrouth, Caland s’installe à Paris en 1970. Libérée des obligations sociales, elle peut s’épanouir et rencontrer de nombreux artistes contemporains. En 1987, elle emménage en Californie où elle crée l’atelier de ses rêves. Huguette Caland s’est éteinte le 23 septembre 2019, au Liban à l’âge de 88 ans.
Comme beaucoup de femmes artistes de sa génération, il aura fallu du temps à Huguette Caland, née en 1931 et décédée en septembre 2019, pour que son talent et l’importance de son art soient enfin reconnus. Car ce n’est que dans les toutes dernières années de sa vie, avec sa participation à la 57e Biennale de Venise en 2017, que le travail de celle qui a embrassé la peinture dès l’âge de 16 ans comme une vitale expression d’émancipation acquiert une reconnaissance internationale. Aujourd'hui, largement représentée dans les collections des plus grands musées d'art contemporain du monde, on retrouve ses œuvres, entre autres, au Hammer Museum et au LACMA à Los Angeles, au MoMA et au MET à New York, au Centre Pompidou à Paris, à la Tate Modern et au British Museum à Londres ou encore à la Sharjah Art...
commentaires (2)

Mme Feldman a t elle connu Hughette? Ses commentaires ne nous le disent pas.

T P N

12 h 38, le 03 mars 2025

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Commentaires (2)

  • Mme Feldman a t elle connu Hughette? Ses commentaires ne nous le disent pas.

    T P N

    12 h 38, le 03 mars 2025

  • Hum une certaine ha haraoui doit en être jalouse

    Zampano

    02 h 44, le 03 mars 2025

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