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Culture - Entretien

Georges Khabbaz à la Berlinale : J’ai la fierté d’avoir porté mon identité à l’international

À l’affiche de « Yunan », réalisé par Ameer Fakher Eldin et dont la première a eu lieu mercredi dans le cadre de la compétition officielle de la 75e édition du Festival du film de Berlin, l’acteur et scénariste libanais revient sur son expérience pour « L’Orient-Le Jour ».

Georges Khabbaz à la Berlinale :  J’ai la fierté d’avoir porté mon identité à l’international

Georges Khabbaz à la première de « Yunan » pendant la 75e édition de la Berlinale, le 19 février 2025. Photo Jens Koch

« Un cadeau. » C’est ainsi que Georges Khabbaz décrit le rôle de Mounir, qu’il incarne dans Yunan. Complexe et subtil, contemplatif et poétique, l’acteur et scénariste libanais nous livre une puissante performance dans ce drame écrit et réalisé par Ameer Fakher Eldin. Ce long-métrage suit un écrivain arabe résidant à Hambourg et qui décide de s’isoler sur une île allemande afin de mettre fin à ses jours. Une histoire qui fait écho à celle du réalisateur : né à Kiev en 1991 et aujourd’hui basé à Hambourg, il est originaire du Golan syrien occupé. Un parcours marqué par la recherche sur son appartenance et son pays, la Syrie, qu’il n’a jamais pu visiter. Après son premier film Al-Garib (The Stranger, 2021), Yunan est ainsi le second volet d’une trilogie qu’il dédie au thème de l’exil. On y découvre un Georges Khabbaz germanophone, solitaire et à même de faire briller son jeu d’acteur par-delà les silences et les frontières. L’acteur multiprimé forme ainsi un attendrissant duo avec l’actrice allemande Hanna Schygulla, qui joue le rôle de Valeska, cette mystérieuse hôte qui le prend sous son aile. Dans la quête de Mounir, on retrouve également un autre poids lourd du théâtre libanais, Nidal al-Achkar, dans le rôle de sa mère et dont la relation prend le spectateur aux tripes. Sélectionné dans la compétition officielle pour la 75e édition de la Berlinale, Yunan a été projeté pour la première fois en salle. De passage dans la capitale allemande, Georges Khabbaz se confie à L’Orient-Le Jour sur cette aventure internationale.

Comment avez-vous vécu la sélection de « Yunan » à la Berlinale ?

C’est une très belle expérience, tout cinéaste espère voir son film projeté pour la première dans un tel festival de première catégorie, et d’autant plus en compétition officielle. Cela me rend très heureux. C’était aussi le seul film arabe dans la compétition : l’histoire porte sur un héros arabe tandis qu’une grande partie parlée du film est en arabe. J’ai aussi la fierté d’avoir porté mon identité à l’échelle internationale et j’estime que c’est ce que nous avons tous fait au sein de l’équipe grâce à Yunan. Le crédit revient à Ameer Fakher Eldin qui a créé ce chef-d'œuvre.

Des membres de l'équipe du film « Yunan » comprenant la productrice Dorothe Beinemeier, les actrices Nidal al-Achkar, Sibel Kekilli, les acteurs Tom Wlaschiha, Georges Khabbaz, le réalisateur Ameer Fakher Eldin et l'actrice  Hanna Schygulla lors d'une conférence de presse dans le cadre du 75 e Festival du film de Berlin, le 19 février 2025. Photo AFP


Comment a commencé l’aventure « Yunan » ?

Ameer Fakher Eldin m’a appelé après avoir regardé l’un de mes films. Il m’explique alors qu’il souhaite que je sois le héros de son prochain film, Yunan. Je ne le connaissais pas. Il m’a envoyé son premier film The Stranger ainsi que le scénario de Yunan. J’ai d’abord regardé son film dans lequel sa réalisation, son langage cinématographique, sa sensibilité et sa profondeur m’ont beaucoup plu. Puis, j’ai beaucoup aimé Yunan après avoir lu le scénario. J’ai trouvé qu’il y a beaucoup de similitudes entre le personnage de Mounir et moi, le tout orchestré par l’approche de Ameer Fakher Eldin. J’étais très enthousiaste à l’idée de participer au projet, d’autant plus aux côtés de grands noms tels que Hanna Schygulla, Sibel Kekilli, Ali Suliman ou encore Nidal al-Achkar.

Comment s’est déroulée la collaboration avec Ameer Fakher Eldin ?

La profondeur de réflexion et les questions existentielles n’ont pas d’âge. Les âmes n’ont pas d’âge, l’énergie n’a pas d’âge. Je pense que nos énergies se sont retrouvées. Il y a eu une harmonie impressionnante entre nous deux sur le plan humain. J’ai compris Ameer plus que je n’ai compris son film. Je veux dire par là que j’ai l’ai compris dans sa vision, sa philosophie, sa personnalité, sa profondeur, sa poésie, sa sensibilité à fleur de peau afin que moi aussi, je puisse entrer dans son monde à travers le personnage de Mounir.

Comment vous-êtes vous préparé pour justement vous mettre dans la peau de Mounir ?

C’est un film qui parle d’exil, un mal dont nous, les Libanais, et la région plus généralement, souffrons depuis longtemps. Il n’y a donc pas eu besoin de trop se préparer pour ce rôle car il est déjà présent dans nos gènes. Toutefois, il y a aussi eu des facteurs liés au cadre du tournage. Nous avons tourné le film hors du Liban, notamment à Hambourg. J’étais dans un environnement que je ne connaissais pas, m’exprimant dans une langue que je ne connaissais pas. Il est vrai qu’il n’est pas facile de ressentir les choses de la même manière dans une langue qui n’est pas la sienne. J’avais le scénario en anglais, mais il fallait que je puisse me rapprocher de l’allemand autant que possible. J’ai donc appris mon texte pendant trois mois aux côtés d’une professeure d’allemand au Liban. Il y avait également une professeure sur le plateau pour m’aider en cas d’erreur de prononciation ou de grammaire.

Avez-vous puisé dans votre histoire personnelle pour ce rôle ?

L’exil n’est qu’une dimension parmi plusieurs qui sont explorées dans le film. Il y a aussi un pan politique, social, spirituel… L’exil peut également être intérieur d’une certaine manière, lorsque l’on se sent étranger ou en décalage à l’égard du monde qui nous entoure, même dans son propre pays. La quête du retour n’est pas seulement géographique, il s’agit aussi de la quête pour savoir d’où l’on vient en tant qu’être humain. Les dimensions du film vont jusque-là. J’estime que ce rôle est un cadeau pour moi en tant qu’acteur et à mon âge. C’est comme s’il m’avait appelé pour me demander de me regarder en face en quelque sorte, comme un miroir inversé pour moi-même et beaucoup d’autres personnes comme moi dans ce film.

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Votre expérience du théâtre vous a-t-elle aidé dans ce film ?

Le théâtre est l’endroit qui permet de mieux appréhender l’espace, le vide autour de nous et de savoir où l’on se situe dans ce vide. Mounir vit un vide à travers ses interrogations sur son identité ou encore son appartenance, entre autres. Il y a donc un vide à remplir dans l’espace par la présence d’un personnage qui n’est pas présent : il vit dans sa douleur, mais il a des restants d’âmes. Le théâtre m’a donc effectivement beaucoup aidé, pour une scène où je danse par exemple. Une grande partie du film est par ailleurs constituée de plans-séquences d’une dizaine de minutes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de coupure. Il faut jouer un moment très précis et qui n’est pas facile, cela est du théâtre.

Quelle leçon avez-vous tiré de ce film ?

J’ai appris que tous les humains ont des sentiments communs en leur for intérieur : de l’anxiété, de la peur, de l’amour… L’humain, d’où qu’il vienne, a les mêmes faiblesses, qu’elle que soit sa couleur de peau, sa race, sa religion.

Comment choisissez-vous les projets sur lesquels vous travaillez ?

À vrai dire, ce n’est pas moi qui les choisis, ce sont eux qui me choisissent. Lorsque Ameer me contacte et m’envoie le scénario, c’est comme si le rôle m’avait choisi. Si quelque chose me fait refuser un projet, c’est que je ne vais rien y apporter et vice versa. Et, évidemment, que le message porté par le projet ne soit pas raciste. Le reste dépend du temps et de la valeur artistique.

Que nous réservez-vous pour la suite ?

Je viens de tourner Mille secrets mille dangers de Philippe Falardeau, tandis que ma pièce de théâtre Khiyal Sahra a été renouvelée pour un mois au Casino du Liban. Je vais également tourner prochainement dans une série pour enfants dans les îles Canaries produite par Dorothy Beinemeier, également productrice sur Yunan. Enfin, je suis actuellement en discussion pour une nouvelle série prévue pour le mois de ramadan en 2026.

« Un cadeau. » C’est ainsi que Georges Khabbaz décrit le rôle de Mounir, qu’il incarne dans Yunan. Complexe et subtil, contemplatif et poétique, l’acteur et scénariste libanais nous livre une puissante performance dans ce drame écrit et réalisé par Ameer Fakher Eldin. Ce long-métrage suit un écrivain arabe résidant à Hambourg et qui décide de s’isoler sur une île allemande afin de mettre fin à ses jours. Une histoire qui fait écho à celle du réalisateur : né à Kiev en 1991 et aujourd’hui basé à Hambourg, il est originaire du Golan syrien occupé. Un parcours marqué par la recherche sur son appartenance et son pays, la Syrie, qu’il n’a jamais pu visiter. Après son premier film Al-Garib (The Stranger, 2021), Yunan est ainsi le second volet d’une trilogie qu’il dédie au thème de l’exil. On y...
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