
Ahmad el-Chareh s'exprimant face aux journalistes à Damas, le 23 décembre 2024. Photo d'archives REUTERS/Ammar Awad
Le président de transition syrien Ahmed el-Chareh et le président turc Recep Tayyip Erdogan devraient discuter mardi à Ankara d'un « pacte de défense commune », comprenant l'établissement de bases aériennes turques dans le centre de la Syrie et l'entraînement militaire de la nouvelle armée syrienne, selon quatre sources informées citées par l'agence Reuters.
La Turquie, membre de l'OTAN, soutient depuis longtemps l'opposition armée et politique syrienne au dirigeant déchu Bachar el-Assad, qui a été renversé fin décembre lors d'une offensive éclair menée par les forces de Hay'at Tahrir el-Cham (HTC).
Ankara se positionne pour jouer un rôle majeur dans la nouvelle Syrie, en comblant le vide laissé par l'Iran, principal soutien régional d'Assad, dans une expansion de l'influence turque qui pourrait susciter une rivalité avec les États arabes du Golfe et mettre Israël sur la sellette. Les sources sollicitées - un responsable de la sécurité syrienne, deux sources de sécurité étrangères basées à Damas et un haut responsable du renseignement régional - se sont exprimées sous couvert d'anonymat.
C'est la première fois que des éléments d'un accord stratégique de défense conclu par les nouveaux dirigeants syriens, y compris des détails sur des bases turques supplémentaires, sont ainsi révélés. Le pacte pourrait permettre à la Turquie « d'établir de nouvelles bases aériennes en Syrie, d'utiliser l'espace aérien syrien à des fins militaires et de jouer un rôle de premier plan dans la formation des troupes de la nouvelle armée syrienne », selon les sources précitées.
Les nouveaux dirigeants syriens ont dissous l'armée et les différentes factions rebelles et s'emploient à les intégrer dans un nouveau commandement militaire. L'accord ne serait pas finalisé mardi, a-t-on appris de mêmes sources.
Bases aériennes turques en Syrie
Le responsable régional du renseignement, le responsable syrien de la sécurité et l'une des sources étrangères de la sécurité basées à Damas ont affirmé que les pourparlers incluraient « l'installation de deux bases turques dans la vaste région désertique centrale de la Syrie », connue sous le nom de Badiya.
Un responsable de la présidence syrienne a confié que M. Chareh discuterait avec M. Erdogan de « l'entraînement de la nouvelle armée syrienne par la Turquie, ainsi que des nouveaux domaines de déploiement et de coopération », sans préciser les lieux de déploiement. La présidence turque et le ministère syrien de la Défense n'ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaire sur cette question.
Le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun, a déclaré lundi que MM. Erdogan et el-Chareh discuteraient des derniers développements en Syrie et des mesures conjointes possibles pour reconstruire l'économie syrienne et parvenir à la stabilité et à la sécurité. Un responsable du ministère turc de la Défense, au fait des discussions entre les deux ministères, a affirmé qu'il ne disposait pas d'informations sur les bases turques en Syrie, ni sur l'entraînement des troupes syriennes dans le cadre d'un éventuel pacte de défense.
Un rôle turc en matière de défense aérienne
Certaines des sources ont ajouté que les bases en discussion permettraient à la Turquie « de défendre l'espace aérien de la Syrie en cas d'attaques futures ». L'autre principal soutien de M. Assad, la Russie, est également en pourparlers avec la nouvelle administration de Damas au sujet du sort de ses deux bases militaires en Syrie : une base navale à Tartous et une base aérienne près de la ville portuaire de Lattaquié, avait déclaré le Kremlin lundi.
Dans une interview accordée en janvier, le ministre syrien de la Défense, Murhaf Abou Qasra, avait soutenu que les nouveaux dirigeants du pays chercheraient à établir des liens solides dans la région, « et que grâce à ces liens, nous serons en mesure de bien construire notre force militaire ». Si ces liens conduisent à un partenariat « en matière d'armement, de formation, de défense aérienne ou d'autres questions, nous l'accueillerons favorablement », avait estimé M. Abou Qasra, sans mentionner la Turquie. Le responsable régional du renseignement interrogé a indiqué que les bases aériennes possibles étaient l'aéroport militaire de Palmyre et la base T4 de l'armée syrienne, deux lieux situés dans la province de Homs.
Message aux combattants kurdes
La même source a déclaré qu'Ankara souhaitait établir des bases dans cette région pour envoyer un message aux combattants kurdes du nord-est de la Syrie, connus sous le nom d'Unités de protection du peuple (YPG). Ankara les considère comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection contre l'État turc depuis 1984 et considéré comme un groupe terroriste par la Turquie et les États-Unis.
La Turquie a menacé de lancer une offensive militaire contre les YPG, mais s'est abstenue de le faire en raison des pourparlers en cours sur le sort des forces kurdes. Le responsable du ministère turc de la Défense a confié que les délégations militaires turques et syriennes avaient échangé leurs points de vue la semaine dernière sur « ce qui peut être fait en matière de défense et de sécurité, en particulier dans la lutte commune contre les organisations terroristes qui constituent une menace à la fois pour la Syrie et la Turquie ».
« Nos réunions se poursuivront dans le cadre des besoins qui se feront sentir dans la période à venir », a ajouté le responsable. Le ministre turc de la Défense, Yasar Guler, avait affirmé en décembre que la Turquie était « prête à fournir le soutien nécessaire si la nouvelle administration syrienne le demandait ».
Ankara pourrait discuter et réévaluer la question de la présence militaire turque en Syrie avec la nouvelle administration syrienne « lorsque les conditions nécessaires se présenteront », avait alors déclaré M. Guler.
Cette information provient d'un article de l'agence Reuters en anglais.
Un bémol à l'excellent commentaire signé LE FRANCOPHONE. L'épine du Golan annexé risque de peser lourd dans la perspective d'une paix syro-israélienne. Et les Israéliens, victimes de leur ethnocentrisme, ne savent pas appliquer l'adage: les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Alors que les points de convergences entre la Syrie d'aujourd'hui et l'Etat hébreu sont multiples. Entre autres, la lutte contre la contrebande entre le Liban et la Syrie et la destruction des caches d'armes du Hezbollah.
10 h 20, le 16 février 2025