L'ancien dictateur tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. Photo d'archives / AFP
Six victimes de torture sous les ères de Bourguiba (1956-1987) et Ben Ali (1987-2011) ont porté plainte contre la Tunisie devant le Comité contre la torture de l'ONU, a annoncé jeudi l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
Depuis le lancement en 2018 du processus de « justice transitionnelle » (tribunaux spéciaux), censé punir les auteurs de mauvais traitements et indemniser les victimes, « aucun procès n'a abouti à un jugement et il n'y a aucun avancement de ces affaires devant les tribunaux », a déploré à Tunis le vice-président de l'OMCT, Mokhtar Trifi.
L'organisation représente deux victimes de torture, emprisonnées de 1993 à 2006: Rached Jaidane et Mohamed Koussai Jaibi ainsi que les familles de quatre autres victimes, décédées sous la torture: Nabil Barketi en 1987 ainsi que Fayçal Baraket, Rachid Chammakhi et Sohnoun Jouhri en 1991.
« Je demande les excuses de l'Etat, c'est le plus important, je ne recherche pas un dédommagement financier », a expliqué M. Jaidane. « Nous sommes fatigués de réclamer notre droit à la justice », a déploré Ridha Barketi, frère de Nabil.
Il s'agit de l' « ultime recours pour ces six victimes » afin d'obtenir la condamnation de la Tunisie et l'obliger à leur « accorder justice et réparation » et au-delà, « attirer l'attention sur les obstacles jalonnant le processus de justice transitionnelle », a expliqué Hélène Legeay, directrice juridique de l'OMCT.
La plainte, déposée le 21 janvier, « a toutes les chances d'être acceptée » par le Comité contre la torture de l'ONU car la Tunisie a signé les Traités internationaux, a-t-elle dit, évoquant un temps d'instruction avant une éventuelle condamnation de « trois à quatre ans ». La plainte vise aussi à prévenir ces « violations à travers une réforme notamment de l'appareil sécuritaire », a-t-elle indiqué.
« Une impunité totale continue de recouvrir les violations graves des droits humains perpétrées par les forces de sécurité tunisiennes pendant les décennies de dictature » jusqu'à la Révolution de 2011 et la chute de Zine El Abidine Ben Ali, a souligné l'OMCT.
Ines Lamloum, conseillère juridique de l'OMCT a détaillé les obstacles rencontrés par les victimes depuis six ans et demi: les transferts annuels de magistrats, le manque de juges formés à la « justice transitionnelle » pour siéger dans les chambres spécialisées, l'absence des accusés (essentiellement des policiers) aux procès et plus généralement « un manque de volonté politique » de mener à bien un processus « qui n'est pas une priorité pour le pouvoir actuel ».
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