Premier ministre centriste François Bayrou lors de son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale, le 14 janvier 2025. Ludovic MARIN / AFP
Le gouvernement français se retrouve sous la menace d'une motion de censure, les socialistes se montrant déçus des annonces du nouveau Premier ministre centriste François Bayrou sur les retraites et le budget.
M. Bayrou a fait deux gestes mercredi envers les socialistes, promettant de soumettre au Parlement un accord, même partiel, des partenaires sociaux sur la réforme des retraites de 2023, et renonçant à 4.000 suppressions de postes dans l'Éducation nationale.
Le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure demandait, pour ne pas voter la motion de censure qui sera examinée jeudi, que le Parlement soit saisi, quelles que soient les conclusions d'un « conclave » des syndicats et du patronat sur les retraites prévu pour trois mois.
Le Premier ministre a répondu mercredi en partie à cette demande. Il a évoqué trois scénarii qui pourraient se produire à l'issue de cette « conférence sociale » destinée à revisiter la réforme contestée des retraites.
« Désaccord : on en reste au texte actuel. Accord complet : on fait un texte de loi. Accord partiel : on traduit l'accord partiel dans un texte d'amélioration de notre système de retraite », a détaillé François Bayrou dans sa déclaration de politique générale devant le Sénat (chambre haute du Parlement).
Mais il s'est heurté à une fin de non-recevoir. « Le compte n'y est pas », lui a rétorqué Patrick Kanner, chef de file des sénateurs PS.
Le Premier ministre lui a répondu quelques instants plus tard en ajoutant un geste supplémentaire: renoncer aux 4.000 suppressions de postes prévues dans l'Éducation par le gouvernement précédent.
« Confiance »
Les 66 élus PS se sont réunis mercredi pour arrêter leur position sur la motion de censure déposée par leurs alliés de gauche, le parti radical La France insoumise (LFI) en tête, à laquelle se sont ralliés les communistes et les Ecologistes.
A la fin de la réunion, aucune décision n'avait pourtant été prise.
« Les instances du Parti socialiste et du groupe à l'Assemblée se réuniront d'ici le débat de censure », a indiqué à l'AFP la direction du parti mercredi soir.
Si le PS choisissait de voter la censure jeudi après-midi, le gouvernement ne tomberait pas pour autant, car le Rassemblement national (RN, extrême droite) a décidé de ne pas s'y associer.
M. Bayrou, 73 ans, doit naviguer sur la scène politique éclatée issue des législatives anticipées organisées après la dissolution surprise de l'Assemblée par le président Emmanuel Macron en juin. L'hémicycle est fracturé en trois blocs (alliance de gauche / macronistes et centristes / extrême droite) ; aucun ne dispose de la majorité absolue.
Le Premier ministre cherche à éviter de subir le même sort que son prédécesseur conservateur Michel Barnier, dont le gouvernement a été renversé au bout de trois mois par une alliance des députés de gauche et d'extrême droite.
Alors que M. Barnier avait tenté en vain d'obtenir un engagement de « non-censure » de l'extrême droite, François Bayrou mise sur les socialistes.
Il a donc lancé avec eux d'intenses tractations centrées sur la réforme des retraites, qui avait provoqué de grandes manifestations en 2023, en relevant de 62 à 64 ans l'âge de départ.
Boucler le budget
C'est une « humiliation totale » pour les socialistes, qui « n'ont rien obtenu, même pas des miettes », a fustigé la députée écologiste Sandrine Rousseau, déterminée à censurer le Premier ministre.
« Ce que propose François Bayrou est une comédie » et « il y a une possibilité qu'il parte très vite », a renchéri la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
Les soutiens de l'exécutif ne brillent pas non plus par leur cohésion. L'homme fort des Républicains (droite), Laurent Wauquiez, a estimé que le projet de M. Bayrou « reste très flou ».
Même au MoDem, le parti de M. Bayrou, le chef des députés Marc Fesneau a reconnu que le discours du Premier ministre « peut donner le sentiment (d'être) trop dans des généralités ».
M. Bayrou a aussi pour défi de faire passer un budget pour 2025, sous la pression des oppositions et des marchés financiers.
Il a annoncé que son gouvernement visait un déficit public à 5,4% du PIB en 2025, contre 6,1% attendus pour 2024. La France a affiché la pire performance des Vingt-Sept à l'exception de la Roumanie, très loin du plafond de 3% autorisé par les règles de l'UE.
Le budget présentera « un effort historique » d'économies à hauteur de « plus de 30 milliards d'euros », a précisé mercredi la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.
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