Poème d’ici

Poème d’ici de Hala Mohammad

Poème d’ici de Hala Mohammad

Poète et réalisatrice, Hala Mohammad est née en 1959 à Lattaquié, sur la côte syrienne. Elle a été assistante-réalisatrice de deux longs métrages tournés en Syrie, tandis que ses recueils paraissaient au Liban. Hala Mohammad a publié huit recueils de poèmes. Elle a réalisé sur le thème de la littérature des prisons, plusieurs documentaires qui dénoncent l’emprisonnement des artistes et des intellectuels pendant la période de la présidence d’el-Assad père. Au début des événements qui déchirent aujourd’hui son pays, elle a mis tout ce qu’elle possédait dans une valise et a trouvé refuge en France. Hala Mohammad contribue régulièrement à divers journaux et sa poésie a été traduite dans de nombreuses langues (anglais, français, allemand, suédois ou encore turc).

Le chemin

Le chemin que nous avons déserté

Revient sous nos pieds, pas à pas

Pour que le monde soit sauvé, nous nous en sommes soustraits

Sous notre vaste mort nous dissimulons

Ce que nous pouvons de nos besoins

La lune, les rendez-vous et des baisers ravagés

Nous dissimulons les jours pour que les jours soient sauvés

Chaque fois que nous empruntons un chemin,

Le chemin revient sous nos pas

L’Histoire se lève tel un tyran, elle nous expose

Comme au marché aux esclaves

Elle nous demande d’esquisser nos sourires blancs

Et nous les montre dans ses miroirs

Nous nous distrayons, nous nous jetons sur sa poitrine, confiants.

Pas à pas le chemin revient

Il nous conduit aux sources du désir dans ce vide immense

La tristesse ne nous est pas étrangère

Ni les oiseaux ni les mers ni les arbres

Et de ciel en ciel, de terre en terre

Nous croulons sous le poids de l’amour

L’amour

Premier alphabet.

Extrait de Les hirondelles se sont envolées avant nous (Bruno Doucey, 2021).

Traduit de l’arabe par Antoine Jockey.

Ce crépuscule jaune

J’ai posé le plus beau marbre au seuil de la maison

Un marbre vieilli et jaune

J’ai posé un nouveau verrou en bas de la porte

Un verrou de cuivre jaune

J’ai fermé la maison sur tout ce qu’elle renferme

Dans ce crépuscule jaune

Sous l’œil du soleil couchant

J’ai fermé la porte sur la poussière jaune rassemblée

Pour me faire ses adieux

Et je me suis retirée de ma vie

Lorsque je vois de loin

Le salon, les miroirs

Les rideaux

Mes robes dans les armoires

Les assiettes dans la cuisine

Le réfrigérateur

La table en bois jaune

Les belles chaises cannées

Qui reflètent la lumière du soleil

Et la répartissent sur le carrelage

En un tapis de lumière

Sous les pieds de la table

Le téléviseur noir

Et muet

Je ne veux pas de fin à ce poème

Que j’écris maintenant

Je veux rester suspendue au-dessus de ce vide

Le vide qui évacue les pensées de mon esprit

Et le métamorphose en cœur

Un seul arrêt cardiaque

N’en finirait pas

Avec tout cet amour.

Extrait de Prête-moi une fenêtre (Bruno Doucey, 2018).

Traduit de l’arabe par Antoine Jockey.

Poète et réalisatrice, Hala Mohammad est née en 1959 à Lattaquié, sur la côte syrienne. Elle a été assistante-réalisatrice de deux longs métrages tournés en Syrie, tandis que ses recueils paraissaient au Liban. Hala Mohammad a publié huit recueils de poèmes. Elle a réalisé sur le thème de la littérature des prisons, plusieurs documentaires qui dénoncent l’emprisonnement des...
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