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Culture - Ballet

« Casse-Noisette », ou comment un fiasco russe est devenu un triomphe made in USA

Né d’un conte inquiétant signé Hoffmann, mis en musique par Tchaïkovski puis réinventé par Balanchine aux États-Unis, le ballet qui fête son anniversaire le 18 décembre est une icône (et un jouet !)  incontournable de Noël.

« Casse-Noisette », ou comment un fiasco russe est devenu un triomphe made in USA

Une imagé tirée du ballet « Casse-Noisette » du Royal Ballet de Londres qui sera diffusé au cinéma Empire Première Sodeco, à Beyrouth, le 3 janvier 2025. Photo DR

Il était autrefois difficile de trouver un casse-noisette ailleurs qu’en Allemagne durant Noël. Aujourd’hui, on en trouve partout, dans des tailles, couleurs et styles variés : à l’épée ou au tambour, au sceptre ou à l’orbe, à la sucette ou au pain d’épices (fête oblige !). Mais pourquoi cet objet (jouet ou sculpture en bois représentant un soldat) est-il associé à Noël ?

Dans la tête de Hoffmann

Tout commence à Königsberg, ville natale de l’écrivain germanique E.T.A. Hoffmann, qui a su naviguer avec brio entre les registres merveilleux et fantastiques. Son écriture, à la fois sombre et inquiétante, laisse planer une ambiguïté : s’adresse-t-elle aux enfants ou aux adultes ? C’est en 1816 qu’il publie Casse-Noisette et le roi des rats, un conte singulier où le merveilleux flirte avec l’étrange. Cette ambivalence sera l’une des raisons de son succès et de l’inspiration qu’il suscite chez les chorégraphes jusqu’à nos jours.

« Casse-Noisette », un ballet qui se marie avec la féerie de Noel. Photo Royal Ballet de Londres

Dans la bibliothèque de Tchaïkovski

Saint-Pétersbourg, théâtre Mariinsky, 1891 : déjà une figure incontournable de la musique classique romantique, Tchaïkovski travaille comme compositeur officiel des Théâtres impériaux. Après le triomphe de La Belle au bois dormant en 1890, une nouvelle commande arrive : un ballet inspiré du conte allemand. Les influences littéraires, jadis françaises et italiennes, viennent alors d’outre-Rhin, permettant au conte de Hoffmann de s’inscrire dans le répertoire russe.

Célèbre pour ses trois grands ballets – Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant et Casse-Noisette –, Tchaïkovski a bouleversé l’ère romantique avec une musique à la fois introspective et narrative. S’inspirant des folklores russes, il enrichit son œuvre d’une orchestration somptueuse et d’un lyrisme où se mêlent passion, mélancolie et grandeur tragique. Premier à bâtir une identité musicale proprement russe, Tchaïkovski laisse un héritage éternel.

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Sur les planches de Saint-Pétersbourg

Le personnage de Casse-Noisette prend vie grâce à une collaboration légendaire entre Tchaïkovski et Marius Petipa, le chorégraphe franco-russe à l’origine des grands ballets narratifs russes. Pourtant, la première représentation est un échec. Pourquoi ? Le récit donne quelques indices. La veille de Noël, la petite Marie reçoit un casse-noisette en bois de son étrange parrain Drosselmeyer. À minuit, le jouet prend vie, les objets grandissent et une armée de rats envahit la pièce. Après une bataille victorieuse contre le roi des rats, le casse-noisette se transforme en prince et emmène Marie dans un royaume magique. Mais, au matin, tout n’était qu’un rêve.

Si l’intrigue semble simple, le texte d’origine est bien plus complexe, mêlant une ambiance sombre et des nuances psychologiques. Le public russe de l’époque, adulte et exigeant, ne fut guère conquis par un ballet mettant en scène des enfants et offrant peu de danse virtuose.

Varvara Nikitina dans le rôle de la fée Dragée et Pavel Gerdt dans le rôle du cavalier, lors d'une dernière représentation de « Casse-Noisette », 1892. Photo Wikicommons

Sur les planches de New York

Que faire ? Présenter le ballet ailleurs, à un public plus novice. Aux États-Unis, Georgiy Balanchivadze, devenu George Balanchine, réinvente Casse-Noisette. Formé à l’académie Vaganova de Saint-Pétersbourg et passé par les Ballets russes de Diaghilev, Balanchine exporte le ballet en Amérique. Il accentue les couleurs, simplifie la chorégraphie et offre un spectacle prodigieux qui séduit immédiatement.

« Made in USA ? »

Balanchine, fin connaisseur de la culture américaine, met à profit le sens du marketing, la technologie de Broadway et le glamour d’Hollywood. Il collabore avec Walt Disney pour populariser la musique dans Fantasia, incarne Drosselmeyer dans des campagnes publicitaires et américanise même l’héroïne : Marie devient Clara. Le ballet se dépouille alors de ses complexités pour intensifier sa dimension visuelle et festive.

Ainsi, bien que typiquement germanique, l’histoire de Casse-Noisette doit beaucoup aux Russes pour son animation et aux Américains pour son succès mondial. Et aujourd’hui, les casse-noisettes, produits en Chine sur commande américaine, débordent des rayons du monde entier, érigés en symboles universels des fêtes de Noël.

Les casse-noisettes, produits en Chine sur commande américaine, débordent des rayons du monde entier, érigés en symboles universels des fêtes de Noël. Photo Sissi Baba

Recommandation
Pour ceux qui apprécient l’aspect spectaculaire, nous recommandons la version de Balanchine pour le New York City Ballet. Pour ceux qui apprécient le ballet et l’aspect davantage artistique, nous recommandons la version originale remaniée par Vassili Vainonen pour le Mariinsky. 
Il était autrefois difficile de trouver un casse-noisette ailleurs qu’en Allemagne durant Noël. Aujourd’hui, on en trouve partout, dans des tailles, couleurs et styles variés : à l’épée ou au tambour, au sceptre ou à l’orbe, à la sucette ou au pain d’épices (fête oblige !). Mais pourquoi cet objet (jouet ou sculpture en bois représentant un soldat) est-il associé à Noël ?Dans la tête de HoffmannTout commence à Königsberg, ville natale de l’écrivain germanique E.T.A. Hoffmann, qui a su naviguer avec brio entre les registres merveilleux et fantastiques. Son écriture, à la fois sombre et inquiétante, laisse planer une ambiguïté : s’adresse-t-elle aux enfants ou aux adultes ? C’est en 1816 qu’il publie Casse-Noisette et le roi des rats, un conte singulier où le merveilleux flirte avec l’étrange....
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