Plus de cinq millions de Jordaniens sont appelés à élire leurs députés mardi dans un climat marqué par une économie morose et la guerre dans la bande de Gaza, qui reste au coeur des préoccupations.
Il s'agit des premières élections en Jordanie depuis l'adoption d'une nouvelle loi en janvier 2022 qui a augmenté le nombre de sièges au Parlement de 130 à 138, relevé le quota réservé aux femmes et abaissé l'âge minimum des candidats.
Les bureaux de vote sont ouverts jusqu'à 19H00 (16H00 GMT) et les résultats sont attendus dans les 48 heures. Des analystes s'attendent à une forte abstention. « La situation, franchement, va de mal en pis en termes d'opportunités d'emploi, et les salaires sont bas avec de longues heures de travail », déplore Fayez al-Disi, un étudiant en ingénierie de 21 ans venu voter.
La Jordanie a connu un déclin du tourisme depuis le début de la guerre à Gaza il y a plus de onze mois, un secteur qui représente environ 14% de son Produit intérieur brut (PIB). De plus, la dette publique frôle les 50 milliards de dollars et le taux de chômage a atteint 21% au premier trimestre.
Ces élections ne devraient pas bouleverser l'échiquier politique dans le royaume où, selon la Constitution, le roi garde la haute main sur les dossiers stratégiques. Il nomme le Premier ministre, peut dissoudre le Parlement, déclarer la guerre, conclure la paix ou passer des traités et accords.
Pays voisin d'Israël et de la Cisjordanie occupée, la Jordanie est devenue en 1994 le deuxième pays arabe, après l'Egypte, à signer un traité de paix avec Israël.
Le royaume appelle à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, où la guerre provoquée par une attaque du mouvement islamiste Hamas contre Israël le 7 octobre est entrée dans son 12e mois. L'offensive israélienne déclenchée en représailles à Gaza a dévasté le territoire palestinien et fait des dizaines de milliers de morts.
Près de la moitié de la population jordanienne est d'origine palestinienne, et des manifestations réclament régulièrement l'annulation du traité de paix depuis le début de la guerre.
Deux jours avant les législatives, un Jordanien a tué trois vigiles israéliens à un poste-frontière entre la Jordanie et la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.
« Série de crises »
La plupart des slogans de campagne ont abordé les défis quotidiens des Jordaniens, mais la guerre à Gaza reste au centre des préoccupations, notamment chez les candidats du Front d'action islamique (FAI), principal parti d'opposition.
Des électeurs disent craindre qu'aucune amélioration économique ne soit possible tant que la guerre continue à Gaza. « Nous doutons qu'il y ait un changement significatif » après les élections, estime Issa Ahmed, un retraité de 65 ans sur un marché à Amman: « Notre pays est malheureusement entouré d'une série de crises et de guerres sans fin. »
Mohammed Jaber, propriétaire d'un magasin à Amman, estime que « les gens sont préoccupés par la guerre à Gaza et la situation économique. Ils ne savent pas ce que les partis pourront accomplir ».
Plus de 5,1 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales, pour une population de 11,5 millions d'habitants, selon la commission électorale.
Le Parlement jordanien est bicaméral. Outre les 138 députés qui seront élus, il compte 69 sénateurs désignés par le monarque. L'assemblée peut retirer sa confiance au gouvernement, approuver et promulguer des lois.
Parmi les candidats aux élections figurent des représentants des principales tribus, des centristes, des soutiens au gouvernement, ainsi que des membres de la gauche et du FAI.
Pour Oraib Rantawi, analyste et directeur du Centre d'études politiques d'al-Qods à Amman, une partie de la société jordanienne « considère que la situation à Gaza est plus importante et a accordé moins d'attention aux élections et pourrait par conséquent s'abstenir ».
Mais il ne pense pas que les candidats islamistes, qui cherchent à exploiter la colère provoquée par la situation à Gaza, réaliseront des gains significatifs lors du scrutin. « Leur représentation parlementaire sera modeste. »