Le procès d'un retraité accusé d'avoir pendant près de dix ans drogué sa femme et recruté des inconnus pour la violer à leur domicile s'est ouvert lundi en France, une affaire rarissime impliquant 50 co-accusés, et pour laquelle le huis clos au procès a été refusé, conformément au souhait de la victime.
Emblématique de la question de la soumission chimique, ce procès doit se tenir jusqu'au 20 décembre devant une cour criminelle composée de magistrats professionnels à Avignon (sud). Débutée lundi matin, en retard, en raison notamment de la pression médiatique autour de ce dossier mais aussi du nombre conséquent d'accusés, l'audience a été suspendue peu avant 15h00 locales (13h00 GMT).
Les débats reprendront mardi matin avec la lecture du long et très cru rapport d'enquête par le président de la cour. Lundi matin déjà, Caroline, la fille de la victime, a dû quitter l'audience, en pleurs. Cheveux roux coupés au carré, lunettes de soleil rondes, la victime, Gisèle P., 72 ans, était arrivée au tribunal entourée de ses avocats et de ses trois enfants, sans dire un mot. Selon son avocat, elle « entend bien affronter le regard » des 51 hommes âgés de 26 à 74 ans, dont 18 dans le box des détenus, jugés pour des faits qui pourraient leur valoir jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.
Les débats sont publics, a décidé la cour lundi matin.
Avant même la décision de la cour, Gisèle P. avait fait savoir qu'elle souhaitait « une publicité complète » de ce dossier, une publicité « totale, jusqu'au bout ».
« Impardonnable »
Même s'il y aura « des moments extrêmement difficiles », Gisèle P. « estime qu'elle n'a pas à se cacher », qu'elle « n'a pas à avoir honte »: « il faut que la honte change de camp », a réagi Me Stéphane Babonneau, un des deux avocats de l'épouse, désormais en instance de divorce, du principal accusé. Les accusés, âgés de 26 à 74 ans, ont un à un décliné leur identité, profession et lieu de résidence face à la cour.
« Mon domicile, vous le connaissez, c'est la prison », a répondu, un brin provocateur, Dominique P., le mari et principal accusé, un homme robuste de 71 ans aux cheveux blancs vêtu d'un T-shirt noir.
Ex-employé du groupe électricien français EDF, Dominique P., qui participait aux viols et les filmait, ne réclamait aucune contrepartie financière. « Il a honte de ce qu'il a fait, c'est impardonnable », a plaidé auprès de la presse lundi matin son avocate Béatrice Zavarro.
Avant le début du procès, une quinzaine de féministes ont manifesté devant le palais de justice. Habillées de noir, elle ont notamment scandé « Violeurs, on vous voit, victimes, on vous croit ».
Pompier, artisan, infirmier, gardien de prison ou encore journaliste ; célibataires, mariés ou divorcés, les profils des accusés sont divers.
La majorité sont venus une fois, dix plusieurs fois, jusqu'à six nuits parfois. Ils ne souffrent d'aucune pathologie psychique notable, selon des experts, qui pointent toutefois leur sentiment de « toute-puissance » sur le corps féminin.
Beaucoup maintiennent qu'ils pensaient seulement participer aux fantasmes d'un couple libertin. Mais, selon le mari et principal accusé, « tous savaient » que son épouse était droguée à son insu. Et pour l'instruction, « chaque individu disposait de son libre arbitre » et aurait pu « quitter les lieux ».
Un total de 92 faits de viols ont été recensées. Depuis 2011, quand le couple vivait encore en région parisienne, mais principalement à partir de 2013, après leur déménagement à Mazan, ville de 6.000 habitants dans le sud de la France, et jusqu'en 2020. A chaque fois, Dominique P. administrait à son épouse un puissant anxiolytique.
« Aucun souvenir » des viols
L'ex-épouse ne s'est rendue compte de rien et a tout appris à 68 ans, lorsque l'enquête a débuté à l'automne 2020, après presque 50 ans de vie commune: son mari venait d'être surpris dans un centre commercial en train de filmer sous les jupes de clientes.
En fouillant son ordinateur, les enquêteurs découvrent de nombreuses photos et vidéos d'elle, visiblement inconsciente, violée par des inconnus.
Pour elle, le procès s'annonce comme « une épreuve absolument terrible », a confié Antoine Camus, un de ses avocats, qui défend aussi ses trois enfants et ses cinq petits-enfants. Elle « va vivre pour la première fois, en différé, les viols qu'elle a subis pendant dix ans », car elle n'en a « aucun souvenir », a-t-il expliqué à l'AFP avant l'ouverture du procès.
Avec les autres parties civiles, Gisèle P. doit être entendue jeudi, selon le calendrier prévisionnel.
Son mari a été mis en cause dans deux autres dossiers, un meurtre avec viol à Paris en 1991 qu'il nie, et une tentative de viol en Seine-et-Marne (région parisienne) en 1999, qu'il reconnaît, après avoir été confondu par son ADN.
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