Pour cet été sportif et international, la galerie Terrain Vagh a choisi de suivre le mouvement en convoquant plusieurs artistes internationaux aux méthodologies variées. L’idée est de croiser l’instantanéité des Jeux olympiques avec leur ancrage historique et patrimonial dans une cité mondialement appréciée pour son architecture et son héritage culturel.
« J’ai sélectionné des artistes avec lesquels je n’ai pas forcément l’habitude de travailler pour mettre en valeur leur réflexion autour de la ville de Paris. D’autres, comme Mylène Vignon et ses collages énigmatiques, ou Alain Vagh et ses créations en céramique sont des habitués de mes projets », précise la galeriste Moufida Atig.
La déambulation narrative de l’exposition s’accompagne d’une ambiance pop-up store plaisante et décontractée. « Nos visiteurs apprécient les différents livres d’art que nous proposons, souvent rares et méconnus, les objets d’art, les photographies ou les peintures. On présente, via les éditions du Mécène, des ouvrages sur les passages couverts de Paris ou sur la période antérieure à Haussmann, par exemple », enchaîne la spécialiste. Les photographies de Charles Marville, prises entre 1865 et 1878 pour la ville de Paris, permettent de visualiser des rues anciennes avant les travaux de modernisation du baron. Il est intéressant de les découvrir en regard des photographies de François de Mançon aux mêmes endroits, 150 ans plus tard.
Face aux céramiques lisses et brillantes de Lou Hubert, une grande peinture d’Arthur Djoroukian qui réactive le motif de Notre-Dame en flammes, jouant sur la syllepse, dans un contexte olympique. Régis Pettinari a choisi des tons sobres et dépouillés pour évoquer une île de la cité curieusement désertée. Quant à Tony Soulié, sa peinture du Moulin Rouge propose un contrepoint surprenant au regard touristique. « Je redessine mon propre regard. Quand je peins, je ne raconte pas l’histoire de la ville. Ces couleurs sont les miennes, ce que j’ai ressenti », explique-t-il.
Tour Eiffel, Notre-Dame et autres clichés qui n’en sont pas
Les photographies de Bérine Pharaon,photographe libanaise, reprennent des lieux communs de la capitale en changeant de perspective. Ainsi, sa grande photographie dégage un ciel immense aux teintes claires, où se dégage au loin la silhouette gracile de la tour Eiffel, qui semble toisée par des figures féminines de bronze qui longent le bâtiment austère des musées du Trocadéro. « J’ai visité au printemps l’atelier de Bérine Pharaon à Paris et j'ai pu découvrir sa collection. Certaines de ses œuvres ont fait partie de mon exposition précédente, « Voyage(s) en Méditerranée ». J’apprécie beaucoup son approche des lieux », explique la galeriste au sujet de la photographe libanaise, qui affectionne d’ordinaire les créations en noir et blanc. Si l’artiste s’est beaucoup inspirée de son pays d’origine, avec les séries « Another Stranger » (Liban, 2017) ou Mare Nostrum (Liban, 2022), le sud de la France a également nourri son travail, comme dans « Promenades aixoises » (2012) ou « Festival de Cannes-Off » (2016). Paris tenait déjà une place importante dans son corpus de photographies avant les JO.
« Mon ancrage multiple donne une certaine profondeur à mon travail. L’exposition à la galerie Terrain Vagh m’a permis de repenser ma manière de regarder la ville, Dans la photographie Voulez-vous danser avec moi ? extraite de ma série « Paris and me », j’ai souhaité mettre en valeur la dimension esthétique de la ville, devenue un symbole d’excellence et de dépassement de soi avec les JO » , ajoute-t-elle. Bérine Pharaon définit sa pratique artistique comme « libre et atypique », sans souhaiter caractériser ses œuvres. Selon elle, c’est le regard du visiteur qui est déterminant. « C’est ainsi que le dialogue s’installe », précise-t-elle. Pour la photographe, les semaines à venir seront chargées, avec un projet de livre et une participation au Salon d’automne de 2024 à Paris.
La tour Eiffel le flambeau de Jean Merhi est méconnaissable, enrobée d’un drapé incandescent et phosphorescent dans une nuit dense et obscure. Notre Dame de Paris la flamme propose un cliché où les tours de la cathédrale se dessinent en arrière-plan, comme de petites briques de Lego, alors que son ombre sur la Seine est traversée par le reflet d’un soleil couchant déclinant et fantasmagorique. « J’ai souhaité représenter le point d’ancrage que constitue la cathédrale, en clair-obscur, et le tomber de la nuit spectaculaire, dans un jeu d’ombres et de lumières, comme si sa flèche soutenait le ciel et les étoiles », explique l’artiste, dont les grands formats sur Byblos sont toujours exposés dans le cadre de l’exposition « Voyage(s) en Méditerranée » à l’espace d’art A Braccetto.
Fin octobre, Jean Merhi participera à une exposition à l’ambassade du Liban organisée par l’Unicef, autour du thème « Entre mer et montagne », avec le photographe Samir Nagi, qui propose quant à lui des clichés de célébrités libanaises des années 70. Le parcours artistique croisé de la galerie Terrain Vagh n’a pas échappé à l’atmosphère électrique des JO, qui continue à joyeusement sillonner la ville.
Une façon de goûter la saveur unique de cet été parisien dans les yeux d’artistes internationaux contemporains.