Au moment où le Premier ministre israélien s’apprêtait à prononcer son discours devant le Congrès américain, le Hezbollah a diffusé la troisième vidéo de sa série « al-Hodhod » (la huppe, du nom de l’oiseau national d’Israël) pour dévoiler de nouvelles cibles militaires en Israël. En près de huit minutes, la vidéo montre des centres névralgiques dans la base aérienne de Ramat-David, décrite comme la plus importante dans la région du Nord. Ne se contentant pas de montrer des sites militaires secrets et bien protégés, et de dévoiler l’identité du commandant de cette base, le Hezbollah a pris soin d’expliquer que ces images ont été tournées le 23 juillet, c’est-à-dire à la veille de leur diffusion à quelques heures du discours de Netanyahu devant le Congrès. En donnant ces explications et en diffusant ces images, le Hezbollah a montré une fois de plus qu’il sait pratiquer la guerre psychologique, mais surtout qu’il l’utilise pour envoyer des messages dans plusieurs directions.
En insistant, par exemple, sur la date de tournage, il veut montrer aux Israéliens, aux Américains et au monde la fragilité des mesures de protection autour de centres stratégiques, alors qu’en principe l’armée israélienne et les services de sécurité sont censés avoir décrété l’état d’alerte maximale dans l’attente de la riposte des houthis au bombardement du port de Hodeïda. D’ailleurs, la justification avancée par l’armée israélienne, lorsqu’on lui a demandé comment le drone du Hezbollah a pu franchir le Dôme de fer et survoler la base pendant plusieurs minutes sans être intercepté, a suscité des réactions moqueuses sur les réseaux sociaux de la part de nombreux Israéliens. Un des commentaires relève ainsi le fait que l’armée israélienne a précisé qu’elle a vu le drone, mais elle n’a pas pris la peine de l’intercepter, car il ne s’agissait pas d’un engin guerrier, mais était simplement doté d’un appareil photo. Le commentateur ajoute : « Oui, le Hezbollah souhaite prendre des photos de la base aérienne pour les ajouter à son album photo ! »
De son côté, le Hezbollah ne cache pas sa satisfaction face à l’éclatement de ce genre de polémique en Israël et il considère ainsi que le coup du « Hodhod, épisode 3 » (après le premier épisode tourné à Haïfa et le deuxième au Golan) a par là atteint l’un de ses objectifs.
Un autre objectif visé par la diffusion de ces images en ce moment précis, c’est de montrer la fragilité du dispositif militaire de protection et de surveillance israélien puisqu’une base aérienne de cette importance a été ainsi mise à découvert, aux yeux du monde entier. C’est d’ailleurs, précisent les sources du Hezbollah, la première fois que des drones parviennent à violer avec une telle précision l’espace au-dessus d’une base militaire aérienne de cette importance.
Pour le Hezbollah, il était impératif, au moment où le Premier ministre israélien devait se présenter devant les membres du Congrès américain comme un héros et comme un grand chef militaire, défenseur « des valeurs démocratiques occidentales », de le montrer comme le chef d’une entité fragilisée, à la tête d’une armée démoralisée et démotivée, au point de considérer qu’un drone ennemi en train de prendre des photos ne vaut pas la peine qu’on l’intercepte. D’une certaine façon, le Hezbollah a voulu ternir autant que possible l’effet des propos de Netanyahu et atténuer son impact sur ses auditeurs. D’après les réactions chez les sénateurs et autres membres du Congrès présents, on ne peut pas vraiment dire que cet objectif voulu par le Hezbollah a été atteint, puisque le Premier ministre israélien a été ovationné au moins 45 fois, pendant un discours qui a duré près de 55 minutes.
Toutefois, le Hezbollah préfère ne pas s’arrêter sur ce point. Il précise que même si les présents se sont laissés impressionner par le discours de Netanyahu, les Israéliens ainsi que les différentes parties militaires impliquées dans ce conflit ont bien perçu le message portant sur la faiblesse de l’armée israélienne, jadis considérée « comme l’armée qui ne peut pas être vaincue », alors qu’en réalité, elle montre chaque jour qu’elle est « plus fragile que la toile d’araignée », selon l’expression utilisée par Hassan Nasrallah dans son discours du 25 mai 2000 à Bint Jbeil pour célébrer la libération de la plus grande partie du Liban-Sud de l’occupation israélienne.
C’est ainsi qu’apparaît un autre objectif derrière la diffusion de cette vidéo : c’est dire qu’au moment où Netanyahu se présente comme le défenseur des démocraties, tout en laissant entendre qu’il n’a pas l’intention d’arrêter la guerre à Gaza avant « la victoire totale », le Hezbollah peut atteindre la cible de son choix, aussi difficile et aussi bien protégée soit-elle, comme c’est le cas de la base de Ramat-David. Netanyahu, estime une source du Hezbollah, peut bien se réjouir d’avoir été ovationné aux États-Unis, il ne le sera probablement pas quand il rentrera à Tel-Aviv, où l’attendront des généraux en colère et inquiets face à la capacité de cette force multitentaculaire que constituent les différents éléments de « l’axe de la résistance ».
Le Hezbollah ajoute que la vidéo qu’il a diffusée mercredi n’est qu’un petit échantillon des informations rapportées par le drone et que désormais, avec les trois précédentes vidéos, il dispose d’une banque de cibles importantes. Toujours selon le Hezbollah, il y en aura encore d’autres. Dans son optique, cela s’inscrit dans sa politique de dissuasion, au cas où, pris par l’euphorie des applaudissements, Netanyahu songerait encore à élargir le champ de la guerre au Liban.
Enfin, qu’on le veille ou non, nous avons, en dehors dune l’armée passive, une force de dissuasion efficace qui nous rend un brin de dignité .
10 h 47, le 26 juillet 2024