Les anneaux olympiques sur la Tour Eiffel, le 14 juillet 2024. Photo AFP / DIMITAR DILKOFF
Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, censée montrer un militant du Hamas en train de menacer la France à l'occasion des Jeux olympiques, est très probablement un faux relayé par des réseaux pro-russes, selon des experts et des sources sécuritaires.
Sur cette vidéo qui circule depuis le début de semaine, un homme, le visage dissimulé par un keffieh et arborant un drapeau palestinien sur la poitrine, menace en arabe la France. Il l'accuse de soutenir Israël, avant de brandir ce qui ressemble à une tête de Marianne, figure symbolique de la République française, coiffée d'un bonnet phrygien, décapitée et sanglante.
De très nombreux internautes la partagent en affirmant qu'il s'agit d'une vidéo du Hamas.
« Les premiers indices dont nous disposons nous permettent de dire que cette vidéo est faussement attribuée au Hamas. L'enquête et les investigations se poursuivent et l'enquête ne permet pas à ce stade de l'attribuer à tel ou tel Etat. Mais force est de constater qu'il s'agit manifestement d'une intervention étatique », a déclaré jeudi soir le Premier ministre Gabriel Attal.
Selon une source sécuritaire interrogée par l'AFP, « les premières analyses pointent vers une opération russe sous +faux pavillon+ en raison d'un faisceau d’indices » qui pointent vers une origine russe, une analyse partagée par plusieurs experts.
Une attaque sous « faux pavillon » est une ruse de guerre dans laquelle les assaillants agissent sous une fausse identité ou sans signes distinctifs pour tromper adversaires, observateurs et potentiellement déclencher un élargissement du conflit.
Dans le cas de cette vidéo, un des premiers comptes à l'avoir publié sur X, baptisé « endzionism24 », suspendu depuis, a été créé en février mais est resté muet pendant plusieurs mois. Il s'est activé quelques jours avant la publication de la vidéo pour partager des contenus hostiles à Israël, un schéma typique de comptes inauthentiques.
Par ailleurs, ajoute la source, « la vidéo a été repostée sur X par des comptes connus pour faire partie des réseaux russes et a été relayée par des sites africains connus pour être des points de sortie des Russes ».
Il y a par exemple « @aussiecossack », un influent compte pro-russe, relève sur X le chercheur David Colon, spécialiste des sujets d'ingérence étrangère, qui voit aussi une manipulation russe derrière cette vidéo.
Fautes de grammaire
Une autre source sécuritaire souligne en outre que sur la vidéo, « les codes visuels de la propagande du Hamas sont absents » et l'homme qui s'exprime fait des fautes de prononciation et de grammaire, d'après un journaliste arabophone de l'AFP.
Selon le site d'analyse de la menace jihadiste Site, un haut responsable du Hamas Izzat al-Rishq, basé au Qatar, a qualifié la vidéo « de montage de la propagande sioniste ».
Le Hamas est une organisation terroriste pour l'UE et les Etats-Unis, et les autorités françaises ont mis en garde contre une « résurgence » de la menace terroriste.
Outre son amplification par des réseaux identifiés comme pro-russes, la vidéo, aussi partagée en espagnol et en anglais notamment, a été largement diffusée, par exemple en France par le polémiste d'extrême droite Jean Messiha, mais aussi par des personnes défendant la cause israélienne ou de simples particuliers.
Elle s'inscrit aussi dans un contexte politique tendu en France. Le député LFI Thomas Portes a par exemple appelé publiquement le week-end dernier à agir pour faire savoir que la « délégation israélienne n'est pas la bienvenue à Paris », s'attirant de vives critiques l'accusant de mettre en danger des personnes déjà particulièrement menacées.
Depuis plusieurs mois, les JO de Paris (26 juillet-11 août) font l'objet de campagnes de manipulation et de désinformation, notamment des réseaux pro-russes, mais pas uniquement.
Moscou a toujours démenti mener des campagnes de cette nature, alors que de nombreux gouvernement occidentaux ont dénoncé ces agissements qu'ils qualifient de guerre hybride.
Les réseaux pro-russes avaient déjà été soupçonnés d'agir sous faux drapeau fin 2023 contre les JO, en faisant circuler des images de graffiti faisant un parallèle entre les Jeux de Paris et ceux de Munich en 1972, quand l'organisation palestinienne Septembre noir (classée organisation terroriste par l'UE) avait abattu des membres de la délégation israélienne.
Ces graffiti étaient très probablement des montages car ils n'ont jamais été vus dans les rues de la capitale, soulignait à l'époque une source sécuritaire.
Les plus commentés
La banlieue sud de Beyrouth de nouveau sous le feu israélien
Pour les 20 ans du départ de l'armée syrienne, Bassil parle d'une « deuxième occupation »
Presque six ans après la crise, le Liban décide (enfin) d’émettre de nouveaux billets de banque