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Jacques Liger-Belair, construire selon sa culture

Jacques Liger-Belair, construire selon sa culture

Pour Jacques Liger-Belair, architecte, enseignant et auteur de L’Habitation au Liban (The Dwelling in Lebanon, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, 2000) et Beyrouth 1965-2002 (Dar an-Nahar, 2003), l’authenticité d’une architecture se manifeste dans une expression « vraie » des formes conçues pour protéger les occupants « des rigueurs du climat, des animaux et des hommes ». C’est plus précisément trouver des solutions de toiture, de rapports thermiques entre l’intérieur et l’extérieur, de proportions entre les espaces et les habitants et, en outre, des solutions pour les « impératifs d’ordre esthétique ». Par cela, il précise les concepts de l’« unité de forme » et un « accord entre l’architecture et la nature environnante ». Que la structure du bâtiment, son organisation interne et sa fonction sociale ne soient pas escamotées, mais explicitement révélées !

L’auteur met l’accent sur l’intuition ou la spontanéité de l’homme qui bâtit en adoptant l’architecture vernaculaire. Celui-ci créait des formes qui respectaient « la vie de l’habitant, le matériau utilisé et le paysage environnant ». Cet « être passionné et logique qui rêvera beaucoup devant sa montagne, sa mer (et) ses vieilles pierres » à qui Liger-Belair faisait confiance pour concevoir et construire une architecture authentique, relève aujourd’hui, quelques décennies plus tard, d’autres défis.

Une architecture authentique doit être issue de son temps. Elle s’accorde ainsi avec l’utilisation des technologies de construction modernes, des matériaux contemporains, des conceptions répondant aux besoins sociaux, environnementaux et économiques actuels… « Est moderne (…) ce qui est en étroite conformité avec le génie de l’époque et du lieu », évoque Liger-Belair. Une tentative de définition de cette architecture pourrait être la suivante : une architecture authentique est celle qui est en étroite conformité avec les récentes valeurs humaines de notre société. Pour atteindre cette authenticité, nous pouvons examiner la maîtrise de trois aspects qui apparaissent essentiels. Le premier aspect est la connaissance de soi, le second concerne la compréhension des facteurs influençant notre culture, et le troisième implique l’examen des raisons d’être de ces influences.

La maxime philosophique « Connais-toi toi-même », empruntée à la Grèce antique (inscrite sur le frontispice du Temple de Delphes), nous exhorte à explorer en profondeur nos valeurs, notre Histoire et nos besoins actuels. Cette introspection est fondamentale, car c’est en nous connaissant véritablement que nous pouvons effectuer des choix guidés par un sentiment d’intégrité. Par ailleurs, il est impératif de se familiariser avec les courants et écoles de pensée, ainsi que les avancées technologiques, et les évolutions artistiques et philosophiques, ces objets qui exercent une influence directe sur notre culture. Comprendre la raison d’être de ces objets-là est également essentiel afin de pouvoir les refuser ou les adapter de manière appropriée à notre propre contexte. Quel est la finalité de cette idée ou objet ? Sont-ils motivés par une valeur ou un principe spécifique ? S’alignent-ils avec nos propres valeurs et objectifs ? Ces réflexions permettent non seulement de discerner la pertinence des idées et des objets, mais aussi de les intégrer de manière cohérente et significative dans notre vie quotidienne, et par conséquent, dans nos espaces bâtis.

En spéculant sur ces trois aspects, la petite construction à Haret Sakher, illustrée dans l’article de Liger-Belair, peut être interprétée de la manière suivante : la simplicité des habitants de l’époque se reflète dans le choix d’un plan rectangulaire et de quatre arcades, le tout aux géométries clairement définies. Cette construction s’intègre dans son environnement immédiat, illustrant la relation entre l’homme et la nature. Ceci s’établit dans l’utilisation de la pierre locale et de la création d’un espace semi-privé, le balcon, qui est probablement orienté de manière à offrir une vue sur la mer (la baie de Jounieh). La hauteur de l’édifice est limitée par le savoir-faire et les instruments disponibles à cette époque. Ce savoir-faire architectural, hérité des générations précédentes, est caractéristique de l’architecture vernaculaire. La pierre, matériau à la fois économique et durable, résiste aux conditions climatiques et au passage du temps, tandis que les arcades servent de structures porteuses en l’absence de linteaux à dimensions appropriées.

Cet exemple illustre les valeurs – ces « principes généraux que les individus d’une société considèrent comme bons et souhaitables » – de simplicité, d’harmonie, et d’intégration dans la nature. Aujourd’hui, quelles valeurs pouvons-nous engraver sur le « frontispice de notre temple » ? Observons notre milieu, et réfléchissons aux espaces qui nous réfléchissent !

Pour Jacques Liger-Belair, architecte, enseignant et auteur de L’Habitation au Liban (The Dwelling in Lebanon, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, 2000) et Beyrouth 1965-2002 (Dar an-Nahar, 2003), l’authenticité d’une architecture se manifeste dans une expression « vraie » des formes conçues pour protéger les occupants « des rigueurs du climat, des animaux et des hommes »....
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