Des dizaines de milliers de passagers seront privés d'avions jeudi en France et en Europe malgré la levée d'un préavis de grève par le principal syndicat de contrôleurs aériens, le délai étant trop court pour reprogrammer les vols.
Trois vols sur quatre seront supprimés au départ ou à l'arrivée de Paris-Orly, le deuxième aéroport français ; 55% à Roissy-Charles-de-Gaulle, le premier ; 65% à Marseille-Provence (sud-est) et 45% sur toutes les autres plateformes de France métropolitaine.
Transavia, compagnie à bas coûts du groupe Air France-KLM, a annoncé l'annulation de 198 vols jeudi, tandis qu'Air France a prévenu que « des annulations importantes et des retards [étaient] à prévoir ».
Formalisées dans une notification de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) aux compagnies aériennes, ces demandes d'annulations visent à mettre en adéquation les effectifs disponibles et le trafic. La DGAC avait fait des requêtes initiales mardi soir aux compagnies, avant qu'un accord soit finalement annoncé mercredi avec le syndicat majoritaire, le SNCTA.
« Malgré la levée de ce préavis, l'aboutissement tardif des négociations avec le SNCTA et la nécessité de finaliser les discussions avec les autres organisations syndicales ne permettront pas d’éviter des perturbations » jeudi, a indiqué la DGAC, en appelant « les passagers qui le peuvent à reporter leur voyage et à s'informer auprès de leur compagnie aérienne ».
« Un accord a été trouvé, le SNCTA lève son préavis », avait auparavant annoncé l'organisation dans un court message sur son site internet, à l'issue d'une conciliation de « dernière minute » dans la nuit de mardi à mercredi.
Le SNCTA, qui a rassemblé 60% des voix des contrôleurs aériens aux dernières élections, protestait contre les mesures d'accompagnement, notamment salariales, d'une refonte du contrôle aérien français, et promettait une « mobilisation record » pour jeudi, malgré l'engagement à ne pas faire grève pour des raisons salariales dans le cadre d'une « trêve olympique » annoncée en septembre dernier avant les JO de Paris (26 juillet - 11 août).
Le ministre délégué aux Transports, Patrice Vergriete, a salué un accord « gagnant-gagnant ».
Passagers européens « dans le flou »
« L'usager va y trouver plus de sécurité, moins de retards » grâce à la réforme, a estimé M. Vergriete dans un entretien téléphonique avec l'AFP, sans donner de détails sur les concessions obtenues par les contrôleurs. Le SNCTA réclamait notamment 25% d'augmentation des rémunérations étalées sur cinq ans.
Le ministre a assuré qu'il s'agirait d'une opération blanche pour le contribuable, le budget de la DGAC étant abondé par les redevances acquittées par les compagnies aériennes. Celles-ci répercutent néanmoins leurs coûts sur le prix de leurs billets.
Selon M. Vergriete, le SNCTA a renoncé à un deuxième préavis, pendant le week-end à rallonge de l'Ascension les 9, 10 et 11 mai. Les contrôleurs aériens comptent deux autres syndicats représentatifs, l'Unsa Icna et l'Usac-CGT, qui n'ont pas communiqué mercredi. « On est très optimistes sur le fait de pouvoir boucler l'accord » avec eux, a dit le ministre.
En attendant, la journée de jeudi s'annonce très difficile pour les voyageurs aériens en France, mais aussi en Europe où « des centaines de milliers de passagers (sont) dans le flou », a déploré la principale association de compagnies aériennes du Vieux Continent, Airlines for Europe.
Elle a évoqué déjà plus de 2.000 vols annulés et 1.000 risquant de devoir se dérouter pour éviter l'espace aérien français jeudi, au prix de « retards et perturbations supplémentaires ».
« L'ampleur des perturbations causées par ce mouvement de grève et l'impact qu'il a sur nos clients sont totalement inacceptables, en particulier pour les centaines de milliers de clients dont les vols ne décollent ou n'atterrissent pas en France mais qui subiront des perturbations importantes au cours de leur voyage demain », s'est irrité le directeur général d'easyJet, Johan Lundgren, dans une déclaration transmise à l'AFP.
Comme d'autres compagnies, easyJet a précisé que ses clients affectés avaient la possibilité de changer de vol gratuitement ou d'être remboursés.
L'Association internationale du transport aérien (Iata) qui rassemble plus de 300 compagnies captant 83% du trafic mondial, a pour sa part accusé les contrôleurs aériens français de « chantage » avec leurs « exigences exorbitantes ».
« Les contrôleurs aériens français devraient être raisonnables et négocier leurs rémunérations et conditions de travail avec à l'esprit la santé non seulement de leur profession, mais aussi de l'économie française », a déclaré un porte-parole.
Selon l'organisme Eurocontrol, l'espace aérien qu'il surveille voit actuellement transiter quelque 30.000 vols quotidiens. En France, mercredi, quelque 5.600 décollages et atterrissages étaient prévus selon le tableau de bord de la DGAC.
Sans atteindre les niveaux estivaux, le trafic aérien français s'avère actuellement soutenu au moment où deux des trois grandes zones académiques sont toujours en vacances de printemps. Roissy a accueilli lundi 203.000 passagers et Orly 111.000, or ces aéroports concentrent environ la moitié du trafic français.