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Culture - 7e Art

Le cinéma Metropolis de retour à Beyrouth cet été, envers et contre tout

Grâce à une mise à disposition d’un terrain en face du port dans le quartier de Mar Mikhaël à Beyrouth, fourni par la société Unifoncière S.A.L, l’association inaugurera cet été deux salles et une cinémathèque. Une promesse d’espoir pour le 7e art local et régional, mais aussi, plus globalement, pour la culture. Hania Mroué, cofondatrice de l’Association Metropolis, et Zeina Sfeir, sa présidente, dévoilent les détails de ce projet en exclusivité à « L’Orient-Le Jour ».

Le cinéma Metropolis de retour à Beyrouth cet été, envers et contre tout

Pour ses nouvelles salles, l’association Metropolis mise sur des structures légères et amovibles. Photo courtoisie Metropolis

Dans le paysage du cinéma libanais, le Metropolis – depuis sa fondation à Hamra en 2006, dans la petite salle du théâtre al-Madina (Saroulla), et jusqu’à la fermeture en janvier 2020 de ses deux salles du centre Sofil où il avait déménagé en 2008 – a toujours été considéré comme l’ovni préféré des amateurs du septième art. En marge de la programmation commerciale des circuits usuels, plutôt portés sur les blockbusters et autres œuvres grand public, les deux salles du Metropolis ont en ce sens été les premières d’art et d’essai de la région. On se souvient de leurs programmes riches et éclectiques, alliant une série de festivals devenus incontournables au fil des années – dont le Festival du film européen, le festival Écrans du réel dédié aux documentaires, Beirut Animated et le Youth Film Festival, auxquels s’ajoutaient la reprise de festivals prestigieux tel celui de la Semaine de la critique, mais aussi des partenariats avec Arte ou Les Cahiers du cinéma. Mais par-delà ses salles de projection, l’Association Metropolis, cofondée par Hania Mroué et présidée par Zeina Sfeir, a œuvré depuis 2006 à promouvoir et soutenir les films indépendants libanais, arabes et internationaux, à inciter le jeune public à découvrir le cinéma grâce à des cycles réguliers, à établir une programmation riche et variée en partenariat avec des acteurs locaux et internationaux, et enfin à favoriser l’accès au cinéma pour tous. Bref, à donner au septième art la place qu’il mérite au Liban, et plus globalement dans la région.

Un projet de deux salles de cinéma, l’une d’une centaine de places, l'autre pouvant accueillir environ 200 sièges, ainsi qu’un jardin où 400 personnes pourront profiter d’un cinéma en plein air. Photo courtoisie Metropolis

Une initiative globale et cruciale pour le 7e art

C’est dans cette perspective qu’outre sa vie de nuit, « le Metropolis avait également sa vie de jour. La partie de l’iceberg moins connue et à travers laquelle 25 000 étudiants se rendaient dans nos salles pour des rétrospectives de grands maîtres italiens ou français, ou encore pour être initiés au cinéma local », souligne Hania Mroué. « Il y avait également des ateliers de formation pour des jeunes talents, des sortes de coup de pouce pour faciliter leur intégration au marché du travail, que ce soit dans le montage, le son, la distribution, et qui se faisaient en partenariat avec les festivals de Berlin et Locarno », rappelle-t-elle.

En plus de ces activités-là, la cinémathèque du Metropolis, reposant d’une part sur des rétrospectives périodiques et d’autre part sur des archives permettant « de conserver notre patrimoine cinématographique », comme l’explique Zeina Sfeir, avait fait de l’association une initiative holistique et cruciale sans laquelle le septième art n’aurait jamais atteint un tel niveau de rigueur au Liban. Le plus frappant, précise Hania Mroué, c’est que « nous avons toujours été indépendants, puisque nous sommes une organisation à but non lucratif. Et en étant indépendants du marché ou d’autres organismes, nous avons pu offrir le meilleur du cinéma mondial sans avoir à nous soucier de ce qui marche ou marche moins d’un point de vue commercial ».  Contre toute attente, et en dépit des défis financiers qu’engage la survie d’un cinéma indépendant, en dépit, aussi, de son caractère plus confidentiel et un rien « indé », le succès et en tout cas l’impact du Metropolis n’ont cessé de croître au fil du temps.« À la rentrée 2019, juste avant le début de la crise socio-économique libanaise, nous avions constaté que nos salles attiraient sans cesse de nouveaux publics, curieux et motivés, à tel point que nous avions commencé à réfléchir à une expansion et à l’ouverture d’une troisième salle », racontent Mroué et Sfeir, pour qui la fermeture soudaine du Metropolis a été un véritable choc. « Nous avons appris en janvier 2020 que les salles avaient été vendues et qu’il fallait qu’on plie bagage et que l’on parte. » Les quatre dernières années, entre 2019 et aujourd’hui, c’est-à-dire au cœur d’une situation socio-financière sans précédent, l’association Metropolis, au lieu de mettre la clé sous la porte, a continué à déployer ses activités partout dans Beyrouth, et dans le Liban, « en mode nomade, que ce soit à travers des projections en plein air ou des collaborations avec des municipalités partout dans le pays », souligne Zeina Sfeir. « Rouvrir nos salles était pourtant un projet auquel nous réfléchissions sans cesse. Au départ, nous avons visité des écoles désaffectées, des vieux cinémas délabrés ou des usines délaissées. Et puis on a eu cette idée, folle pour certains, de construire nos propres locaux », confie Hania Mroué.

En face du port de Beyrouth, l’Association Metropolis a démarré son chantier de construction d’un nouveau local. Photo courtoisie Metropolis

La troisième vie des cinémas Metropolis

À l’heure où la plupart des donateurs concentrent leurs aides sur des domaines et des disciplines considérés comme plus « urgents » ou « importants », le Metropolis aura trouvé des mécènes rêvés qui croient en l’importance et au rôle du cinéma, maintenant plus que jamais auparavant. La société Unifoncière S.A.L. a également mis à disposition un terrain dans le quartier de Mar Mikhaël, en face du port de Beyrouth, où l’Association Metropolis a démarré dès la fin de l’année 2023 le chantier de construction d’un local qui abritera deux salles de cinéma, l’une d’une centaine de places, la seconde pouvant accueillir environ 200 sièges, ainsi qu’un jardin où 400 personnes pourront profiter d’un cinéma en plein air. À cela viendra s’ajouter un café, mais aussi, surtout, une cinémathèque en bonne et due forme qui agira comme « un centre de ressources, avec ses plus de 3 000 ouvrages dédiés au 7e art, ainsi que les archives cinématographiques du Metropolis, notamment des archives du cinéma libanais », affirment Mroué et Sfeir, décrivant ce pan du projet comme « une manière de préserver une partie de notre mémoire ». Et de poursuivre : « Même d’un point de vue architectural, nous avions voulu que nos locaux se fassent avec un souci de durabilité. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour une structure légère qui peut être démontable éventuellement, et donc mobile. »

Une maquette de l’espace construit du nouveau Metropolis sis à Mar Mikhaël. Photo courtoisie Metropolis

Le nouveau Metropolis, dans sa troisième vie après Hamra et le centre Sofil, accueillera toutes ses activités usuelles, « avec, en addition, une ouverture vers les cinémas sud-américain, africain et asiatique. Nous avons déjà bouclé notre programmation pour la première année et nous commencerons notre saison avec la reprise du festival de documentaires Écrans du réel en septembre. Il y aura aussi un grand volet qui sera consacré à la jeunesse, avec des ateliers et le Youth Film Festival ; ainsi qu’un volet qui sera dédié au cinéma arabe, avec un festival autour de ce thème. Nous souhaitons relancer nos partenariats avec les festivals de Berlin et Locarno et même, à la demande du public, reprendre la Semaine de la critique », confie Hania Mroué en exclusivité à L’Orient-Le Jour.

Dans nos archives

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Et à tous ceux qui considèrent cette initiative comme une folie, au vu du Liban qui se délite et dont chaque lendemain relève de l’inconnu, Hania Mroué et Zeina Sfeir répondent de concert et avec une détermination troublante : « En ces moments de crise, la culture et le cinéma sont d’autant plus importants et nécessaires. On refuse de devenir un peuple qui survit uniquement, de guerre en guerre. Et comme les cinéastes locaux se battent pour réussir à produire des œuvres, nous nous devions de nous battre pour mettre ces œuvres-là en lumière, pour que le cinéma libanais ait une place internationale, mais aussi et surtout pour qu’il rencontre son public. Même s’il nous reste à lever 20 % du budget nécessaire à la construction de nos locaux, nous sommes confiants, à Metropolis, que cet appel aux dons trouvera un écho chez nombre de cinéphiles ou de mécènes qui croient dans le rôle du cinéma. » En tout cas, ce qui est sûr, c’est que pour les Libanais dont l’horizon semble bouché, la réouverture du Metropolis sera une fenêtre qui ramènera dans la vie le pays et sa culture.

Dans le paysage du cinéma libanais, le Metropolis – depuis sa fondation à Hamra en 2006, dans la petite salle du théâtre al-Madina (Saroulla), et jusqu’à la fermeture en janvier 2020 de ses deux salles du centre Sofil où il avait déménagé en 2008 – a toujours été considéré comme l’ovni préféré des amateurs du septième art. En marge de la programmation...

commentaires (3)

Bravo, bravo et bravo! Et mille mercis de résister avec nous !

Madi- Skaff josyan

23 h 45, le 26 avril 2024

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Commentaires (3)

  • Bravo, bravo et bravo! Et mille mercis de résister avec nous !

    Madi- Skaff josyan

    23 h 45, le 26 avril 2024

  • BRAVO! Impeccable,les Femmes!

    Marie Claude

    08 h 19, le 24 avril 2024

  • meilleure nouvelle de l'année!

    May Parent du Chatelet

    21 h 49, le 23 avril 2024

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