Israël s'applique à créer, au sein de la bande de Gaza, une zone tampon censée renforcer la sécurité du sud du pays, empiétant sur un territoire palestinien déjà exigu et faisant craindre de sérieuses violations des droits de ses habitants.
Le 7 octobre, les combattants du mouvement islamiste palestinien Hamas ont mené l'attaque la plus violente de son histoire, après avoir enfoncé les grillages censés justement l'en empêcher.
Ces dernières semaines, l'armée israélienne a donc entrepris de rendre inhabitable une bande d'un kilomètre de large, d'un bout à l'autre de Gaza, a montré un expert à l'AFP. Dans sa partie la plus étroite, le territoire ne dépasse pas les 6 kilomètres de large.
Plus de 30% des bâtiments de cette langue de terre ont été détruits, affirme Adi Ben Nun, professeur à l'université hébraïque de Jérusalem, sur la base d'images satellites. "C'est une question ouverte, ce n'est pas secret".
En janvier, le chef de l'armée israélienne Herzi Halevi avait été contraint de se justifier sur "une opération dans la zone tampon entre les communautés israéliennes et Gaza". Pas moins de 21 réservistes y avaient été tués, le pire bilan quotidien pour Israël depuis le début de la guerre.
L'armée n'a pas répondu aux questions de l'AFP sur cette zone tampon. Mais des experts soulignent aujourd'hui que le déplacement forcé de Gazaouis pourrait constituer une violation des droits de la guerre.
"Ne pas empiéter" sur Gaza
"Nous voyons des preuves croissantes qu'Israël rend inhabitables de vastes zones de Gaza (...). Cela pourrait relever de crimes de guerre", dit à l'AFP Nadia Hardman, spécialiste des droits des réfugiés pour l'organisation Human Rights Watch. "Si le gouvernement israélien veut une zone tampon, il a tous les droits d'en créer une en Israël" mais "pas de s'approprier du territoire dans Gaza", renchérit sur X Ken Roth, professeur à l'Université Princeton aux Etats-Unis.
Washington, allié indéfectible d'Israël, l'a elle même averti sans détour. "Nous restons clairs sur le fait de ne pas empiéter" sur le territoire de Gaza, déclarait en janvier le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. Israël songe pourtant à cette zone tampon depuis au moins 2005, date à laquelle l'armée avait unilatéralement évacué les quelque 8.000 colons israéliens qui s'y étaient établis.
Ce retrait avait mis fin à la présence israélienne sur le territoire, qui datait de la guerre de 1967. Israël, considéré internationalement comme un occupant illégal, avait finalement renoncé au projet, mais a conservé depuis le contrôle des frontières et imposé un blocus sur Gaza.
L'Egypte, de son côté, maintient une zone tampon avec le sud du territoire, mais sur son propre sol. La sécurité à la frontière - non reconnue internationalement - entre Gaza et Israël est une priorité pour les Israéliens déplacés des villes et villages les plus proches de Gaza, lourdement frappés le 7 octobre.
Pas pour les enfants
"La zone tampon est importante pour que ceux qui veulent rentrer chez eux se sentent en sécurité", fait valoir Israela Oron, ancien général. Mais l'heure n'est pas venue. Aucun des 400 habitants de Nahal Oz, évacué après le 7 octobre, n'est rentré. "Ce n'est pas un endroit où on peut revenir avec ses enfants. Pas encore, malheureusement", admet auprès de l'AFP Eran Braverman, un agriculteur de 63 ans, qui participe aux travaux de remise en état du kibboutz.
Plus de 1.160 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans l'attaque lancée le 7 octobre par des commandos du Hamas depuis la bande de Gaza, la plus violente dans l'histoire d'Israël, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes. Sur les quelque 250 personnes emmenées à Gaza le 7 octobre, selon Israël, 132 otages y sont toujours retenus, dont 27 ont été déclarés morts par l'armée.
En riposte, le gouvernement de Benjamin Netanyahu a juré d'"anéantir" le Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007, et lancé une offensive militaire qui a fait plus de 27.000 morts, en grande majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement palestinien. Dans les scénarios de l'après guerre, l'idée d'une zone tampon "est revenue sur la table", note Cecilie Hellestveitde, de l'Académie norvégienne de droit international.
Fin janvier, la plus haute juridiction de l'ONU, saisie par l'Afrique du Sud, a appelé Israël à empêcher tout acte éventuel de "génocide" à Gaza. Selon l'experte, les responsables israéliens pourraient devoir répondre d'accusations sur le risque "d'épuration ethnique, le transfert (illégal de populations) ou l'absence de reconstruction, qui fera que les Palestiniens seront forcés de complètement quitter la zone".
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