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Économie - Succès d’entreprises

Plastc Lab, une société libanaise qui redonne vie au plastique usagé

Les trois cofondateurs de cette entreprise veulent prouver qu’entrepreneuriat social et « business » peuvent aller de pair.

Plastc Lab, une société libanaise qui redonne vie au plastique usagé

Rami Sbeih (g.), Ralph Bourji (c.) et Ralph Sbeih, les trois cofondateurs de Plastc Lab, assis sur un banc en plastique recyclé posé devant un mur construit de briques en plastique recyclé. Photo Fouad Gemayel

Deux fois par mois, « L’Orient-Le Jour » se propose de raconter les récits d’entreprises libanaises qui prennent des risques et parviennent parfois à obtenir des résultats, en dépit de la crise. Dans ce dix-septième épisode, trois compères, les frères Rami et Ralph Sbeih, et leur ami Ralph Bourji, reviennent sur la révolution écologique silencieuse qu’ils mènent depuis 2020.

Plastc Lab est en mission et ne compte pas s’arrêter de sitôt. Son objectif : opérer un changement de mentalité au Liban en ce qui concerne le recyclage du plastique et la démocratisation de l’usage de cette matière transformée dans un pays qui ne réintègre dans l’économie circulaire qu’une quantité infime des près de 1 000 tonnes de déchets plastiques qu’il produit au quotidien. Une façon aussi de prouver qu’entrepreneuriat social et « business » peuvent aller de pair.

« Le plastique qu’on obtient est résistant à l’eau et aux moisissures. Il est personnalisable et encore recyclable. En plus, son prix est compétitif avec des produits similaires fabriqués à partir de matériaux différents », souligne Rami Sbeih, PDG et cofondateur de cette société qui se concentre aujourd’hui sur la production de tables, de chaises ou de bancs destinés à un usage en intérieur et en extérieur.

La machine utilisée par Plastc Lab pour découper les planches en plastique recyclé. Photo Fouad Gemayel

Malgré tous ses avantages, le recours au plastique recyclé peine encore à séduire, étant « mal vu par le public », explique Rami Sbeih. « Il est perçu comme étant bon marché, comme sentant mauvais, ou encore comme étant moins bon ou moins beau que le plastique normal. Or il s’agit là d’idées fausses et nous voulons contribuer, à travers nos produits, à changer cette perception. Et vu le manque de recours au recyclage au Liban, nous estimons qu’il y existe un très fort potentiel », assure le cofondateur.

Le trio

L’entreprise, établie depuis 2020 à Halate dans un local de 1 500 m², ressemble à un énorme centre de recherches et de développement qui enchaîne, chaque jour, tests et prototypes. Un processus enclenché un an auparavant, alors que Rami Sbeih, biochimiste de formation, commençait à expérimenter depuis chez lui. S’inspirant des plans partagés sur la plateforme preciousplastic.com, dédiée au recyclage du plastique, ce passionné de nature décide de construire ses propres machines. Il conçoit un broyeur et un injecteur de plastique qu’il utilise avec les déchets plastiques récupérés auprès de son entourage. Ce plastique est alors entreposé, lavé et recyclé dans une parcelle de terrain à côté de la maison familiale à Wata el-Joz, dans le Kesrouan.

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Bien que le Liban entre fin 2019 dans une crise multidimensionnelle, le projet de Rami prend forme. Avec son frère Ralph, ingénieur civil, ils se mettent à la recherche de moyens pour passer à la vitesse supérieure. Ils se présentent donc à des programmes mis en place pour venir en aide aux entrepreneurs, auprès desquels ils réussiront à obtenir le financement nécessaire pour mettre leur projet sur rails, recevant 30 000 euros auprès de Makesense et 37 000 dollars auprès de Berytech en 2020. Ils embarquent alors avec eux Ralph Bourji, ingénieur mécanique et ami d’enfance, et les trois compères lancent enfin Plastc Lab.

Se répartissant les rôles comme suit : Rami, PDG ; son frère, responsable de la stratégie ; et Ralph Bourji, responsable des opérations, le trio enchaîne les compétitions et obtient, en tout et jusqu’à aujourd’hui, près de 250 000 dollars. Une enveloppe qui leur sert principalement à construire et acquérir de nouvelles machines ; à expérimenter et varier les procédés ; et à trouver des usages pour leur plastique recyclé. « Depuis notre lancement, nous ressemblons plus à un laboratoire qu’à une société qui produit à la chaîne et commercialise des biens finis », plaisante Ralph Sbeih. Concrètement, l’équipe a dû adapter les machines et les instruments auxquels elle a recours : « 80 % de nos machines sont fabriquées au Liban », souligne Ralph Bourji.

Le plastique récupéré est broyé avant d'être recyclé. Photo Fouad Gemayel

Les bonnes formules

En sus du lancement de Plastc Lab, les entrepreneurs ont dû apprendre à mieux connaître le plastique avec lequel ils travaillent afin de trouver les bonnes formules permettant à leurs produits finaux d’avoir les caractéristiques voulues. La matière première à laquelle a recours la société se constitue principalement de deux catégories de plastiques parmi les sept reconnues dans la grande famille de ce matériel. Le premier est connu sous l’abréviation HDPE (polyéthylène haute densité) et est généralement utilisé dans la fabrication des bouchons de bouteilles en plastique, des bouteilles de produits de lessive ou des jouets. Le second, d’abréviation PP (polypropylène), est, lui, généralement utilisé pour la fabrication de bouteilles de médicaments, de yaourts ou autres boîtes alimentaires.

Afin de se fournir en plastique, Plastc Lab travaille avec plusieurs ONG qui s’occupent elles-mêmes de la récupération et du tri. « Nous avons aussi essayé de nous en fournir auprès des acteurs du secteur informel (les personnes qui récupèrent le plastique et autres matières dans les déchèteries, NDLR), mais cette expérience n’était pas très réussie, plusieurs types de plastiques étant mélangés et puis broyés ensemble », explique Ralph Sbeih.

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Aujourd’hui, le groupe produit notamment des poutres pouvant aller jusqu’à 2,5 mètres de long et des plaques en plastique d’un mètre de long, d’un mètre de large et d’une épaisseur allant de 0,4 à 5 centimètres. Plastc Lab retravaille ensuite ces produits intermédiaires pour en faire des tables, des chaises, des bancs ou des briques pour la construction de murs. La majorité de leurs clients sont actuellement constitués d’organisations locales et internationales qui sont respectueuses de l’environnement. « Pour l’instant, nous travaillons principalement d’entreprise à entreprise, pour des projets de taille relativement importante », précise Ralph Bourji.

2024, l’année de transition

Avec un effectif passé de 5 employés en 2020 à 10 en 2023, la société compte embaucher deux employés supplémentaires cette année, dont un designer de produits. « L’année 2024 sera celle de la transition de ce laboratoire d’expérimentation à celle d’une entreprise spécialisée dans la conception de produits et de mobilier extérieur. Nous voulons désormais mettre l’accent sur la conception et la production de produits pour séduire un public plus large », souligne le responsable de la stratégie.

Les plaques en plastique recyclé font entre 0,4 et 5 centimètres de largeur. Photo Fouad Gemayel

Depuis son lancement fin 2020, Plastc Lab estime avoir recyclé 80 tonnes de plastique, dont 30 tonnes en 2022 et en 2023. « Cela représente 80 camions de plastique qui n’a pas été déversé dans les décharges », résume-t-il. « Cette année, notre objectif est d’en recycler quelque 60 tonnes », précise Rami Sbeih, qui ajoute vouloir poursuivre le développement de partenariats, de formations et d’ateliers que Plastc Lab fournit aux écoles et aux universités libanaises.

« 2024 sera aussi l’année où nous nous préparons à entrer sur le marché saoudien, avec une installation prévue en 2025. C’est le plus grand marché de la région et le potentiel qui y existe est énorme. Cela représente une importante opportunité pour nous », conclut le PDG. L’objectif est d’y installer une usine et d’y organiser également des conférences et des ateliers de formation.

Deux fois par mois, « L’Orient-Le Jour » se propose de raconter les récits d’entreprises libanaises qui prennent des risques et parviennent parfois à obtenir des résultats, en dépit de la crise. Dans ce dix-septième épisode, trois compères, les frères Rami et Ralph Sbeih, et leur ami Ralph Bourji, reviennent sur la révolution écologique silencieuse qu’ils mènent...

commentaires (2)

Bonne initiative, bonne chance mais ce serait mieux encore que les libanais diminuent la consommation de plastique. Dans les supermarchés on est sorti avec plus de 10 sacs et moi j.avais gueulé sinon on en auraient eu 20. On aurait pu mettre lescourses dans un ou 2 carton ou bien chacun prend une corbeille de la maison avec lui.

Staub Grace

11 h 37, le 04 février 2024

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Commentaires (2)

  • Bonne initiative, bonne chance mais ce serait mieux encore que les libanais diminuent la consommation de plastique. Dans les supermarchés on est sorti avec plus de 10 sacs et moi j.avais gueulé sinon on en auraient eu 20. On aurait pu mettre lescourses dans un ou 2 carton ou bien chacun prend une corbeille de la maison avec lui.

    Staub Grace

    11 h 37, le 04 février 2024

  • Bravo pour cette entreprise qui allie compétences techniques et intérêt général...

    ROUILLEAULT Michel

    11 h 31, le 04 février 2024

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