« Si Nasrallah nous demande de sacrifier nos enfants, nous le ferons »

Ce vendredi 13 octobre est assurément une journée test pour le Liban : dans le cadre de son large appel à tous les pays du Moyen-Orient lancé en début de semaine, le Hamas, soutenu par le Hezbollah, a décrété ce jour comme celui d'une « mobilisation générale » de soutien, au Liban, aux Palestiniens. Des rassemblements sont prévus en plusieurs endroits du Liban, à Beyrouth, au Liban-Sud, dans la Békaa...  La journée est d'autant plus sensible qu'elle a débuté avec l'ordre, lancé par l'armée israélienne, à tous les civils de Gaza d'évacuer le nord de l'enclave.

Nos correspondants sont déployés à Beyrouth et au Liban-Sud. Ci-dessous, les témoignages qu'ils ont recueillis.

- A Hadath, dans la banlieue sud de Beyrouth, où a lieu un rassemblement organisé par le Hezbollah.

Plusieurs milliers de partisans du Hezbollah crient leur solidarité avec la Palestine en ce moment, devant la mosquée Moujtaba, à proximité de l'Hôpital Saint-Thérèse de Hadath, dans la banlieue sud de Beyrouth. Parmi eux, beaucoup de femmes arborant drapeaux palestiniens, du Hezbollah et quelques drapeaux Libanais. Ils scandent leur allégeance au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, alors que des chants partisans sont crachés par des hauts parleurs. Venue manifester avec ses trois enfants, une femme tout de noir vêtue dit à notre journaliste sur place, Emmanuel Haddad: « Si Nasrallah nous demande d'aller à la frontière et de sacrifier nos enfants nous le ferons ».

Des manifestants en soutien à Gaza, dans la banlieue Sud de Beyrouth, le 13 octobre 2023 (Photo Joao Sousa)

Ramia Fakih, elle, n'a pas hésité une seconde. Lorsque le Hezbollah a lancé son appel à la mobilisation pour soutenir les Palestiniens depuis le Liban, elle était l'une des premières à y répondre. Devant la mosquée Moujtaba, drapeau palestinien et keffieh autour du cou, elle exulte : « Nous sommes tous avec les Palestiniens. J'attends du Hezbollah qu'il descende jusqu'à Jérusalem », rapporte notre journaliste sur place, Emmanuel Haddad.

Bahij est venu lui aussi manifester devant la mosquée Moujtaba avec son fils Hassan vêtu d'un treillis militaire. « Tous les pays du monde se sont unis contre le Hezbollah. Mais la réponse viendra le moment venu », affirme-t-il.

Le numéro deux du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, a lancé, lors de ce rassemblement  : « L’opération Déluge d’Al-Aqsa est une réussite à tous les niveaux et une étape historique unique. Elle constituera un repère pour tous les résistants. Elle permettra de se rapprocher davantage de la libération de la Palestine ». Il a ajouté, en référence au groupe aéronaval américain USS. Gerald Ford, arrivé en Méditerranée orientale en début de semaine : « Vos navires ne nous effraient pas, ni vos armes, ni vos déclarations ».

« Votre fin sera similaire à celle de Daech », a lancé le cheikh Naïm Kassem à Israël, en utilisant l’acronyme arabe du groupe jihadiste Etat islamique. Jeudi, le Premier ministre israélien avait déclaré que « tout comme l'Etat islamique a été écrasé, le Hamas sera écrasé ».

« Tout le monde attend de savoir ce que le Hezbollah va faire. Le Hezbollah connaît ses responsabilités. Nous sommes entièrement prêts et suivons les développements à chaque instant. Nous allons participer à cette opération suivant nos plans et notre vision en temps voulu », a-t-il conclu. 

- A Beyrouth, dans le centre-ville

Quelques centaines de manifestants se sont rassemblés dans le centre ville de Beyrouth sur le parvis de la mosquée Mohammed el-Amine. En solidarité avec Gaza, ils scandaient le slogan : « Beyrouth, le Liban, la Palestine », selon des photos envoyées à L'Orient-Le Jour par le photographe Hassan Assal.

Eclairage

« Déluge d'al-Aqsa » : le Hezbollah sait-il exactement ce qu’il va faire ?

- Sur la colline de Aamra, au Liban-Sud

La colline donne sur la localité israélienne de Metoula de Haute-Galilée ; l'armée y vérifie l'identité des passants. Deux hommes à scooter sillonnent les rues. Hassan, 26 ans, déclare à notre journaliste sur place Lyana Alameddine : « Nous n'avons pas peur. Nous voulons que ça éclate, car nous allons libérer la Palestine et Jérusalem. Nous résistons et sommes prêts en permanence. Personne n'est d'ailleurs parti d'ici ».

Ali, qui dit faire partie de la « résistance », affirme être là pour montrer son soutien aux Palestiniens. « Nous ne quitterons pas le territoire. Nous avons beaucoup souffert de l’ennemi sioniste et j’espère qu’avec ces développements, nous obtiendrons un résultat : que les Palestiniens récupèreront leurs terres », observe-t-il, ajoutant que « l'ennemi sioniste a peur du Hezbollah depuis 2006 ».

- A Nabatiyé, au Liban-Sud

Sur la place de Jérusalem à Nabatiyé, les manifestants affluent par centaines, en famille, rapporte notre journaliste sur place Lyana Alameddine. Keffieh autour du cou, ils arborent des drapeaux du Hezbollah et le drapeau national. L’emblème de la Palestine est hissé bien haut. Une réplique de la mosquée al-Aqsa décore la place. Un portrait de l’ancien responsable militaire du Hezbollah Imad Moghnieh, assassiné en 2008 en Syrie, se dresse aussi sur les lieux. « Mort à Israël », scande un homme au micro, aussitôt repris par la foule, alors que retentissent les chants partisans. Ici, une barrière sépare les femmes des hommes. Des ambulances sont postées, à proximité. « Il n’y a d’autre solution que de mettre l’envahisseur à genou », chante un homme, devant la foule. « Le Hezbollah arrive, prends garde, sioniste ! », chante-t-il encore.

Des manifestants en soutien à Gaza, dans la ville de Nabatiyé, au Liban-Sud, le 13 octobre 2023 (Photo Caroline Hayek)

Venue avec ses deux enfants, Zeinab Sabah, résidente de Nabatiyeh, 30 ans, fait part de sa solidarité avec Gaza. « Cela fait sept jours que nous sommes scotchés aux informations, que nous ne dormons pas. Nous sommes heureux de l’action de la résistance », confie-t-elle à notre journaliste. Une autre habitante, sous couvert d'anonymat, rappelle « l'injustice » que subissent les Palestiniens. « J'espère que le jour viendra où nous mettrons fin à Israël », lance-t-elle. « Le Hezbollah va défendre toute la Palestine, pas seulement le Hamas », ajoute-t-elle.

Des adolescentes de la région, keffieh sur la tête, affirment être venues pour la Palestine. « A tes ordres, Nasrallah », scandent-elles, le poing levé, à notre journaliste sur place, Lyana Alameddine. En même temps, elles craignent que la guerre ne gagne le Liban. « Il y a tellement de tension », disent-elles.

- A Rachidiyé, au Liban-Sud

Dans le camp palestinien de Rachidiyé, des milliers de réfugiés palestiniens, arborant le drapeau de la Palestine, crient vengeance contre « l'ennemi israélien ». « Vengeance ! Vengeance », chantent-ils, louant par la même occasion l'action des Brigades Ezzeddine el-Qassam, bras armé du Hamas, selon une vidéo envoyée par notre correspondant sur place, Mountasser Abdallah.

Des manifestants en soutien à Gaza, dans la ville de Nabatiyé, au Liban-Sud, le 13 octobre 2023 (Photo Mohammad Yassine)

- A Saïda, au Liban-Sud

Dans les camps palestiniens de Aïn el-Heloué et de Miyé Miyé ainsi que des habitants de Saïda se sont rassemblés sur la place des Martyrs, rapporte notre correspondant dans la région, Mountasser Abdallah. Keffieh autour du cou, ils ont brandi des drapeaux palestiniens, tandis que de nombreuses jeunes filles étaient habillées en costume traditionnel palestinien.

« C'est une journée de solidarité avec notre peuple, une journée de victoire et une journée de deuil pour les enfants qui meurent sous les décombres », déclare Soha, 20 ans. « Des familles entières meurent à Gaza sous les décombres, nous sommes venus en famille pour montrer notre solidarité », dit de son côté Mahmoud.

- A Baalbeck, dans la Békaa

Devant la mosquée al-Khawla à Baalbeck, quelques dizaines de partisans du Hezbollah se sont rassemblés pour exprimer leur solidarité avec les Palestiniens, selon notre correspondante dans la Békaa, Sarah Abdallah.

- A Tripoli, au Liban-Nord

Des milliers de manifestants palestiniens ont entamé une marche après la prière du vendredi, dans le camp palestinien de Beddaoui, à Tripoli au Liban-Nord, pour exprimer leur solidarité avec Gaza, slogans et chants partisans à l'appui, rapporte notre correspondant sur place, Michel Hallak.