Après le plafonnement des prix de l'essence et le prix coûtant à la pompe pour faire face à l'inflation, le gouvernement français a sorti la carte de la vente à perte de carburants, une mesure jusqu'ici taboue qui sera effective « début décembre ». « Ce sera effectif à partir de début décembre, j'espère le 1er décembre puisque le texte de loi sera examiné à l'Assemblée début octobre », a affirmé lundi le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire sur France 2, deux jours après l'annonce de la Première ministre Elisabeth Borne.
Cette dernière a choisi le Parisien pour annoncer samedi que les distributeurs pourraient vendre de l'essence « à perte » pendant quelques mois afin de leur permettre de « baisser davantage les prix », levant un vieux tabou puisque la vente à perte est interdite depuis 60 ans.
Cet été, les prix du carburant sont repartis à la hausse, frôlant le seuil symbolique des deux euros, dans le sillage de l'envolée des prix du pétrole. Coupes de production de l'Arabie saoudite, réduction des exportations de la Russie et prévisions lugubres d'une pénurie d'offre d'or noir au quatrième trimestre... Le gouvernement ne cesse de rappeler les causes extérieures de cette hausse qui fait mal au porte-monnaie des Français.
S'il a exclu une ristourne générale à la pompe, comme il l'avait fait en 2022, il ne cesse depuis des semaines de multiplier les annonces et les appels à la « solidarité » des distributeurs et des fournisseurs. La vente à perte, dernière en date des mesures annoncées, est interdite en France depuis 1963 mais réclamée par certaines grandes enseignes. Elle est toutefois décriée par les stations-service hors grandes surfaces, tandis que des experts craignent des effets limités sur la durée.
Indépendants pas contents
« Avec cette mesure inédite, nous aurons des résultats tangibles pour les Français, sans subventionner le carburant », a déclaré Elisabeth Borne, sans retenir les propositions de l'opposition qui réclament soit une ristourne comme il y a un an, soit une baisse de la taxation de l'essence. « Notre méthode c'est d'engager tout le monde, l'ensemble des acteurs économiques, dans cette lutte contre l'inflation », a précisé Bruno Le Maire lundi, car « l'Etat ne peut pas porter à lui seul le coût de l'inflation, sinon ça va creuser les déficits ».
« La levée de l'interdiction de revente à perte pour les distributeurs de carburant sera incluse dans le projet de loi » sur les négociations commerciales entre producteurs et distributeurs « présenté début octobre », a précisé le cabinet porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians représentant 5.800 stations-service hors grandes surfaces, a toutefois fait part de son indignation auprès de l'AFP: « Mes adhérents vivent à 40, 50% voire plus de la vente du carburant, donc s'ils vendent à perte, je leur donne trois mois ».
Il s'est en outre dit « sceptique » sur l'effet bénéfique de cette mesure sur le pouvoir d'achat, car si les prix des fournisseurs des grandes surfaces continuent d'augmenter, ces dernières ne pourront « pas se permettre de perdre 15 centimes sur chaque litre d'essence ». De nombreux distributeurs ont procédé ces derniers mois à des opérations de vente de carburant à prix coûtant. La plupart s'étaient engagés la semaine dernière à les poursuivre jusqu'à la fin de l'année alors qu'ils étaient convoqués par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
Le secteur fait généralement de l'essence et du gazole un produit d'appel, ne prenant sur leur distribution que de faibles marges. Dans ce contexte, le prix coûtant ne fait baisser que faiblement le prix facturé au client en bout de chaîne.
Le géant pétrolier TotalEnergies, qui gère le tiers des stations-service en France, avait lui annoncé qu'il prolongerait l'an prochain le plafonnement à 1,99 euro par litre du prix de l'essence et du gazole, annoncé en février dernier, dans ses 3.400 stations, « tant que les prix resteront élevés ».
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