Des centaines de personnes, de confession musulmane, ont incendié plusieurs églises et vandalisé un cimetière chrétien mercredi dans l'est du Pakistan en réaction à un prétendu blasphème proféré par une famille chrétienne.
L'attaque a été déclenchée lorsqu'un groupe de fanatiques religieux a accusé une famille chrétienne locale d'avoir profané le Coran.
"La foule a infligé de sérieux dommages, y compris à des maisons de chrétiens et à plusieurs églises", a affirmé à l'AFP un responsable du gouvernement local, Ahad Noor.
"Des photos et des vidéos de pages du Coran brûlées ont été partagées entre habitants, ce qui a provoqué un tollé", a déclaré de son côté par téléphone Rana Imran Jamil, porte-parole des services de secours de la ville.
Armés de bâtons et de pierres, des hommes ont alors pris d'assaut le quartier à majorité chrétienne de la ville de Faisalabad, a indiqué à l'AFP la police de la zone.
Sur des vidéos postées sur les réseaux sociaux, on peut voir des responsables musulmans locaux exhorter à l'aide de hauts-parleurs leurs fidèles.
"Les chrétiens ont profané le Coran. Tous les religieux, tous les musulmans doivent s'unir et se rassembler devant la mosquée. Mieux vaut mourir si vous ne vous souciez pas de l'islam", clame un religieux.
Dans une autre vidéo, la foule exige que les blasphémateurs présumés soient punis, alors qu'une croix est arrachée du haut d'un bâtiment.
Des images montrent également de la fumée s'échapper de l'église et du mobilier comme des lits et des chaises incendiés dans la rue.
Selon la police et des reponsables des services de secours, au moins quatre églises ont été incendiées tandis que des habitants de ce quartier à majorité chrétienne ont fait état d'une douzaine de bâtiments, utilisés par la communauté chrétienne, endommagés. Ces incidents n'ont toutefois fait aucun blessé.
Cimetière vandalisé
Plusieurs milliers de policers ont été envoyés sur place et des dizaines de personnes arrêtées, a indiqué Amir Mir, ministre de l'Information de l'Etat du Penjab dans un communiqué dénonçant également le blasphème qui serait à l'origine de ces incidents.
Un cimetière chrétien a également été vandalisé, ainsi que le bureau du gouvernement local, la foule exigeant des mesures de la part des autorités.
Un face-à-face s'est ensuite engagé entre la police et la foule en colère. La police et les forces paramilitaires ont été déployées "pour contrôler la situation", a expliqué à l'AFP Ahad Noor, un responsable du gouvernement du district.
Selon un rapport de police, des poursuites seraient engagées contre deux hommes chrétiens qui ont fui la région.
"Nous appelons à la justice et à l'action de la part des forces de l'ordre et de ceux qui rendent la justice (...) afin qu'ils interviennent immédiatement et nous assurent que nos vies ont de la valeur dans notre propre patrie", a posté sur le réseau social X (anciennement Twitter) l'évêque de la ville voisine de Lahore, Azad Marshall.
Yasir Bhatti, un Pakistanais chrétien âgé de 31 ans, a raconté avoir fui sa maison, située à proximité d'une des églises incendiées.
"Ils ont cassé les fenêtres, les portes et sorti les réfrigérateus, les canapés, les chaises et d'autres meubles pour les empiler en face de l'église et les brûler. Ils ont aussi brûlé et profané des bibles", a-t-il affirmé, interrogé au téléphone par l'AFP.
La question du blasphème est particulièrement sensible au Pakistan, où même des allégations non prouvées d'offense à l'islam peuvent entraîner assassinats et lynchages.
La Commission indépendante des droits de l'Homme au Pakistan a plusieurs fois souligné que les lois sur le blasphème étaient utilisées comme des armes pour cibler les minorités religieuses et régler des vendettas personnelles, et que ces incidents violents étaient en augmentation constante depuis plusieurs années.
Les chrétiens, qui représentent environ 2% de la population, occupent l'un des échelons les plus bas de la société pakistanaise et sont fréquemment la cible d'allégations de blasphème fallacieuses et infondées.
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