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Monde - Crise

Au Soudan en guerre, la récolte s'annonce mauvaise et la famine menace

Avec le conflit, c'est "toute la sécurité alimentaire du pays et de ses environs" qui est menacée, prévient Ibrahim al-Dakhiri, patron de l'Organisation arabe pour le développement agricole basée à Khartoum.

Un Soudanais récoltant des oignons dans la région de Jazira, au sud de Khartoum, le 11 mai 2023. Photo AFP

Mohammad Haroun a toujours été embauché dès le premier jour de la saison agricole. Mais cette année, il attend en vain des agriculteurs qui ont abandonné leurs terres et font planer la menace de la famine au Soudan en guerre.

"Je n'ai toujours aucun employeur après cinq jours" à Gedaref, dans le sud frontalier de l'Ethiopie où poussent 40% des céréales du Soudan, raconte-t-il à l'AFP au milieu de centaines de travailleurs journaliers eux aussi désœuvrés.

La saison agricole estivale, la plus importante au Soudan où avant la guerre déjà un habitant sur trois souffrait de la faim, débute avec les premières pluies fin mai. Mais cette année, la guerre est arrivée avant les pluies et ces terres fertiles ont été désertées par leurs exploitants depuis qu'elle a éclaté le 15 avril.

"Je n'ai plus un centime, je ne sais même plus comment me nourrir", s'inquiète Mohammad Haroun qui vient chaque année du Kordofan, plus au nord, pour travailler jusqu'à la récolte de l'automne.

Banques, dettes et carburant 
Mirghani Ali, qui vend semences, engrais et autres pesticides, n'a jamais vu ça, dans un pays où le secteur agricole représente près de 40% du PIB et 80% des emplois. "Normalement à cette période de l'année, on est surchargés, mais là, on n'a reçu que très peu de clients", se désole-t-il. La faute aux banques, "dont les sièges à Khartoum ne répondent plus depuis la mi-avril et qui ont tardé à délivrer des fonds", dit Mohammad Abdelkarim, qui cultive 4.200 hectares de maïs, de coton et de tournesol à Gedaref. "Et même si l'argent finit par arriver, il nous faut encore du temps pour obtenir nos semences et on n'a aucune visibilité sur l'approvisionnement en carburant pour nos machines", dit-il à l'AFP. Et ce, ajoute-t-il, alors que "des récoltants ne pouvaient déjà pas payer leurs dettes". 

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Il y a un an, des agriculteurs amers racontaient à l'AFP que le blé et le pain manquaient au Soudan, mais qu'ils étaient forcés de laisser pourrir leur récolte. La raison ? Le gouvernement, qui jusqu'ici achetait chaque récolte, n'avait plus d'argent. Aujourd'hui, la Banque centrale promet d'ouvrir des lignes de crédit aux exploitants affiliés à des coopératives et des ministres assurent que la saison agricole n'est pas en danger. Mais déjà en 2022, elle était loin de suffire pour nourrir les 45 millions de Soudanais. Avec 7,4 millions de tonnes de sorgho, de mil et de blé produites, il manquait toujours 3,5 millions de tonnes de blé supplémentaires. Avec une autre guerre, celle entre la Russie et l'Ukraine, le Soudan a perdu ses deux principaux pourvoyeurs en céréales. 

Pas prêts avant les pluies 
Maintenant que la guerre est sur son sol, c'est "toute la sécurité alimentaire du pays et de ses environs" qui est menacée, prévient Ibrahim al-Dakhiri, patron de l'Organisation arabe pour le développement agricole basée à Khartoum. "La production industrielle de volailles a été totalement détruite car elle se trouve principalement à Khartoum et n'a plus de chaîne d'approvisionnement", rapporte-t-il. Malgré tout, la culture du maïs, du mil ou des oléagineux a pu commencer "en quelques endroits" mais "avec un manque de préparation jamais vu", poursuit-il.

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"Les pluies ont commencé alors que de nombreux exploitants n'avaient ni graines ni carburant. Maintenant, ils ne peuvent plus travailler leurs terres", trop humides pour les travaux agricoles, abonde Hussein Ibrahim, agriculteur à Gedaref.

Préparer la terre avant la pluie est une condition sine qua non au Soudan où, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 95% des terres cultivées dépendent des eaux venues du ciel. Aujourd'hui, même si cette manne est encore au rendez-vous, entre routes coupées par les tirs, import-export quasiment à l'arrêt et silos pillés, cette saison pourrait être la pire depuis des années, s'inquiètent les acteurs du secteur. L'un de leurs poids lourds, le groupe Haggar fondé il y a près de 120 ans au Soudan et qui travaille avec des milliers d'agriculteurs, a déjà jeté l'éponge. Dans une lettre du 29 mai, il annonce "relever de toutes leurs fonctions l'ensemble de ses employés" dans le pays.

Mohammad Haroun a toujours été embauché dès le premier jour de la saison agricole. Mais cette année, il attend en vain des agriculteurs qui ont abandonné leurs terres et font planer la menace de la famine au Soudan en guerre.

"Je n'ai toujours aucun employeur après cinq jours" à Gedaref, dans le sud frontalier de l'Ethiopie où poussent 40% des...

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