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Culture - Exposition

15x15 : le rendez-vous de la photographie libanaise à Paris

Le 1er et le 2 juin, l’association SOURA ouvre les portes de son exposition dans la galerie Joseph, à Paris. L’occasion de découvrir une scène photographique libanaise multiple et stimulante, et de faire une bonne action !

15x15 : le rendez-vous de la photographie libanaise à Paris

Omar Gabriel, à la fois cinéaste et photographe, a une approche intimiste. © Omar Gabriel

L’association SOURA est une plateforme associative, créée par Marine Bougaran et Mayssa Abou Rahal, en 2019, destinée à soutenir la scène photographique libanaise. « On propose du mentorat aux artistes, on les accompagne, et on a mis en place un partenariat avec le Beirut Center of Photography, créé par Patrick Baz, pour lancer le festival Beyrouth Photo, en 2021. La prochaine édition aura lieu en novembre prochain, et la vente des 150 photos présentées rue de Turenne vont participer à son financement », précise Marine Bougaran, qui a fait partie de l’équipe de Beirut Art Fair entre 2010 et 2018. « Après 2018, je suis devenue commissaire d’exposition spécialisée en photographie. L’exposition 15x15 met à l’honneur une scène libanaise riche et dense, dont l’ancrage dans le pays d’origine est souvent marqué de différentes façons », poursuit la collaboratrice de Mayssa Abou Rahal, ancienne directrice de la galerie Tanit, et actuellement en charge du développement de projets culturels en Arabie saoudite.

Les façades de Vicky Mokbel déclinent le mystère de leurs silences et de leurs fausses symétries. © Vicky Mokbel

Outre la levée de fonds pour Beyrouth Photo 2023, l’idée de l’exposition 15x15 est de créer un événement festif qui donnera une certaine visibilité à la photographie libanaise. « En montrant le travail de 21 photographes, dont quelques-uns sont français, on crée une communauté autour de nos projets et de ces artistes talentueux, dont le dénominateur commun est la qualité. Le public découvrira des artistes de plusieurs générations, et les gens pourront se retrouver dans différents styles : photojournalisme, photo animalière, ou plus plasticienne…» poursuit la curatrice, dont le choix du corpus a dû correspondre à un format : 15x15. « Nous avons également demandé que les photos soient en édition ouverte, pour avoir des prix très accessibles et rendre possible de commencer une collection ou de la compléter. La grande majorité des images sont au prix de 100 euros et datent de ces dix dernières années », annonce la jeune curatrice.

Une photo couleur safran de la révolution de 2019, prise par Ammar Abd Rabbo. © Ammar Abd Rabbo, 2019

Les visiteurs pourront découvrir une photo couleur safran de la révolution de 2019, prise par Ammar Abd Rabbo. Dans un de ses clichés, Betty Ketchedjian esquisse les contours flous qui protègent l’intimité d’un intérieur, alors que Chantale Fahmi a saisi le moment de bascule d’une fin de journée d’été, à la montagne, lorsque la terre minérale et rocailleuse est gagnée par un rose pâle éphémère et prégnant. Alors que Ghaleb Cabbabé pose son regard sur les herbes penchées de bord de route qui palpitent, les lignes transversales des immeubles contemporains de Serge Najjar sont adoucies par une petite chaise, sur un balcon, qui attire toute la lumière. Quant aux façades de Vicky Mokbel, elles déclinent le mystère de leurs silences et de leurs fausses symétries, qui interrogent le vivre ensemble. Sans oublier les courbes sensuelles du nu féminin sous l'objectif de Patrick Baz.

Dans un de ses clichés, Betty Ketchedjian esquisse les contours flous qui protègent l’intimité d’un intérieur. © Betty Ketchedjian

Le cheminement proposé par l’exposition semble raconter la société libanaise. « Omar Gabriel, à la fois cinéaste et photographe, a une approche intimiste, en représentant des scènes de l’ordre du privé, tout en parlant du patriarcat, de la communauté LGBT, et de la condition d’exister librement, en dehors des normes imposées par la société et la famille. Son approche est douce et élégante. Le travail de Clara Abi Nader interroge plutôt son identité féminine, mais aussi l’institution du mariage. Quant à Chantale Fahmi, ses images poétiques évoquent la mémoire des lieux, des objets… » enchaîne Bougaran, dont le projet de montrer la puissance créative des artistes est réussi.

Deux jeunes photographes libanais en vogue

Betty Ketchedjian a commencé la photographie très jeune, et elle a intégré le London College of Communication en master afin de compléter sa formation. « Cela m’a permis d’acquérir plus de rigueur et de maturité dans mes pratiques, et je me suis concentrée sur la photographie conceptuelle. En 2018, j’ai reçu le prix de la Byblos Bank, et en 2019, avait lieu ma première expo solo, “The river that carried me”. Depuis, j’ai exposé avec le Collectif 1200 que nous avons fondé avec 11 photographes libanais afin de nous soutenir et de trouver des solutions pour exposer notre travail. Nous avons déjà exposé à Bordeaux, Madrid et actuellement à Porto », précise la jeune artiste qui affectionne les thématiques abstraites. « Pour l’exposition organisée par SOURA, je présente quatre photographies. Deux d’entre elles appartiennent à mon projet Namesake, qui évoque les questions du souvenir et de l’identité, en relation avec la perte de ma grand-mère. Les autres esquissent ma réflexion actuelle sur l’intimité dans les relations et sa disparition, autour de la gestuelle manuelle des individus », poursuit la photographe rousse, qui scrute les signes des interactions humaines.

Une œuvre de Tarek Haddad intitulée « Intertwining frequencies », 2020. © Tarek Haddad

Heureuse de participer à l’initiative SOURA , elle insiste sur son optimisme concernant la scène photographique libanaise. « Il y a de plus en plus d’initiatives d’individus ou de petits groupes qui se rassemblent pour créer des espaces de visibilité pour les artistes, note-t-elle. Outre le collectif 1200, dont la dynamique nous a permis de faire voyager notre exposition dans plusieurs villes, il y a Takeover, qui est un lieu créé par Ieva Saudargaité. Cet espace artistique alternatif montre qu’au-delà des institutions et des galeries, un mouvement populaire est en train de s’investir », ajoute Ketchedjian, dont le travail ne représente pas le Liban de manière directe. « Néanmoins, le fait d’y avoir passé la plus grande partie de ma vie affecte ma manière de regarder le monde », conclut l’artiste sobrement.

Chantale Fahmi a saisi le moment de bascule d’une fin de journée d’été. © Chantale Fahmi

Depuis Porto, où il expose ses œuvres avec celles du Collectif 1200, Tarek Haddad évoque avec amusement comment il a arrêté ses études d’informatique pour entamer un cursus de photographie, à la NDU puis à l’École nationale supérieure de la photographie à Arles. « J’ai déjà fait des expositions seul, et en collectif. Il y a quelques mois, nous avons présenté avec Laetitia Hakim les œuvres que nous avons imaginées ensemble, autour de questionnements sur l’actualité libanaise. Nos pratiques personnelles n’étaient pas sur ce registre et c’est pour cela que nous avons créé ce binôme », explique le jeune photographe, qui présente trois photos à la galerie Joseph. « Elles interrogent comment s’entrecroisent l’être humain et la nature, et comment des contradictions peuvent émerger dans les modes de fonctionnement qu’on a créés. Ces clichés abordent la question du rapport physique avec la nature, comment on définit le naturel, et le rapport plus théorique avec elle : comment la penser ? J’ai notamment travaillé sur ces aspects lors d’une résidence en Suisse, en 2019, et je continue mes recherches », précise Haddad, qui se réjouit de participer au projet solidaire de cette exposition collective.

Ghaleb Cabbabé pose son regard sur les herbes penchées de bords de route. © Ghaleb Cabbabé

« C’est une chance pour nous de donner, et de recevoir, et le lien que nous créons avec d’autres photographes est très intéressant, il nous permet d’approfondir nos réflexions. J’ai été sensible à cet élan cet été au Liban. Si les dernières années ont été difficiles, j’ai ressenti une belle énergie sur la scène artistique qui foisonne de projets, et ça m’a redonné de l’espoir », confie celui dont le travail est toujours plus ou moins rattaché à son pays d’origine. « La majorité de mes projets y sont créés, et quand je parle de nature, c’est forcément par rapport à mon propre paysage, même si je ne me restreins pas à une localisation précise », conclut Tarek Haddad, qui semble appartenir à une génération dont la lucidité et le sens de l’abstraction sont à la fois ambitieux et prometteurs.

Exposition à la galerie Joseph à Paris, 78 rue de Turenne, les 1er et 2 juin.

Les artistes exposés :
Ammar Abd Rabbo, Clara Abi Nader, Patrick Baz, Yara Bsaibes, Ghaleb Cabbabé, Chantale Fahmi, Omar Gabriel, Tarek Haddad, Gilbert Hage, Betty Ketchedjian, Rania Matar, Lama Mattar, Vocky Mokbel, Serge Najjar, Frédéric Stucin, Thierry Van Biesen et Michel Zoghzoghi.
L’association SOURA est une plateforme associative, créée par Marine Bougaran et Mayssa Abou Rahal, en 2019, destinée à soutenir la scène photographique libanaise. « On propose du mentorat aux artistes, on les accompagne, et on a mis en place un partenariat avec le Beirut Center of Photography, créé par Patrick Baz, pour lancer le festival Beyrouth Photo, en 2021. La prochaine édition...

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