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Lifestyle - Documentaire

Brel, les Marquises et l’envie d’« aller voir »

Brel, les Marquises et l’envie d’« aller voir »

France Brel, le fille du célèbre chanteur belge Jacques Brel, à la Fondation Jacques Brel, le 16 mars 2023. Photo Kenzo Tribouillard/AFP

« Après 60 jours de mer, me voilà aux Marquises. 60 jours, c’est long. Et le manque de vent use la patience. » Le 22 novembre 1975, Jacques Brel arrive à Hiva Oa, « une île où on parle français et où on ne sait pas qui je suis », à 1 500 km de Papeete, en Polynésie française. La traversée du Pacifique, sur son voilier l’Askoy avec sa compagne, l’actrice guadeloupéenne Maddly Bamy, a été éprouvante. Le chanteur belge, qui a fait ses adieux à la scène huit ans plus tôt, entame le dernier chapitre de sa vie, une séquence entourée de mystère qui alimente les rumeurs les plus folles.

Un documentaire original donne à voir les joies, les doutes, les angoisses de l’auteur – et interprète inoubliable – de Amsterdam, Ces gens-là, ou encore Mathilde. Intitulé Le Pacifique, ce film est le deuxième volet d’un triptyque réalisé par l’une de ses trois filles, France, qui a créé la Fondation Brel, espace singulier au cœur de Bruxelles où il peut être visionné. Photos, fragments de films, lettres inédites et extraits d’interviews permettent d’apercevoir ses états d’âme – « Je vis en dents de scie » –, ses tourments, ses contradictions. « Le rêve de mon père était de faire le tour du monde », explique France Brel. « Il a voulu aller très loin et rester dans ce très loin. Et certainement avec l’envie de devenir quelqu’un d’autre. Mais quand on s’appelle Jacques Brel, ce n’est pas simple. »

Ai appris l’annonce de ma mort

Une ombre plane sur ce périple : la maladie, un cancer du poumon qui finira par l’emporter, le 9 octobre 1978, à l’âge de 49 ans. « La santé est possible sans plus. Un jour oui, un jour rien, un jour non », écrit-il au cours de son périple. En juillet 1975, un journal de Charleroi, Le Métropolitain, annonce... qu’il est mort. « Ai appris l’annonce de ma mort, c’est rigolo », écrit-il quelques mois plus tard à sa femme, Thérèse Michielsen, dite Miche. Durant ces mois en mer, il livre aussi ses réflexions sur la célébrité et ses pesanteurs : « Cette fois-ci, les journalistes donnent toute la mesure de leur grandeur. Je suis pourchassé d’île en île ! » Sainte-Lucie, Saint-Vincent, les Grenadines, Moustique. Les escales s’enchaînent. En août 1975, il passe un mois au large du Venezuela pour préparer la traversée du Pacifique, vers les Marquises, qui va durer soixante jours.

Je recommence doucement à écrire

Celui qui répétait, presque comme une devise, « il faut aller voir », a-t-il vécu de belles années, en mer puis sur cette petite île, loin du tumulte du monde ? Sa femme est convaincue qu’il « s’emmerdait comme un vieux rat ». Pierre Perret qui le croise en avril 1975 sur son bateau dans les Antilles, dit qu’il « avait l’air heureux de remonter le courant ».

Dans le fourmillement de témoignages, un retient l’attention, celui de son ami, l’humoriste Raymond Devos, qui tente d’expliquer cette envie de prendre la mer, cette frénésie de voyages : « Je crois que c’est un homme qui s’ennuyait profondément au fond. Un homme qui s’ennuie s’en va tout le temps. » Son séjour est entrecoupé de retours en Europe, principalement pour se soigner. À l’été 1976, Jacques Brel loue une maison sur Hiva Oa et vend l’Askoy.

Ce voilier de 20 mètres connaîtra un destin singulier après s’être échoué sur une plage de Nouvelle-Zélande. Dans les années 2000, deux frères, deux passionnés, Piet et Staf Wittevrongel, rapatrient l’épave sur le littoral flamand pour la rénover. Début 2023, les travaux sont toujours en cours, dans le port de Zeebruges. Ils espèrent une remise à l’eau prochaine. « Je recommence doucement à écrire quelques chansons mais le cœur n’y est plus », écrit Jacques Brel à l’automne 1976. Les Marquises, son dernier album, mélange de textes anciens et de nouvelles compositions, enregistré à Paris, sortira fin 1977, quelques mois avant sa mort. « La pluie est traversière, elle bat de grain en grain, quelques vieux chevaux blancs, qui fredonnent Gauguin », y chante Brel à propos de cet archipel des Marquises, où il a passé l’essentiel des trois dernières années de sa vie. Et où il est enterré.

Jérôme CARTILLIER/AFP

« Après 60 jours de mer, me voilà aux Marquises. 60 jours, c’est long. Et le manque de vent use la patience. » Le 22 novembre 1975, Jacques Brel arrive à Hiva Oa, « une île où on parle français et où on ne sait pas qui je suis », à 1 500 km de Papeete, en Polynésie française. La traversée du Pacifique, sur son voilier l’Askoy avec sa compagne,...

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