Les opposants à la réforme des retraites voulue par le président Emmanuel Macron comptent exprimer leur colère durant le week-end, avec de nouveaux rassemblements et grèves en France, qui se trouve plongée dans une crise politique après le passage en force de l'exécutif.
Deux motions de censure ont été déposées vendredi contre le gouvernement qui a engagé sa responsabilité la veille via l'article 49.3 de la Constitution qui permet l'adoption d'un texte sans vote, sauf en cas de censure. L'intersyndicale a appelé à des rassemblements samedi et dimanche, ainsi qu'à une 9e journée de grèves et manifestations jeudi contre cette réforme décriée qui prévoit notamment le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Le recours au 49.3 est considéré presque unanimement comme un revers pour Emmanuel Macron qui a beaucoup misé de son crédit politique sur cette réforme clé de son second quinquennat. Et d'aucuns craignent une radicalisation des actions. Au moins deux raffineries, celle de PetroIneos à Lavéra (sud-est) et celle de TotalEnergies à Gonfreville-l'Orcher (nord-ouest), pourraient être mises à l'arrêt, au plus tard lundi, selon le syndicat CGT. Jusqu'à présent, les grévistes bloquaient les expéditions de carburant.
Le ministre français de l'Industrie Roland Lescure a laissé entendre samedi que le gouvernement pourrait procéder à des réquisitions en cas de mise à l'arrêt de ces installations. Interrogé sur un risque de pénurie de carburant, le ministre a répondu sur la radio France Info: "On a montré à l'automne qu'on savait prendre là encore nos responsabilités, on les prendra", en référence aux réquisitions alors prises pour débloquer des sites pétroliers lors de grèves pour les salaires. Il a indiqué que de telles mesures étaient "en train d'être déployées" avec les éboueurs de la capitale, où 10.000 tonnes de poubelles s'entassent sur les trottoirs, selon la mairie.
Radicalisation
Des rassemblements sont prévus tout au long du week-end: place d'Italie à Paris, dans la deuxième ville française Marseille mais aussi à Brest (ouest), Toulon, Montpellier (sud-est)... Sans compter les rassemblements spontanés qui peuvent laisser craindre des débordements.
Ainsi, jeudi et vendredi soir, des milliers de personnes se sont retrouvées place de la Concorde à Paris, à quelques centaines de mètres de l'Assemblée nationale et du palais présidentiel de l'Elysée. L'opposition à la réforme y a pris vendredi soir un tournant plus radical, porté par de jeunes militants lassés des cortèges hebdomadaires et prêts à en découdre.
Des centaines de personnes ont affronté la police par petits groupes, avec jets de projectiles. Selon la préfecture de police, 61 personnes ont été interpellées. "On a eu de belles journées de grèves, mais maintenant ils nous faut un mouvement offensif", avait résumé auparavant Jean, étudiant qui tait son nom de famille. A Lyon (centre-est), des manifestants ont fait irruption dans une mairie d'arrondissement et "ont essayé de mettre le feu", mais la police a rapidement éteint l'incendie et arrêté 36 personnes, selon la préfecture.
"Déni démocratique"
D'autres manifestations se sont elles déroulées dans le calme, comme à Lille (nord). "On a l'impression que ce n'est plus une démocratie, on se demande à quoi servent les députés", expliquait Muriel Bruneau, 56 ans. "Je vois en Belgique les gars qui montent dans leur camion à 68 ans, ils n'arrivent plus à les charger. Ça pose des questions de sécurité", a ajouté son mari Dany.
Les motions de censure doivent être examinées à l'Assemblée nationale lundi à partir de 16H00 (15H00 GMT), selon des sources parlementaires. Les députés d'un groupe parlementaire indépendant centriste (Liot) ont annoncé le dépôt d'une motion "transpartisane" de censure du gouvernement, cosignée par des élus de la gauche radicale (Nupes). La motion fustige "l'apogée d'un déni de démocratie inacceptable".
Le Rassemblement national de Marine Le Pen (extrême droite) a également déposé une motion de censure, en soulignant qu'il voterait toutes les motions présentées. Pour faire tomber le gouvernement, une motion doit recueillir une majorité absolue à l'Assemblée, soit 287 voix. Ce qui nécessiterait notamment qu'une trentaine de députés de droite Les Républicains (sur 61) votent la motion du groupe Liot.
Vendredi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a une nouvelle fois mis en garde contre la colère qui monte dans le pays et appelé le président français à "retirer la réforme". Le gouvernement a choisi de relever l'âge de départ à la retraite pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ est le plus bas, même si les systèmes de retraite ne sont pas complètement comparables.
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