Le Sénat français a donné son feu vert au relèvement de 62 à 64 ans de l'âge de départ à la retraite, offrant une victoire d'étape au gouvernement qui reste confronté à une forte contestation de cette réforme voulue par le président Emmanuel Macron.
Avant une septième journée de mobilisation samedi, des secteurs-clés de l'économie restent jeudi affectés par des actions d'opposants à cette réforme qui touche à un des piliers du système social à la française. Sans créer de pénurie à ce stade, les expéditions de carburants sont toujours bloquées à la sortie de plusieurs raffineries et le mouvement de contestation, lancé en janvier, gagne peu à peu les rangs lycéens.
Fragilisé par cette contestation dans la rue, le gouvernement a pu se féliciter d'avoir obtenu le vote par le Sénat, dominé pourtant par l'opposition de droite, de la disposition la plus controversée de sa réforme : l'article 7 qui relève de deux ans de l'âge de départ à la retraite. "Je me réjouis que les débats aient permis de parvenir à ce vote", s'est félicitée la Première ministre Elisabeth Borne, après ce vote intervenu dans la nuit de mercredi à jeudi.
Devant l'Assemblée nationale, où le pouvoir ne dispose que d'une majorité relative, cet article n'avait même pas pu être examiné du fait des oppositions mais aussi du calendrier très serré des discussions imposé par le gouvernement.
Le feu vert des sénateurs est crucial pour le gouvernement qui marche sur une ligne de crête: il veut accélérer la procédure parlementaire tout en évitant de recourir à l'article de la Constitution française - le 49-3 - permettant l'adoption d'un texte sans vote, qui serait inévitablement perçu comme un passage en force. Le gouvernement espère désormais un vote du Sénat sur l'ensemble du texte d'ici à dimanche, la date-butoir qu'il a lui-même fixée.
"De l'huile sur le feu"
Avant cette échéance et malgré le feu vert du Sénat, les syndicats entendent montrer de nouveau leurs muscles lors de la prochaine journée d'action samedi, après la mobilisation record de mardi qui rassemblé entre 1,3 à 3,5 millions de Français dans les rues.
S'appuyant sur ce succès, les huit organisations regroupées en intersyndicale les syndicats ont demandé à être reçues "en urgence" par Emmanuel Macron mais ont, pour l'heure, reçu une fin de non-recevoir de la présidence.
"Quand il y a des millions de personnes qui sont dans la rue (…) quel est le rôle du président de la République? De jeter de l'huile sur le feu ou de calmer le jeu et dire: +on va regarder, je me suis trompé+ ?", a lancé jeudi Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT, un des deux principaux syndicats français.
Opposée elle aussi à la réforme, Marine Le Pen, cheffe de file des députés du parti d'extrême droite du Rassemblement national (RN), a assuré que le vote de l'article 7 au Sénat ne signifiait pas que "c'était gagné pour le gouvernement". "Je pense que, à l'Assemblée nationale, il n'y a pas de majorité pour voter cette réforme", a-t-elle assuré sur la radio France Inter, avant de réclamer de nouveau un référendum sur ce texte, une option rejetée par l'exécutif.
Réélu à la tête de l'Etat en avril 2022, Emmanuel Macron joue une part importante de son crédit politique sur ce texte qui vise, selon l'exécutif, à répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.
Dans le système français par répartition, crée en 1945 et fondé sur la solidarité entre générations, ce sont les cotisations versées par les actifs qui financent les pensions de retraite perçues par leurs aînés.
Au printemps 2020, au cours de son premier mandat, M. Macron avait dû abandonner une précédente réforme des retraites qui était elle aussi contestée dans la rue mais n'avait pas rassemblé contre elle un front syndical aussi uni qu'aujourd'hui.
La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas sans que les systèmes soient complètement comparables.
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