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Moyen-Orient - IRAN

Face à la contestation, Téhéran oscille entre exécutions et libérations

Des analystes estiment que le régime iranien est divisé sur la manière de mettre fin au soulèvement qui secoue le pays depuis plus de trois mois.

Face à la contestation, Téhéran oscille entre exécutions et libérations

Accusés d’avoir tué un membre des forces de sécurité durant les manifestations qui agitent l’Iran depuis près de quatre mois, Mohammad Mehdi Karami parlant devant la cour avant son exécution, samedi, au côté de celle de seyyed Mohammad Hosseini. Image tirée d’une vidéo de WANA (West Asia News Agency)/Handout via Reuters

La réponse de la République islamique au mouvement de contestation brouille les pistes. Si les arrestations et condamnations de manifestants n’ont pas cessé, la libération de certaines figures de la protestation est le signe que certains cherchent à adopter une approche moins ferme. Oscillant entre répression et gestes d’apaisement, le pouvoir montre ainsi des signes de division, selon certains experts. « Les messages contradictoires que nous recevons du régime iranien suggèrent un débat interne sur la manière de gérer les protestations », décrypte Nader Hashemi, directeur du Centre d’études du Moyen-Orient à l’Université de Denver. « Dans la plupart des régimes autoritaires, il y a des faucons et des colombes », opposés sur le degré de répression pendant les crises, poursuit-il.

Des manifestations agitent la République islamique depuis la mort, le 16 septembre, de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne arrêtée par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict en Iran qui impose aux femmes le port du voile en public. Elles se sont rapidement transformées en appels à renverser le régime, constituant le plus grand défi au pouvoir religieux depuis la révolution islamique de 1979. Les responsables iraniens qualifient généralement ces manifestations d’« émeutes » encouragées par des pays et organisations hostiles. Selon un dernier bilan fourni fin décembre par l’Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo, au moins 476 personnes ont été tuées par les forces de sécurité depuis le 16 septembre. Environ 14 000 personnes ont été arrêtées, d’après l’ONU.

Calcul politique

Pour la première fois depuis le début du mouvement, quatre Iraniens ont été condamnés hier à des peines allant de un à dix ans de prison pour avoir notamment incité à la grève, selon une source officielle. Précédemment, la justice a condamné à la peine capitale 14 personnes liées à la contestation. Quatre ont déjà été exécutées, dont deux hommes, samedi, reconnus coupables d’avoir tué un paramilitaire, ce qui a suscité une nouvelle vague d’indignation internationale, l’ONU dénonçant des pendaisons « choquantes ».

Mais le gouvernement a annoncé l’ouverture de nouveaux procès pour six des condamnés, relançant l’espoir d’une peine éventuellement plus légère. Un « calcul politique », tranche Mehrzad Boroujerdi, spécialiste de l’Iran et auteur du livre L’Iran post-

révolution : un guide politique. « Ils savent que les exécutions massives (...) feront descendre plus de gens dans la rue, souligne-t-il. D’autre part, ils veulent envoyer le signal qu’ils n’hésitent pas à exécuter des manifestants pour intimider les gens. »

Anoush Ehteshami, directeur de l’Institut d’études islamiques et moyen-orientales de l’Université de Durham en Angleterre, estime quant à lui que les nouveaux procès reflètent des pressions extérieures et intérieures. « Au sein même du régime, il y a des divisions sur la façon de gérer la situation », les partisans de la ligne dure, d’un côté, et ceux qui considèrent les exécutions comme un encouragement supplémentaire à la résistance, de l›autre, explique M. Ehteshami. Selon lui, les nouveaux procès, tout comme la libération de dissidents, sont « des mesures d’apaisement (...) pour essayer de jeter un os » aux manifestants. Pour d’autres analystes également, la libération de Majid Tavakoli et Hossein Ronaghi, deux figures du mouvement de contestation, quelques semaines après leur arrestation, est une autre tentative de calmer la situation. Tout comme la libération sous caution de l’actrice Taraneh Alidoosti mercredi dernier. Malgré certaines libérations, d’autres personnalités croupissent depuis des mois en prison, comme le militant Arash Sadeghi et les deux journalistes qui ont aidé à révéler l’affaire Amini. Selon Nader Hashemi, cette stratégie d’arrêter et de libérer est utilisée entre autres par le régime pour « tâter le terrain, voir quelle est la réaction » de la rue.

Intelligent, malin, machiavélique

De telles mesures peuvent sembler insignifiantes pour certains, mais « un régime sécuritaire et aux abois estime, lui, qu’il agit généreusement et répond à la pression publique », indique M. Ehteshami. L’« indulgence » dont font parfois preuve les autorités « vise à empêcher davantage de division au sein de l’establishment sécuritaire », la répression ayant aliéné certains de ses partisans, abonde pour sa part l’universitaire Afshin Shahi. Cependant, le régime « ne semble pas avoir de stratégie claire », poursuit-il.

En décembre, le procureur général Mohammad Jafar Montazeri a annoncé l’abolition de la police des mœurs. Mais aucune autre source officielle n’en a fait état et les militants sont restés sceptiques. Cette annonce montre qu’« au moins une partie du régime » est favorable à une manière moins brutale de faire respecter le code vestimentaire, estime Nader Hashemi. Pour lui, le régime a montré par le passé sa capacité à « faire des concessions quand il le fallait ». « Les gens oublient que ce régime a survécu pendant 44 ans parce qu’il peut être très intelligent, très malin, très machiavélique ».

Ian TIMBERLAKE/AFP

La réponse de la République islamique au mouvement de contestation brouille les pistes. Si les arrestations et condamnations de manifestants n’ont pas cessé, la libération de certaines figures de la protestation est le signe que certains cherchent à adopter une approche moins ferme. Oscillant entre répression et gestes d’apaisement, le pouvoir montre ainsi des signes de...

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