Le chef suprême de l'Afghanistan a appelé vendredi la communauté internationale à reconnaître le gouvernement taliban, estimant que le monde était devenu un "petit village" et que le rétablissement des relations diplomatiques aiderait à résoudre les problèmes du pays. Aucun pays n'a formellement reconnu le nouveau régime afghan, mis en place après le retour des talibans au pouvoir en août.
Dans un message diffusé vendredi, quelques jours avant la fête du Fitr, la "fête de la rupture du jeûne" qui marque la fin du mois du ramadan, le chef suprême, Hibatullah Akhundzada, ne s'est pas étendu sur les points de friction avec la communauté internationale, en particulier la réouverture des écoles secondaires pour les filles. Au contraire, il a estimé que la reconnaissance était la priorité "pour que nous puissions résoudre nos problèmes formellement et dans le respect des normes et principes diplomatiques".
"Sans l'ombre d'un doute, le monde s'est transformé en un petit village", a ajouté M. Akhundzada, qui vit reclus à Kandahar, le centre spirituel des talibans, et n'avait jamais été vu en public entre sa nomination en 2016 et le retour au pouvoir des talibans. En octobre, les islamistes ont diffusé un enregistrement audio du chef suprême lors d'un événement présenté comme une sortie publique, mais sa présence n'y a jamais été confirmée de source indépendante. Certains analystes continuent même à douter qu'il soit toujours en vie.
"L'Afghanistan a son rôle à jouer dans la paix et la stabilité du monde. A ce titre, le monde devrait reconnaître l'Emirat islamique", a-t-il ajouté. Ce message est publié alors que la situation sécuritaire semble à nouveau se détériorer en Afghanistan, après s'être beaucoup améliorée depuis l'arrivée au pouvoir des talibans. Plusieurs attentats à la bombe, souvent revendiqués par le groupe Etat islamique et ciblant la minorité chiite hazara, ont été menés ces dernières semaines dans tout le pays.
M. Akhundzada n'y a pas fait directement allusion, mais s'est réjoui que l'Afghanistan ait été capable de créer "une forte armée islamique et nationale", ainsi qu'un "solide service de renseignement". Une grande partie de la communauté internationale souhaite que la reconnaissance et l'aide humanitaire dont l'Afghanistan a désespérément besoin soient directement liées au respect des droits des femmes.
Le respect de la charia
À leur retour au pouvoir, les talibans avaient promis de se montrer plus souples que lors de leur premier régime (1996- 2001), quand les femmes étaient privées de presque tous leurs droits. Mais ils ont à nouveau progressivement érodé ces droits, balayant 20 années de liberté conquise par les femmes. Celles-ci sont désormais exclues des emplois publics, interdites de voyager seules ou encore obligées de s'habiller selon une interprétation stricte de la charia, la loi islamique.
En mars, les talibans ont fait refermer aux filles les lycées et collèges, quelques heures à peine après leur réouverture, annoncée de longue date. Cette volte-face inattendue, qui n'a pas été justifiée sinon pour dire que l'éducation des filles devait se faire en conformité avec la charia, a scandalisé la communauté internationale. Plusieurs responsables talibans ont confié à l'AFP que cette décision avait été personnellement prise par M. Akhundzada.
Il n'a pas évoqué la question dans son message, mais a indiqué que les autorités ouvraient de nouvelles madrassas (écoles coraniques) et écoles pour favoriser à la fois "l'éducation religieuse et moderne". "Nous respectons et défendons tous les droits de la charia pour les hommes et les femmes en Afghanistan (...) N'utilisez pas cette question humanitaire et émotionnelle comme un outil à des fins politiques", a-t-il encore plaidé.
Il a aussi estimé que les Afghans devraient adopter d'eux-mêmes les idéaux talibans, sans y être forcés. "Les autorités concernées devraient inciter les gens à respecter la charia avec sagesse et en évitant l'extrémisme", a-t-il estimé. M. Akhundzada a aussi affirmé que le gouvernement était déterminé à respecter la liberté de parole dans le cadre des "valeurs islamiques". Les talibans ont pourtant depuis août fermé des centaines de médias, interdit la musique en public et empêché la diffusion de films ou séries incluant des femmes.
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