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Culture - Musique

Samir Nasr Eddine, luth pour la liberté

En gravant sur CD le « Concerto pour oud », œuvre majeure et inédite du compositeur libano-russe Abdallah el-Masri, et en donnant la réplique à plus de 87 musiciens, le oud de ce musicien revêt une autre dimension.

Samir Nasr Eddine, luth pour la liberté

Samir Nasr Eddine : « Le oud peut interpréter n’importe quoi car il n’a pas de contraintes dans ses étendues infinies. » Photo DR

Samir Nasr Eddine, né à Kfar Atra dans le Chouf, en pince pour les cordes du oud depuis sa plus tendre enfance. À presque quarante ans, les cheveux ras, barbe fournie et yeux pétillants derrière des lunettes de myopie, il confesse pourtant que cet instrument ne fait pas tout à fait partie d’une tradition familiale. Sauf pour un oncle parti depuis longtemps en Amérique latine, ou encore son père qui a été touché par un engouement passager pour ce populaire instrument de musique arabe. Mais très vite, c’est Samir qui s’en est vraiment emparé.

À cinq ans, Samir Nasr Eddine a déjà la curiosité de reproduire les mélodies et de former les accords, sans avoir aucune notion de solfège, « à l’oreille » comme on dit. Mais cette passion précoce ne tarde pas à « virer » au sérieux et à seize ans, il fréquente assidûment le Conservatoire national supérieur de musique, sous l’égide de son professeur Chadi Esper – « Il croyait en moi », dit le jeune oudiste – qui lui permet d’obtenir en 2001 un diplôme en jeu du oud et en études musicales.

Sa carrière se voit rapidement lancée. Il partage son temps entre l’enseignement et des tournées pour plus de trente concerts en Europe (Berlin, Hambourg, Paris, Lyon), une prestation sur invitation de l’ambassade du Japon à Beyrouth, et se produit sur diverses scènes du monde arabe. Dans un mélange de genres, surtout sur des rythmes de jazz, il enregistre par ailleurs des œuvres avec le Californien vibraphoniste Joe Locke, une collaboration riche d’une trentaine d’albums...

Attitude avant-gardiste

Le jeune instrumentiste, pour rendre davantage justice au oud et à son potentiel, affirme d’ailleurs que « le oud reste pour le grand public une expression pour des variétés, de l’amusement ou le “tarab”. Or un oud n’est pas seulement oriental, pour un “takht” ou “maqâm”, mais il peut interpréter n’importe quoi car il n’a pas de contraintes dans ses étendues infinies, de nuances, d’éloquence, de vibratos, de plaintes et de complaintes… ». On l’aura compris, Samir Nasr Eddine refuse de réduire le « oud » à un moment de rêverie douce ou de quelques phrases bien ourlées.

Son combat pour écrire un page nouvelle dans la prosodie musicale de cet instrument emblématique du patrimoine arabe a commencé il y a déjà quelques années et se manifeste notamment par une attitude avant-gardiste dans la sélection des partitions et la notion du jeu. « Car, dit le musicien, notre héritage est le chant vu qu’on n’a pas de tradition musicale… » Proche de la basse, le oud peut tout jouer, aussi bien le jazz que le baroque, insiste le jeune homme qui a lancé en 2015 son premier CD, Fantasia, pour défendre une voix arabe qui, en une harmonie liée et dans une écriture audacieuse, ouvrait de nouveaux horizons…

Cette fois, c’est le Concerto pour oud, écrit par Abdallah el-Masri (prolifique compositeur diplômé du Conservatoire Tchaïkovsky à Moscou, qui a dédié des œuvres au violon, violoncelle, guitare, piano) il y a déjà une dizaine d’années, qui lui donne une nouvelle occasion pour défendre l’originalité et la place à occuper du oud dans le répertoire musical moderne entre Orient et Occident.Un concerto en trois mouvements qui n’a été joué qu’une seule fois, en live, au Qatar. Avec un soliste qui n’était autre que Charbel Rouhana, un des grands maîtres du oud. Et qui avait séduit autrefois l’auditoire en donnant à écouter en transcription pour oud un sémillant air du Barbier de Séville de Rossini. Le résultat était ébouriffant, inoubliable et d’une exquise beauté sonore.

Avec ce Concerto pour oud (36 minutes, gravé au Ton Studio dans la capitale russe) donné avec l’Orchestre symphonique de Moscou, sous la direction de Abdallah el-Masri (qui vit entre Moscou et le Koweït), et le concours des solistes pour guitare Yuri Aleshinkov et Vladimir Vannikov, pour un trio oud et deux guitares, le oud déploie ses ailes sous l’impulsion à la fois exaltée et maîtrisée du jeu de Samir Nasr Eddine.Une authentique révélation avec cet opus qui sort du rang et refuse de réduire le oud à une unique identité arabe. Un opus qui donne au luth oriental un rôle insoupçonné, renouvelé, et un langage premier dans ses envolées, sa mélancolie, ses notes plaintives ou joyeuses.

Le compositeur et l’interprète, d’un commun accord, ont cette vibrante confidence : « Ce oud, venu de notre terre, est une tristesse, un cri, une résistance, une défaite, une victoire. » Mais il est aussi une ouverture d’esprit, d’expression, une libération et une percée dans un horizon qu’on a tort de considérer fermé…

À signaler que le CD Concerto pour oud, dont le lancement s’est déroulé au Centre culturel russe à Beyrouth dans le quartier Verdun, est disponible à Onomatopoeia The Music Hub (Achrafieh), à Barzakh Book shop (Hamra) et chez Abdallah Chahine.

En tournée

À l’initiative de l’ambassade de Suisse au Liban, Samir Nasr Eddine effectue une tournée musicale avec les musiciens suisses et libanais Dida Guigan, Mary Freiburghaus, Gabriel Vergelin Soler, Jack Estephan et Cyril Regamey. Après un passage à Hammana Artist House le 21 avril, à Rumman à Tripoli (le 23), à Esprits libres (Hermel), le groupe se produira aujourd’hui mardi 26 avril à Onomatopoeia (Beyrouth) pour un concert de jazz à 19h30, précédé à 10h du matin d’un atelier de musique pour enfants, adolescents et adultes.

Samir Nasr Eddine, né à Kfar Atra dans le Chouf, en pince pour les cordes du oud depuis sa plus tendre enfance. À presque quarante ans, les cheveux ras, barbe fournie et yeux pétillants derrière des lunettes de myopie, il confesse pourtant que cet instrument ne fait pas tout à fait partie d’une tradition familiale. Sauf pour un oncle parti depuis longtemps en Amérique latine, ou encore...

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