
Un mois après l’or olympique aux Jeux d’hiver de Pékin, l’or mondial, remporté samedi à Montpellier avec un nouveau record du monde à la clé (un total de 229,82 points), est venu mettre la touche finale rêvée à une saison cruciale parfaitement maîtrisée par Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron. Pascal Guyot/AFP
Un mois après l’or olympique en danse sur glace glané à Pékin (Chine), Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont mis une touche finale en or à leur saison en s’offrant un cinquième sacre mondial, samedi à Montpellier (France). Une première pour le patinage artistique français. Plus tôt dans la journée, Nathan Chen, récent champion olympique et triple champion du monde sortant, et l’icône Yuzuru Hanyu blessés et absents, le Japonais Shoma Uno s’était paré d’or planétaire pour la première fois. Il a devancé son jeune compatriote Yuma Kagiyama (18 ans) et l’Américain Vincent Zhou.
Elle est restée fidèle à sa robe dorée pailletée portée à Pékin, lui a troqué son haut rouge pour un marron, mais une fois de plus, Papadakis et Cizeron, au-delà de la technique, ont su dégager l’intensité émotionnelle qui leur permet de gagner les cœurs bien au-delà des initiés de patinage. Ils en ont été récompensés par un total de 229,82 points, nouveau record du monde. Les près de 9 000 spectateurs de la patinoire montpelliéraine avaient chaviré avant ça, dès la présentation du duo français. Et, plus tard, ont repris la Marseillaise entonnée par une chanteuse d’opéra.
« C’est un sentiment indescriptible d’entendre autant de gens crier pour vous. On avait tous les deux la chair de poule. C’était vraiment difficile de retenir nos larmes avant notre performance, a avoué Cizeron. C’était très émouvant d’être ici, avec le public français. C’est encore mieux que ce qu’on aurait pu imaginer. »
Un podium 100 % Montréal
Papadakis et Cizeron ont devancé deux duos américains, Madison Hubbell/Zachary Donohue (222,39 points pour leur toute dernière compétition), et Madison Chock/Evan Bates (216,83 points). Tous les quatre leurs partenaires d’entraînement à Montréal et leurs amis proches, comme en ont témoigné leurs longues embrassades et leurs mains liées jusque sur le podium. « On part avec une amitié unique dans le sport », a estimé Hubbell. « Je nous vois comme une équipe avant de les voir comme des concurrents. Je les vois comme les seuls qui peuvent comprendre ce que je traverse », a expliqué Papadakis, ajoutant : « C’était merveilleux. On n’aurait pas pu avoir un plus bel événement, avec le public, l’ambiance, toute notre famille, et le fait de finir sur le podium avec des gens qui font partie de nos meilleurs amis. Ça rend la fin de ce cycle assez exceptionnel. »
Exclus comme tous les Russes en réponse à l’invasion de l’Ukraine, Victoria Sinitsina et Nikita Katsalapov, champions du monde sortants et médaillés d’argent olympiques à Pékin, étaient absents.
À 26 ans pour elle et 27 ans pour lui, Papadakis et Cizeron, également vice-champions olympiques 2018 et quintuples champions d’Europe (2015 à 2019), deviennent les premiers quintuples champions du monde de l’histoire du patinage français. Andrée et Pierre Brunet, les derniers à pouvoir rivaliser avec eux tout en haut du panthéon du patinage tricolore avec leurs deux titres olympiques obtenus en couples dans l’entre-deux-guerres (1928 et 1932), se sont arrêtés à quatre titres mondiaux. Surtout, Papadakis et Cizeron marquent encore un peu plus de leur empreinte l’histoire de la danse sur glace : seuls les Soviétiques Lyudmila Pakhomova et Alexandr Gorshkov les devancent désormais au nombre de couronnes mondiales, avec six coiffées dans les années 1970.
Compétition bonus
L’or mondial, un mois donc après l’or olympique, vient mettre la touche finale rêvée à une saison cruciale parfaitement maîtrisée. Avant, les danseurs clermontois restaient sur vingt mois passés sans compétition, entre leur défaite en janvier 2020 aux championnats d’Europe – leur seule depuis les JO 2018 – et octobre dernier, principalement à cause de la pandémie de Covid-19 et des difficultés de voyage pour eux qui vivent à Montréal depuis 2014. « C’était comme une compétition bonus. Depuis quatre ans, on était concentrés sur les JO, on voulait vraiment la médaille d’or olympique. Venir là, c’était vraiment une célébration », a décrit la patineuse.
Et après, que réservent Papadakis et Cizeron ? Mystère pour l’heure. « Le futur n’existe pas vraiment pour l’instant », répondait-elle aux JO 2022. « On verra », s’est-il limité à dire samedi. « Si c’était le dernier (moment), ça aura été beau jusqu’au bout. Aujourd’hui, tout a été parfait, ils ont fait une saison parfaite, un retour parfait, ce sont d’immenses champions », a salué Romain Haguenauer, leur entraîneur depuis dix ans. « On ne sait pas. On n’en a pas parlé, expliquait-il la veille (vendredi). Tout ça, ça va mûrir dans leur têtes, ils vont avoir quelques mois pour savoir où ils en sont, ce qu’ils veulent faire, leur envies, et il faut qu’ils se parlent aussi entre eux. »
En attendant, aux bouteilles d’eau à leur effigie, ils auraient « préféré une bouteille de champagne », a souri Cizeron. « Ce n’est pas trop tard », a lancé Papadakis.
Élodie SOINARD/AFP