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Moyen-Orient - Syrie

L’armée US aurait dissimulé deux frappes ayant tué des civils à Baghouz en 2019

Le Pentagone est accusé d’avoir couvert le crime d’une unité des forces spéciales américaines de l’ombre ayant bombardé un ancien bastion du groupe État islamique situé dans l’est de la Syrie, où se trouvaient 70 femmes et enfants, selon une enquête du « New York Times » parue samedi.

L’armée US aurait dissimulé deux frappes ayant tué des civils à Baghouz en 2019

Des personnes fuyant le dernier bastion du groupe État islamique de Baghouz, dans l’est de la Syrie, alors que s’élèvent d’épais nuages de fumée, le 18 mars 2019. Giuseppe Cacace/AFP

Les faits remontent au 18 mars 2019. L’armée américaine vient d’en reconnaître l’existence après la publication samedi par le New York Times (NYT) d’une enquête de plusieurs mois dans laquelle des anciens et actuels responsables du Pentagone affirment qu’un possible crime de guerre a été dissimulé à Baghouz, à l’est de la Syrie, sur les rives de l’Euphrate, connu pour avoir été le dernier bastion du groupe État islamique (EI). Ce jour-là, deux frappes aériennes sont menées sur une foule de femmes et d’enfants amassés sur la rive du fleuve et identifiés comme des civils par un drone américain opéré depuis le Qatar, rapporte le NYT. Cherchant à échapper aux combats, le groupe est ciblé par une première bombe d’environ 200 kg larguée par un avion américain F-15E, puis par une deuxième bombe d’environ 450 kg venant à bout des survivants. Au total, près de 70 personnes auraient perdu la vie.

Ces attaques sont survenues alors que les Forces démocratiques syriennes (SDF), dominées par les Kurdes et soutenues par l’aviation américaine, livraient leur ultime bataille contre l’EI qu’ils avaient assiégé dans un dernier réduit. D’une durée de plusieurs mois, l’offensive meurtrière, qui avait entraîné le déplacement de milliers de personnes – parmi lesquelles des jihadistes et leurs familles –, s’était achevée le 23 mars 2019, soit quatre jours après les frappes aériennes révélées par le NYT, avec la chute du « califat » autoproclamé en juin 2014 entre l’Irak et la Syrie.

Lancées par la Task Force 9, une unité des forces spéciales américaines opérant secrètement en Syrie, ces deux frappes aériennes ont surpris le personnel du Centre des opérations aériennes combinées (CAOC) de l’armée américaine à la base aérienne d’al-Udeid, au Qatar. « Qui a laissé tomber ça ? », a demandé un analyste sur un système de discussion sécurisé utilisé par le personnel chargé de surveiller les images du drone, rapporte le NYT. Peu de temps après, un juriste a signalé la frappe comme un possible crime de guerre qui nécessitait une enquête, poursuit le quotidien new-yorkais. « Mais à chaque étape ou presque, l’armée a pris des mesures qui ont masqué la frappe catastrophique. Le nombre de morts a été minimisé. Les rapports ont été retardés, nettoyés et classés. Les forces de la coalition dirigée par les États-Unis ont rasé le site de l’explosion au bulldozer. Et les hauts dirigeants n’ont pas été informés », souligne le journal.

Aucune mention

Bien que l’avocat de l’armée de l’air, le lieutenant-colonel Dean W. Korsak, ait porté l’affaire devant l’inspecteur général du Pentagone, aucune mention de Baghouz n’a été faite dans le rapport, indique le NYT. Dean W. Korsak s’est ensuite tourné vers le comité sénatorial des services armés. Gene Tate, un analyste ayant travaillé sur le dossier pour le bureau de l’inspecteur général, a, lui, été forcé de quitter son emploi lorsqu’il s’était plaint du manque d’action. Il a également contacté le comité sénatorial des services armés et attend, depuis des mois, que « le comité rappelle et lui indique qu’il examine activement » le dossier.

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Dans un communiqué publié durant le week-end par le Commandement central de l’armée américaine (Centcom), qui a supervisé la guerre aérienne en Syrie, ce dernier a reconnu pour la première fois l’existence de ces frappes, affirmant que 80 personnes ont été tuées mais que les attaques étaient justifiées. Seize combattants et quatre civils auraient perdu la vie, selon le Centcom. « Quant aux 60 autres personnes tuées, le communiqué indique qu’il n’est pas clair qu’il s’agisse de civils, en partie parce que les femmes et les enfants de l’État islamique ont parfois pris les armes », indique le NYT. « Nous abhorrons la perte de vies innocentes et prenons toutes les mesures possibles pour les empêcher, a déclaré dans le communiqué le capitaine Bill Urban, porte-parole en chef du commandement. Dans ce cas, nous avons autodéclaré et enquêté sur la frappe selon nos propres preuves et assumons l’entière responsabilité des pertes de vies involontaires. »

Selon Bill Urban, des combattants de l’EI avaient lancé ce matin-là une contre-attaque sur des positions des FDS durant plusieurs heures. Alors qu’une de leurs positions était en proie à un incendie et qu’elle risquait d’être envahie, la Task Force 9 aurait ordonné des frappes aériennes. Cette unité des forces spéciales américaines n’aurait pas vu de civils à cause du drone utilisé qui avait seulement une caméra à définition standard, ignorant qu’un drone équipé d'une caméra à haute définition se trouvait dans la zone, selon Bill Urban.

Pressions importantes

La publication de cette enquête survient alors que l’armée américaine a admis, il y a quelques jours, avoir tué par erreur 10 civils en Afghanistan, en août dernier. Le NYT affirme que le nombre de morts civiles est en outre souvent sous-estimé, y compris dans les rapports classifiés. Alors que près de 1000 frappes ont touché des cibles en Syrie et en Irak en 2019, utilisant 4 729 bombes et missiles, le décompte militaire officiel des civils morts pour la même année n’est que de 22, ajoute le quotidien. « Le défi de savoir comment reconnaître et prendre en compte de manière appropriée les pertes civiles résultant des opérations militaires américaines remonte au moins à la guerre du Vietnam, observe Nicholas Heras, expert du Newlines Institute à Washington. L’EI a largement utilisé des civils comme boucliers humains et il y avait très peu de renseignements sur le nombre de civils restés à Baghouz. En outre, les chefs militaires américains concernés par les combats dans l’est de la Syrie ont également subi des pressions importantes sous l’administration Trump pour minimiser les aveux de culpabilité que les États-Unis pourraient faire pour la mort de civils. »

Selon les révélations du NYT, les frappes ordonnées par la Task Force 9 ont été menées en contournant systématiquement les directives données par l’armée américaine pour limiter les décès de civils. Le processus précédant un bombardement, explique le quotidien, doit être soumis à plusieurs « freins et contrepoids »: une étude pouvant durer des jours ou des semaines des cibles potentielles par des drones équipés de caméras haute définition, un examen des données du renseignement pour différencier les combattants des civils, la consultation d’avocats militaires pour s’assurer que le ciblage respecte le droit des conflits armés. « Parfois, quand la force spéciale ne remplissait pas ces exigences, les commandants au Qatar et ailleurs refusaient de donner leur feu vert pour la frappe », précise l’enquête. Des exigences que la Task Force 9 a préféré ignorer en prétextant un danger imminent et en invoquant le droit à la légitime défense, explique le quotidien. « Ce rapport fera probablement pression sur l’administration Biden pour qu’elle mène une enquête approfondie sur ce qui s’est passé pendant la bataille de Baghouz, mais il est peu probable qu’il change une culture de déni sur l’admission de l’étendue des pertes civiles dans les opérations militaires au sein du Pentagone », résume Nicholas Heras.

Les faits remontent au 18 mars 2019. L’armée américaine vient d’en reconnaître l’existence après la publication samedi par le New York Times (NYT) d’une enquête de plusieurs mois dans laquelle des anciens et actuels responsables du Pentagone affirment qu’un possible crime de guerre a été dissimulé à Baghouz, à l’est de la Syrie, sur les rives de l’Euphrate, connu pour...

commentaires (1)

Pourquoi ferme-t-on toujours les yeux sur les crimes contres l'humanité lorsqu'ils sont commis par les Américains? Imaginez les scandale si l'armée syrienne avait tué "par erreur" des soldats américains!

Politiquement incorrect(e)

11 h 13, le 16 novembre 2021

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Commentaires (1)

  • Pourquoi ferme-t-on toujours les yeux sur les crimes contres l'humanité lorsqu'ils sont commis par les Américains? Imaginez les scandale si l'armée syrienne avait tué "par erreur" des soldats américains!

    Politiquement incorrect(e)

    11 h 13, le 16 novembre 2021

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